8 février 2021
8 février 2021
Temps de lecture : 7 minutes
7 min
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Balance ta startup : la French Tech face à ses méthodes de management

Les témoignages publiés sur le compte Instagram Balance Ta Startup dévoilent l'envers du décor d'une partie de la scène tech française. Le sujet ne laisse pas indifférent les dirigeants et dirigeantes de startups qui s'interrogent sur les bonnes pratiques managériales pour créer du lien avec leurs collaborateurs.
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Le début de l’année 2021 a été houleux pour certaines startups - comme Lou Yetu -, qui ont vu des dizaines de témoignages tomber sur leurs pratiques managériales, dénoncées comme problématiques par des ex-salarié·e·s. Une actualité vers laquelle tous les yeux se sont tournés, y compris ceux des investisseurs. Depuis, les jeunes pousses prient pour ne pas voir leur nom épinglé par les publications du compte Instagram Balance ta Startup, dont le but est de dénoncer les abus des entreprises de l’écosystème. "Cette déferlante signe pour nous une absence de dialogue interne et d’option d’expression pour les salariés" , déplore Julien Brézun, directeur général de Great Place to Work, cabinet conseil sur la qualité de vie au travail. 

Et les startups, même celles connues pour être de "bonnes élèves" , tremblent à l’idée de devoir gérer une telle situation de crise. "Je regarde favorablement ces espaces d’expression, mais on doit se poser la question de l’intégrité de la maintenance du compte et du travail du modérateur" , estime Diane Rivière, DRH de l’Assurtech Alan. Cette entreprise est une des rares élues à avoir fait l’objet de témoignages positifs sur Instagram, mais elle reste prudente : "Je suis lucide, et je suis certaine qu’on se fera épingler un jour, parce qu’on ne peut pas maitriser la perception des collaborateurs… Il faut rester humble sur ces questions" . Pour contrer ce risque, la directrice des ressources humaines mise sur l’authenticité : "La parole se libère et les espaces d’expression se sont multipliés. Le temps où les entreprises pouvaient faire diverger leur communication avec leurs pratiques réelles est révolu. Avec les réseaux sociaux, tôt ou tard, on connaît la vérité" .

"L'effet paillettes ne suffit pas"

"Si on en vient à dénoncer son entreprise sur les réseaux sociaux, c’est qu’un faisceau d’intervenants - direction, managers, RH, mais aussi des organes plus institutionnels que le CSE, l’inspection ou la médecine du travail - n’a pas fait son job" , avance Lobna Calleja, DRH de Schoolab, aussi objet de témoignages positifs de ses salariés. Elle aussi craint que certains les "chargent" , "mais je me rassure car je sais que, si c’était le cas, tous nos autres salariés réagiront pour contrebalancer ces témoignages négatifs" . Cette dernière explique l’effet de déception de certains salariés, renforcé dans cet écosystème par le mythe autour de la startup. "On a l’impression qu’une startup n’est pas une entreprise, elle est vue comme un eldorado pour les salariés en quête de sens. Il y a donc un décalage profond entre la promesse faite et la découverte d’une réalité qui n’est pas si gaie" . Une vision partagée par Diane Rivière, qui insiste sur le fait qu’on reste "dans un corps social, celui de l’entreprise, dont les phénomènes de régulation sociale sont les mêmes et où préserver une atmosphère de travail saine et qui permette aux gens de s’exprimer pleinement requiert une attention de chaque instant" . 

Et inutile de penser qu’un babyfoot ou une machine à Barbe-à-Papa contentera les besoins des salariés. "Les jeunes générations ont une idée très claire de ce qu’ils attendent de leur entreprise et l’effet paillettes ne suffira pas à les faire rester, affirme Lobna Calleja. Toutes les sociétés ont compris l’importance de l’expérience collaborateur et n’ont plus le luxe de penser que les salariés sont interchangeables. Aujourd’hui, dans les recrutements sur certains postes, le pouvoir a changé de camp et c’est la guerre absolue entre les entreprises : d’où l’importance d’offrir du sens et de l’engagement… C’est un enjeu stratégique pour attirer les bonnes personnes dans ses équipes. 

