C'était l'une des craintes des indépendants et des PME : pâtir des délais de paiement et des impayés que la crise ne manquerait pas d'apporter avec elle. Leurs angoisses se sont malheureusement révélées fondées, comme en atteste une étude menée par la startup Rubypayeur de recouvrement de créances auprès de 4000 entreprises. Les très petites entreprises et les indépendantes et indépendants se sont ainsi retrouvés pris entre le marteau et l'enclume pendant la crise, à la fois premiers débiteurs et premiers créanciers. "Indépendants et TPE totalisent 82% des créances (respectivement 25% et 57%) et 75% des débits (31% et 44%)" , précise ainsi l'étude, révélant l'effet cascade des impayés. Acculés par les impayés de leurs clients, les petites structures et les indépendants ne pouvaient eux-mêmes plus payer leurs fournisseurs, figeant le cycle économique dans un cercle vicieux.

Le phénomène n'est pas nouveau : même hors crise, TPE et indépendants affrontent régulièrement les mauvais payeurs et doivent déployer des trésors d'ingéniosité pour se faire régler. Mais la crise a considérablement accru le problème, plaçant certaines entreprises dans des positions délicates. Ainsi, entre février et avril, Rubypayeur a vu le nombre de procédures de mise en recouvrement être multiplié par huit ! Et après une relative baisse en mai - mais qui correspondait toujours à un volume quatre fois supérieur à la normale - il est à nouveau reparti à la hausse en juin. "Depuis le déconfinement, la reprise progressive de l’activité a permis d’assainir la situation mais le volume de mise en recouvrement reste à ce jour trois fois plus élevé qu’en période normale" , assure la startup.

En période de crise, les entreprises ne font plus confiance à personne

Symptôme de la crise, la rétention de trésorerie a été beaucoup plus importante que d'habitude. "Durant la crise sanitaire les entreprises ont opéré une franche rétention de trésorerie en refusant de régler leur facture à leurs créanciers" , constate Rubypayeur, avec un taux de recouvrement amiable qui a chuté de 80% avant-crise à seulement 30% au plus fort de la crise, en avril. "Depuis la reprise d’activité, la rétention de trésorerie a nettement diminué" , rassure la startup, bien qu'elle reste un quart supérieure au taux normalement observé.

Des pratiques qui ont durablement entamé la confiance entre entreprises. Ainsi, le cabinet en ligne de recouvrement note qu'avant la crise, "les entreprises attendaient en moyenne 118 jours pour faire appel au service de recouvrement de Rubypayeur" , près de quatre mois, soit un délai trois fois supérieur au délai légal (30 jours) et près de deux fois supérieur au délai maximal autorisé (60 jours). Une patience qui traduisait "à la fois un certain dilettantisme des entreprises françaises dans le recouvrement mais aussi, de manière plus positive, la confiance qu’elles s’accordent entres-elles" , rappelle l'étude.

Mais qui n'a pas été à toute épreuve : après avoir chuté de moitié en mars (à 60 jours), le délai avant de lancer une procédure de recouvrement a été réduit à peau de chagrin en avril, les entreprises n'attendant plus que 10 jours avant de réclamer leur dû ! La confiance revient petit à petit, ce délai s'étant à nouveau allongé à 65 jours, ce qui reste tout de même deux fois inférieur aux habitudes d'avant-crise des entreprises. Il leur faudra vraisemblablement encore un peu de temps pour retrouver une pleine et entière confiance dans les partenaires qui en ont parfois abusé...