« Cruncher des datas », « disrupter le marché », penser « outside the box »… Les sessions de pitchs ressemblent parfois à une simple juxtaposition de slogans et mots valises, plus communément appelés buzzwords dans le jargon de la tech. Si ceux-ci ont conféré un côté « cool » aux startups durant un temps, ils tenderaient plutôt à les desservir aujourd’hui. Emmanuelle Duez, fondatrice du cabinet de conseil The Boson Project et co-fondatrice de l’événement Tchatche, et Grégory Pouy, fondateur du podcast Vlan, nous expliquent pourquoi ce phénomène appauvri la connaissance et biaise les investissements.
Le jargon ou l’illusion du savoir absolu
Nous utilisons tous des expressions et des termes appartenant à notre métier, que l’on soit avocat, entrepreneur, journaliste ou bijoutier. C’est tout à fait normal. « Cela nous donne le sentiment d’appartenir à un groupe” , explique Grégory Pouy. Mais le problème intervient quand ce jargon est aussi utilisé à des fins trompeuses.
Dans l’univers de la startup, les faux-semblants sont parfois rois. « Beaucoup d’entrepreneurs utilisent des mots creux car leur discours n’est pas solide » , avance Emmanuelle Duez. En utilisant des termes nébuleux, « ils veulent donner l’impression d’être des experts » , poursuit Grégory Pouy. Pire, dans certains cas, les startuppeurs les utilisent « comme un leurre pour susciter l’intérêt d’investisseurs en quête de nouvelles technologies à ajouter à leur portefeuille » , renchérit Emmanuelle Duez. Mais en réalité, cette surabondance de mots-clés témoigne souvent d’un manque de maîtrise du sujet.
Tromper les investisseurs par sa méconnaissance
L’intelligence artificielle est à ce titre utilisée à tort et à travers dans les pitchs, donnant parfois même l’impression d’être omniprésente. « L’intelligence artificielle est un mot d’une complexité inouïe que peu de gens maîtrisent en réalité”. Les entrepreneur·euses y englobent tout « un tas de business model, de technologies, de trucs qui sont juste des algorithmes et qui n’ont absolument rien à voir avec l’intelligence artificielle” .
Finalement, ce phénomène contribue à la création d’une bulle un peu étrange où ce « qui compte est de pitcher de la chantilly peu importe la capacité à prouver ce que l’on a déjà fait, dans le seul but de lever des fonds” , image la co-fondatrice de Tchatche.