29 décembre 2020
29 décembre 2020
Temps de lecture : 8 minutes
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Bannie par Google, délaissée par un investisseur... 10 mois de péripéties pour Rocambole

En septembre dernier, Rocambole annonçait fièrement son premier tour de table. Un soulagement pour une startup qui a failli mettre la clef sous la porte après un incroyable enchaînement de galères.
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Article mis à jour le 2 juin 2021

L'angoisse, la peur, la fatigue, la joie, l’excitation, l'envie. L'aventure entrepreneuriale ressemble souvent à des montagnes russes comme en témoigne l'année 2020 vécue par Rocambole, l'application de séries à lire. Depuis le début du mois de janvier, la startup a cumulé les épreuves, pensant même devoir écrire la dernière page de son histoire. Mais la combativité de l'équipe lui a finalement permis de se relever et d'obtenir un financement en pré-seed à la rentrée. François Delporte, co-fondateur et CEO de Rocambole nous raconte ces dix derniers mois fous. 

Janvier : départ d'un associé, un investisseur clé disparaît

Malgré les bonnes résolutions et les espoirs généralement portés par une nouvelle année, Rocambole a débuté janvier avec difficulté. De cinq associé·e·s au départ en juin 2019, la startup n'en compte plus que quatre six mois après. "Notre associé chargé de la partie tech devait développer la version Android de notre solution, qui correspondait à 80% de notre cible mais il n’y arrivait pas" .

Après avoir reculé plusieurs fois la sortie de cette seconde version de l’application, les associés se mettent autour de la table. "Il se voyait plutôt comme lead developer à superviser d’autres développeurs mais je lui ai expliqué que nous ne pourrions peut-être pas le payer avant plusieurs mois. Il allait être papa, il a préféré partir” , détaille François Delporte. La startup se retrouve donc amputée d’un associé, qui plus est, le seul à même de gérer la partie tech. Un moment toujours compliqué "quand on est une petite structure car les rôles ne sont pas dupliqués, personne ne peut prendre le relai" , souligne François Delporte. Or, recruter un bon tech et un bon développeur demande du temps, du réseau et souvent de l’argent.

Dans le même temps, Rocambole est lâchée en en pré-amorçage par ses potentiels investisseurs. "Nous avions commencé une levée de fonds avec un lead investisseur qui  structurait le tour. On travaillait sur un financement entre 120 et 125 000 euros et du jour au lendemain, il nous a ghosté. On ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé. On avait perdu notre tech et on perdait notre chance de financer un nouveau tech et donc notre développement" . À cette époque, la startup possédait le cash nécessaire pour survivre jusqu’au 15 mai-15 juin mais pas plus. Autant dire que "le moral était au plus bas, j’ai même dit à l’équipe : on va jusqu'à la fin du cash et on s’arrête là" , avoue François Delporte. 

Dans ce marasme ambiant, l'incubation à Station F et les contacts d'autres entrepreneurs·euses permettent à la startup de trouver rapidement un développeur. "Un mois et demi plus tard, tout était à nouveau opérationnel avec la version Android en sus" . Malgré cette bonne nouvelle, la startup reste dans une situation compliquée.

"Chaque semaine qui avançait était angoissante financièrement. On avançait sans filet de sécurité, nous n’avions plus rien à perdre" . 

Comment surmonter ce double choc et ce manque de perspecties ? Le DG de Rocambole pointe la vision des fondateurs·rices sur le long terme et l’entente au sein de l’équipe.

"On dit souvent qu’il faut s'associer à une personne complémentaire au niveau technique mais trouver un bon développeur est toujours possible et le développement des produits no code tend à réduire ce besoin immédiat. Mais trouver quelqu’un qui est prêt à galérer avec vous, c’est différent”. 

Février /mars : séduire des business angels par Zoom

Conscient de l’importance de lever des fonds, François Delporte et ses associés repartent en quête de nouveaux business angels pour les soutenir mais peu d’entre eux sont prêts à réaliser toute la procédure en digital (signature électronique, dépôt des papiers, gestion de la data room). "Nous avons finalement rencontré un réseau de business angels qui acceptait de le faire. Toute l’équipe a pitché, même le responsable éditorial et c’était un peu rock n’roll. Chacun avait sa fenêtre Zoom ouverte, on essayait de ne pas se couper la parole pour répondre aux questions, c’était compliqué” , s’amuse encore François Delporte. Mais ce projet a finalement soudé l’équipe car elle savait que “si cette piste ne marchait pas, il n’y en avait pas d’autres" .

