1 avril 2020
1 avril 2020
Temps de lecture : 7 minutes
7 min
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Précommandes, livraison post-confinement : les petits commerces s'organisent pour résister à la crise

Face à la pandémie, les petits commerces et les indépendants s’organisent. Bons de pré-commandes, digitalisation, livraisons repoussée post confinement...les commerçants misent sur la solidarité des Français·es pour sortir la tête de l’eau !
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Après l’interdiction des rassemblements de plus de 5000, 500 puis 100 personnes, le gouvernement a finalement annoncé la “fermeture de tous les lieux recevant du public et les commerces non essentiels à la vie de la nation. L’annonce du 14 mars dernier, aussi soudaine qu’inattendue, a obligé des milliers de commerces à fermer leurs portes du jour au lendemain, sans possibilité de se retourner. Comme toutes les entreprises dans leur situation, les startups et les indépendants accusent le coup. Cet arrêt, bien que nécessaire, n’est qu’un coup dur de plus pour des trésoreries déjà bien affaiblies par “la crise des gilets jaunes et les grèves contre la réforme des retraites” , reconnaît Aude Langlais, co-fondatrice d’Aux Deux Canelés.

Malgré la réactivité du gouvernement et ses multiples engagements pour aider entreprises et startups à remonter la pente (prime de 1500 euros, prêts garantis par l’État, bridges…), la note s’annonce salée pour les petites sociétés, les commerçants et les indépendants. Face à l’inconnu et à l'imprévisible, comment faire pour sauver sa trésorerie? La créativité fait naître des initiatives qui misent en grande partie sur la solidarité des citoyen·ne·s.

Les pré-commandes, un engagement fort

Le site Petits commerces, qui cartographie les commerces de proximité pour leur donner de la visibilité, a monté une opération spéciale. Sur le site Soutien commerçants artisans, les citoyen·ne·s peuvent acheter un bon de 20 euros qu’ils utiliseront plus tard dans la boutique. Si les premiers commerces auxquels nous pensons sont souvent ceux de l’alimentaire, le prêt-à-porter, les librairies, les magasins culturels sont également durement touchés par la crise. Lily of the Valley, fleuriste dans le centre de Paris, a rejoint la plateforme le 30 mars dernier. Depuis, la fondatrice a reçu une petit dizaine de commandes. Si elle confie “ne pas attendre grand chose à part le plaisir de revoir ces personnes à la réouverture de son commerce, une importante mobilisation pourrait lui fournir de la trésorerie immédiatement”

Confinés chez lui avec sa femme, Mathieu Maure, ancien directeur marketing Europe d’UberEats, a voulu “donner du sens à son confinement” . Voyant que certains commerçants étaient inquiets à l’idée “de ne pas pouvoir payer les échéances de leurs prêts” , il a choisi de monter Sauvons nos commerces. Cette plateforme permet aux consommateurs et aux consommatrices d’acheter un bon “aujourd'hui pour bénéficier d’un service demain” .  En moins de 24 heures, la proposition lancée sur les réseaux sociaux a été vue plus de 40 000 fois et la landing page créée pour l’occasion a recensé 4000 visiteurs uniques. Les besoins sont palpables et l’envie d’apporter sa contribution et son soutien aussi.

L’idée a notamment séduit Aude Langlais, pâtissière spécialisée dans la fabrication de cannelés. “Nous avons perdu toute visibilité sur le temps présent et l’avenir puisque tous les événements que nous couvrons (team building, mariage, baptême…) sont annulés depuis le 3 mars dernier” , regrette-t-elle. Face à cette absence de commandes, la fondatrice a besoin d’être rassurée quant “au soutien de ses clients dès la reprise. En ce sens, Sauvons nos commerces est une bonne solution pour générer du soutien et l’aide du grand public et des clients les plus fidèles” , explique t-elle.  Réussir à renforcer sa trésorerie et “savoir que nous pouvons recommander à nos fournisseurs et que nous pourrons les payer serait un poids en moins” sur les épaules de toute son équipe. Les Français·es devraient pouvoir retrouver leurs commerçants sur la plateforme dès la fin de la semaine. 

