11 mai 2020
11 mai 2020
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
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La crise dope les envies de reconversion mais freine le passage à l'action

Nombreux sont les Français à se questionner sur leur travail après ces semaines confinées. Mais attention à ne pas tout envoyer valser un peu trop précipitamment.
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La crise sanitaire et le confinement qui a duré sept semaines dans l'Hexagone ont dopé les envies de reconversion des Français·es, après avoir agi initialement comme des freins au changement. "Nous avons d’abord enregistré beaucoup moins de demandes, au moment de l’annonce du confinement. Les gens voulaient se focaliser sur l’essentiel" , explique ainsi Yves Trocheris, fondateur de Même pas cap, qui a dématérialisé le bilan de compétences.

Mais une fois les principales questions réglées, notamment celles concernant la sécurité de leur emploi, les Français·es ont préparé leur "après" professionnel. La peur de perdre son emploi est d'ailleurs l'un des accélérateurs de cette transition, comme l'explique Yves Trocheris. "Certaines personnes n'ont pas d’autre choix que de se poser la question parce que la crise économique qui survient ne leur donne pas la garantie de retrouver leur travail après la crise. Ils doivent donc se projeter dans un plan B si leur secteur ne recrute pas de suite" , atteste l'entrepreneur. Anticiper de changer d'employeur ou de métier permet donc de conjurer le sort et de se préparer à ce qui pourrait se révéler inéluctable.

Une quête de sens démultipliée par la crise

Mais c'est souvent la question de l'utilité sociale qui est au coeur de ce chamboulement. La fameuse quête de sens n'aura jamais aussi bien porté son nom. "La crise qu’on traverse intensifie des questionnements déjà présents avant, notamment en rapport avec les valeurs et le sens du travail" , souligne Clara Delétraz, cofondatrice de Switch Collective qui accompagne des promotions de salariés en reconversion. "Plein de gens se rendent compte que leur métier n'a pas de sens, en comparaison de gens qui exercent des métiers vitaux, qui sont 'au front'."

La valorisation des semaines durant des soignants ou des personnels du commerce alimentaire à la fois par les médias et par les Français·es eux-mêmes a largement contribué à interroger celles et ceux qui n'étaient pas "en première ligne". Les bullshit jobs ont suffisamment été décriés ces dernières années pour que l'actualité de ces semaines de confinement soit l'étincelle qui a finalement allumé la mèche.

Beaucoup de gens se posent désormais la question : "moi, mon métier, il sert à quoi ?"

Enfin, le confinement a exigé de repenser nos modes de travail, de nombreuses entreprises imposant le télétravail 100% du temps... pour le plus grand bonheur de certains salariés ! "Après sept semaines en télétravail, je ne me vois pas reprendre les transports tous les jours pour aller travailler dans un open space bruyant" , concède ainsi Laure, employée par un grand groupe bancaire. "La crise a modifié notre rapport au travail et la place qu'on lui accorde, elle a questionné notre équilibre vie pro/vie perso, souligne Clara Délétraz. Certains ont pris conscience de leur sur-investissement dans leur travail ou du fait qu'ils ne souhaitent plus travailler de la même manière, en faisant deux heures de transports par jour, par exemple. Plus qu'un nouveau métier, ils réfléchissent alors à un nouveau projet de vie."

Changer radicalement... mais pas trop vite

Le déconfinement verra-t-il donc une vague de démissions de salariés voulant finalement aller élever des chèvres dans le Larzac ? Pas sûr. Certes, le confinement a laissé du temps aux concerné·e·s pour mûrir leur projet. "Le traditionnel bilan de compétences se heurte souvent au fait que les personnes sont en poste et n'ont pas de flexibilité, notamment la possibilité de le réaliser sur leurs horaires de bureau. Mais il est plus facile à faire rentrer dans l’emploi du temps en temps de confinement, sous un format numérique. Cela a fait sauter certains verrous" , note Yves Trocheris.

Celles et ceux qui ont entamé leurs démarches au début du confinement pourraient bien sauter le pas dès le mois de mai, "un accompagnement sérieux durant autour de trois mois" , prévient encore l'entrepreneur. Et la prise en charge par le compte formation d'un certain nombre de programmes en ligne a permis à nombre d'hésitant·e·s de se lancer pendant leurs semaines confinées.

Mais attention à ne pas mettre la charrue avec les boeufs. "Nous déconseillons aux gens que nous suivons de faire d’un coup des changements très radicaux, martèle Clara Delétraz. Il ne faut pas tout envoyer valser. Changer de job ou de vie, ça ne se fait pas du jour au lendemain, on ne parle d'ailleurs pas de grand saut mais de petits pas. Il faut mettre en place le changement par petites touches." Gare à ceux qui verraient le déconfinement comme un ticket de loto destiné à leur octroyer (enfin) leur vie de rêve. D'autant que celui-ci s'annonce progressif voire incertain. "Tant que les choses resteront assez floues, et cela devrait durer un moment, il n'y aura pas de grands signaux radicaux, comme une vague de démissions" , avance la cofondatrice de Switch Collective. De quoi laisser le temps aux entreprises de se réinventer si elles veulent espérer garder leurs talents.

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