Entre temps, le confinement est décrété. La startup réalise alors un partenariat avec 20 minutes et le magazine Néon qui décident de publier un épisode par jour dans leur format numérique. Le nombre d’abonné·e·s augmentent et "les investisseurs voient le potentiel du projet" . C'est l'ascenseur émotionnel pour la startup.

Juin, juillet, août : l'été de toutes les désillusions

Après avoir signé leur lettre d'intention et fourni les papiers à leur banque, les ennuis débutent. "Plutôt que de nous expliquer qu’il y avait des problèmes sur plusieurs RIB, ils nous les ont annoncés un par un, avec deux semaines d’écart à chaque fois” . Malgré les fonds disponibles sur un compte, la startup doit finalement contracté un bridge pour réussir à s’en sortir.

Entre temps, Google décide, du jour au lendemain, de retirer l’application de son store  parce qu’une de leur fiction parlait du coronavirus. "D'un coup, on perdait nos abonnés, Google ne nous a pas prévenus en amont” , explique François Delporte, encore désarçonné par de telles pratiques. L’équipe utilise alors une de ses forces, sa capacité à écrire des histoires. "Nous avons raconté notre histoire en utilisant les bons mots et notre tweet a été partagé et commenté par plus de 300 000 personnes” .

Ce qui a, semble t-il fait réagir Google, l’application étant réapparue comme par magie, 48 heures plus tard mais "sans explication ni excuse" . Au-delà d’un problème de process, "cet épisode pose de grosses questions sur la liberté d’expression” , souligne le CEO de Rocambole. Pour contrer d’autres problèmes du genre, la startup a développé sa propre web application. 

Septembre : le soulagement

En septembre dernier, Rocambole annonçait officiellement une levée de fonds de 350 000 euros contre les 150 000 euros prévus initialement. Une bouffée d’oxygène après ces mois intenses où la startup a pensé devoir mettre la clef sous la porte. Pour autant, François Delporte ne se sent pas si léger. "Maintenant, je sais qu’après un bon moment, il y aura toujours une claque, je la guette. Être entrepreneur, c'est comme faire Kho Lanta, on rate deux ou trois épreuves et ensuite, ça marche" .

De cette expérience, le CEO de Rocambole tire un conseil :

"Exécuter au maximum car quand on débute, on ne sait pas ce qui va fonctionner. Il faut tester rapidement pour se tromper tout aussi vite et réessayer ensuite. Le risque c’est d’y passer ses jours et ses nuits, or c’est important de couper. Nous avons eu deux burn out chez nous. Quand l’équipe aura grandi, nous prendrons un psy pour pouvoir lâcher les non dits et la pression” .

Car malgré les obstacles, Rocambole compte bien continuer à croître dans les prochains mois en signant de nouveaux partenariats. 

Huit mois plus tard : la revanche

Juin 2021, François Delporte a donné quelques nouvelles de son évolution à Maddyness. Et on peut dire que tout va bien. L'application vient de franchir les 100 000 épisodes lus par mois avec une croissance de 25% qui n'est pas seulement due à la pandémie pour le CEO de la startup. "Nous avons un format qui cartonne : les séries en direct avec une diffusion à raison d'un épisode par jour" . Le lecteur et la lectrice réapprennent la patience même si l'attente est nettement moins longue qu'entre deux saisons de The Handmaid's Tale ou This is Us. Le format global proposé par Rocambole pousserait même à la lecture, "deux utilisateurs sur trois affirment lire davantage depuis qu'ils utilisent notre application" , se réjouit François Delporte.

Ces résultats sont aussi le fruit d'un foisonnement de projets. La startup a réalisé de nombreuses séries en collaboration avec des talents comme Mickael Nogal, Jacques Expert, Elisabeth Reynaud, Emmanuel Macron, Albert Dupontel avec le making of de Adieu les cons, la Cité des sciences. Et elle débute une collaboration avec le 20 Minutes le 9 juin prochain avec la publication d'un épisode par jour en print et sur le web.
Les fondateurs viennent également de faire rentrer au capital Serge Hayat pour "structurer la passerelle entre notre catalogue de séries à lire et des adaptations audiovisuelles" . Une nouvelle page s'écrit pour Rocambole.