La plateforme de services à domicile Wecasa a également décidé de “soutenir son réseau d’indépendants pour leur ramener de la trésorerie d’avance” , explique Pierre André co-fondateur de l’entreprise, et permet aux clients de "pré-commander" des prestations. L’opération, lancée dès l’annonce du confinement, semble plutôt bien marcher. “Les tickets moyens vont de 10 à 400 euros avec une moyenne de 100 euros” . Des sommes plutôt élevées qui témoignent de l'engagement des Français·es et s’expliquent par la cible visée. “Nous nous adressons plutôt à nos clients habituels, qui ont déjà fait appel plusieurs fois au même prestataire, c’est là que la solidarité prend tout son sens” , explique Pierre André. Wecasa participe à l’effort en ne prenant aucune commission sur les prestations pré-réglées. 

Livraison post-confinement et circuit-court : les habitués sollicités

Le site de prêt-à-porter Make My Lemonade a choisi un autre biais, celui de la livraison post-confinement. “Toute la logistique a été arrêtée en moins de 24 heures. Nous voulions être solidaire avec le personnel soignant, c’est pourquoi nous avons décidé d’arrêter les livraisons” , explique Simoné Eusebio, directeur de la communication et des partenariats. D’autant que la jeune marque ne commercialise pas de produits de première nécessité,  et préfère donc laisser la priorité à d’autres secteurs. Les clients de la marque pourront donc continuer à passer leurs commandes et seront livrés dès la fin du confinement. Une manière de limiter l’impact de la fermeture de sa boutique parisienne.

La filière horticole n’échappe pas non plus à la crise. Depuis le début du confinement, elle a connu une baisse de ses ventes de 86% selon Valhor, l’organisation interprofessionnelle qui rassemble les professionnels de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage. Fleurs d’Ici, société à mission qui a pour but de valoriser la filière, propose à tous les fleuristes qui le désirent d’utiliser son application de ventes en circuit-court. Celle-ci permet ainsi de relier les acteurs et de favoriser la production française. Les livraisons se font suivant un protocole évitant les relations, ce qui limite les risques de contamination. 

Pour aider les petits commerçants et les agriculteurs à vendre leurs productions, le site de livraison Epicery a décidé d’ouvrir son application à tous les commerçants qui le souhaitent. Aucune commission n’est prise sur les ventes, ces derniers doivent seulement payer les frais de livraison et de paiement en ligne.  Du côté de Rungis, les livraisons aussi s’organisent dans la capitale depuis quelques jours maintenant avec le site officiel RungisLivreChezVous. La vente en ligne, souvent mise de côté pour les commerçants de proximité apparait aujourd’hui comme une véritable solution de secours et comme le seul moyen de survivre durant ce confinement à durée indéterminée. 

Too Good To Go, la startup qui lutte contre le gaspillage alimentaire et tente de sauver les invendus à tout prix, a également décidé de venir en aide aux commerçants. Elle propose désormais à la vente des paniers de ravitaillement composés de produits alimentaires. Le "panier Le Nécessaire", d'une valeur de 30 à 50 euros, est disponible dans les enseignes Monoprix, Intermarché, Sytème U et à la Grande Epicerie. Il permet de réduire les sorties des citoyen.nes. Le panier "Solidarité" vise à aider les commerçants de quartier qui ne possèdent pas de service de livraison à vendre leurs produits. La commande est réservée et payée via l'application, il suffit ensuite d'aller la récupérer chez son primeur, par exemple.

Le 9 mars dernier, le Secrétaire d’Etat au Numérique lançait un appel aux porteurs de projets de solutions numériques, qui a, semble t-il, été bien reçu. Les propositions se multiplient pour aider les commerçants à trouver, si ce n’est un second souffle, au moins un peu d’air pour éviter l’asphyxie de leur trésorerie avant même la fin de la crise. 

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