Chez Alan, il existe des avantages comme la prise de congés libre -sans validation-, le flex office, 5 semaines de congé paternité ou encore des crèches à disposition pour les jeunes parents mais "ce n’est pas ça qui fait la différence" , martèle Diane Rivière. La clé du succès : faire confiance à ses collaborateurs. Et cela passe par leur autonomie. "On ne peut pas être exigent avec les salariés et cadrer toutes leurs méthodes de travail en même temps. Chez Alan, on les laisse organiser leur lieu et temps de travail ainsi que hiérarchiser leurs priorités, il faut à tout prix éviter le micromanagement" , poursuit la DRH. Une vision partagée par Lobna Calleja qui insiste : "plus on responsabilise les équipes, plus elles donnent" . C’est le crédo de Schoolab, que Julien Fayet, le cofondateur, répète : "mieux vaut demander pardon que demander la permission" , insistant sur l’importance du "test and learn" pour tou·te·s les salarié·e·s, quelle que soit leur place dans la hiérarchie.

D’ailleurs, dans ces deux startups, pas de managers, mais des "coachs" , qui s’assurent que la personne qu’ils suivent est dans de bonnes conditions pour réussir ses missions et organisent des feedbacks réguliers. "On ne nait pas manager, ça s’apprend, certains aiment ça et d’autres non. On solde souvent le sujet par deux jours de formation, alors qu’être manager demande un vrai travail sur soi, son empathie, son discours assertif… Il faut aussi savoir gérer le fait qu’on soit constamment entre deux injonctions paradoxales (direction et salariés, NDLR)" , renchérit Lobna Calleja. C’est pour cette raison que Schoolab, au moment de recruter des "top managers" sur des enjeux stratégiques, a mis en place des formations sur 6 mois, avec des exercices de mise en pratique entre chaque session.

Écoute et transparence

Autre élément majeur : l’écoute des salariés. "De façon fréquente et proactive, nous multiplions les espaces d’expression" , poursuit Diane Rivière. Des tribunes sont ouvertes pour permettre aux salariés d’évoquer différents sujets, dispositifs auxquels s’ajoutent un processus de revue de performance et de promotion bi-annuel pour savoir ce qui fonctionne ou pas en interne, ainsi que l’utilisation d’OfficeVibe, outil pour prendre le pouls de l’expérience collaborateur en temps réel. "C’est exigeant, mais sain, ça nous permet de ne pas nourrir de potentielles frustrations et de tout le temps se remettre en question pour mieux avancer" . L’initiative est identique chez Schoolab, qui envoie très régulièrement des Google Form aux salariés. "Notre façon de travailler en interne est très bottom-up (sic), les gens en ont même parfois marre qu’on leur demande leur avis" , s’amuse sa DRH.

Une écoute qui s’accompagne pour ces jeunes pousses d’un souci de transparence. Chez Alan par exemple, aucun sujet n’est réservé à la direction ou considéré comme confidentiel. Toutes les informations, stratégies et projets, sont présentés à l’écrit à tous les salarié·e·s. L’idée : donner un maximum de contexte à ces derniers pour qu’ils puissent agir au mieux dans leurs décisions professionnelles. "Ce principe limite aussi les effets politiques en interne et toute manipulation de l’information" , ajoute Diane Rivière. Chez Schoolab, les agendas de toutes les équipes sont publics et, "si une de nos stagiaires veut voir ce que fait notre président, elle peut " , plaisante Lobna Calleja.  

Pour les jeunes entreprises qui ne sauraient pas par quel bout saisir ce sujet, de nombreux cabinets d’audits et de conseils existent. C’est le cas de Great Place to Work. "Notre conviction est que les résultats financiers et les indicateurs sociaux vont de pair et sont étroitement corrélés" , explique Julien Brézun, son directeur général, dont le métier est de diagnostiquer l’expérience collaborateur.  "Si l’importance de la marque employeur est comprise par toutes les entreprises, trop prennent le sujet par le côté communication, alors qu’il faut d’abord attaquer par l’action. Maintenant, et on le voit avec le compte Instagram Balance ta Startup, chaque salarié est porteur de l’image de son entreprise. Il faut donc que les sociétés misent sur l’authenticité, avec une communication qui sert une action, et pas simplement une idée"  , conclut Lobna Calleja. 

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