10 décembre 2020
10 décembre 2020
Temps de lecture : 6 minutes
6 min
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Covid-19 : la startup Aqemia sur les rangs pour trouver un médicament

La startup Aqemia, spécialisée dans la recherche de médicaments, adopte une approche différenciante en combinant intelligence artificielle et physique théorique... Un avantage repéré par le Français Sanofi, avec qui elle coopère afin de mettre au point un traitement contre le Covid-19.
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Pallier la difficulté qu’ont les groupes pharmaceutiques à anticiper l’efficacité de nouvelles molécules. C’est le défi que s’est lancé Aqemia grâce à l'intelligence artificielle. La startup parisienne, fondée en 2019, calcule l'affinité entre une cible thérapeutique – à la source de la maladie – et les molécules d'un candidat-médicament. À la différence d’autres DeepTech du même domaine, elle fait appel à la physique théorique plutôt qu’à des modèles nourris à partir d'une base de données. Une spécificité qu'elle entend mettre à profit dans le cadre de la lutte contre le Sars-CoV-2, le virus qui se trouve derrière le Covid-19. Elle vient de conclure un partenariat en ce sens avec le laboratoire pharmaceutique français Sanofi.

"Déterminer l'efficacité d’une molécule 10 000 fois plus vite"

Aqemia est une spin-off issue de l’École normale supérieure (ENS), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ainsi que de l’université Paris sciences & lettres (PSL). Présents au capital de la jeune pousse, ces trois organismes publics ont transféré à cette dernière des technologies qui lui permettraient de "déterminer l’efficacité d’une molécule 10 000 fois plus vite" que la concurrence. C’est ce qui fait sa force alors que la recherche d’une molécule mettrait en moyenne 15 ans à aboutir et que le coût de développement avoisinerait les 2,5 milliards de dollars (près de 2,1 milliards d’euros) – un chiffre qui fait référence, bien que contesté dans une étude publiée début 2020 par la London School of Economics (LSE) et l’université de Louvain qui estime q'uil pourrait être deux fois moins élevé.

La DeepTech s’est dans un premier temps penchée sur des traitements dans le domaine de l’oncologie. "C’est un domaine thérapeutique majeur, qui touche de près ou de loin tous les êtres humains" , explique Maximilien Levesque, président et co-fondateur d’Aqemia, précisant s’être particulièrement intéressé à la leucémie chez les enfants.

Selon ce dernier, la mécanique statistique permet de déterminer "à la fois vite et bien" quelles sont les combinaisons efficaces visant à lier une cible thérapeutique et les molécules d’un candidat-médicament. "Il faut imaginer une clé et une serrure, illustre-t-il. Aqemia cherche, par le biais de la physique, le moyen de les rendre compatibles. La plupart des DeepTech adoptent une autre approche, qui consiste à créer des couples verrous-clés. Cela pose des difficultés, car rien ne dit que les propriétés physiques sont immuables."

Des molécules peuvent être générées à partir de ce calcul d’affinité, sans qu’une base de données n’ait besoin d’être alimentée. "On s’inspire là de la physique quantique, car notre solution repose littéralement sur la position des atomes dans l’espace" , assure Maximilien Levesque, titulaire d’un doctorat en mécanique quantique. L’intelligence artificielle mise au point par Aqemia, qualifiée de "générative", apprend ainsi à inventer des molécules pertinentes par le biais d’algorithmes de physique théorique à même de prédire l’affinité d’une molécule avec la cible thérapeutique responsable d’une certaine pathologie. Une méthode qui aurait fait l’objet de pas moins de "huit années de recherche et de plus de 40 publications scientifiques".

L'espoir d’un médicament contre le Covid-19 n'est pas vain

Selon Aqemia, sa solution présente un grand intérêt dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. La recherche de médicaments serait complémentaire avec le développement de vaccins. "La maladie ne va pas s’évanouir comme par magie dans les prochains mois. Les vaccins dont l’efficacité a été démontrée sont basés sur l’ARN messager, une technologie nouvelle et prometteuse mais qui exige une conservation à de très basses températures, relève Maximilien Levesque, pointant du doigt le défi logistique à venir qui pourrait exclure de fait certaines populations. Par ailleurs, tout le monde ne se fera pas vacciner. Que ce soit par choix ou du fait d'une vulnérabilité. Un médicament permettrait de traiter l’ensemble de la population."

Le nombre de virus pour lesquels il n’existe pas d’antiviral est très élevé – en témoignent la fièvre jaune ou encore Ebola. Pour autant, il en existe bien pour soigner les hépatites ou traiter le VIH. "Comme tous les responsables d’infections virales, le Sars-CoV-2 fait état de serrures, détaille Emmanuelle Martiano-Rolland, directrice générale et co-fondatrice d'Aqemia, filant la métaphore de son associé. Notre approche nous permet donc de chercher un éventuel médicament qui serait à même d’empêcher la reproduction du virus au sein des cellules."

De quoi intéresser Sanofi, qui soutient financièrement et techniquement l’action de la startup. En plus de ses recherches dans le but de développer un vaccin, le laboratoire pharmaceutique français a écarté le recours au repositionnement de médicaments – qui consiste à réemployer des molécules déjà autorisées afin de traiter d’autres pathologies que celles pour lesquelles elles ont initialement été autorisées – avec l’aide d’Aqemia. Elle dit avoir ainsi démontré que "l’hydroxychloroquine n’est pas adaptée".

Un marché qui pourrait devenir hautement concurrentiel

L’unique possibilité restante : créer de nouvelles molécules, spécifiques au Covid-19. Les premiers essais devraient avoir lieu au premier semestre 2021. À la croisée de la physique théorique, de la chimie médicinale et de l’intelligence artificielle, la jeune pousse se définit d’ailleurs comme "un inventeur de molécules" pour le compte de laboratoires. Si elle estime avoir "validé" son approche avec ses travaux en oncologie, elle veut à l’avenir multiplier les collaborations dans le but de couvrir davantage de domaines médicaux.

Pour s'étendre, elle évoque "un enjeu en matière de financement". Forte d’une levée de fonds en amorçage de 1,6 millions d’euros en 2019, Aqemia mènera une série A en 2021 avec pour objectif de "choisir [elle-même] les maladies" sur lesquelles travailler. "Nous ambitionnons de devenir un générateur de BioTech" , glisse Maximilien Levesque. Pour ce faire, des recrutements d’experts en chimie théorique et machine learning sont prévus.

Les big pharma, qui ne se sont pas massivement emparés de ces techniques nouvelles en interne, restent très dépendants aux essais traditionnels – tels que les tests in vivo. La startup a donc une carte à jouer ces prochaines années. Pour autant, la concurrence devrait devenir assez rude à mesure que de nouveaux acteurs entrent sur ce marché. Et pas des moindres puisque de son propre aveu, des géants comme Google plancheraient sur la question. La firme de Mountain View a bel et bien acquis un spécialiste britannique de l’intelligence artificielle appliquée à la santé, DeepMind, début 2014… et a récemment réalisé une percée scientifique en mettant sur pied un modèle d’IA capable de prédire la structure d’une protéine avec une précision inédite. Un élément qui s'avère crucial au moment de concevoir des médicaments.

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Aqemia