Republication d’un article paru en décembre 2020
C’est une première mondiale. Les nuggets de poulet de la startup californienne Eat Just, entièrement créés en laboratoire, peuvent être vendus dans les restaurants de Singapour. Le 2 décembre 2020, les autorités sanitaires du pays ont jugé ces nouvelles protéines sans danger pour la consommation humaine et en ont autorisé la commercialisation.
Le premier steak in vitro, développé en 2013 par le Néerlandais Mark Post, de l’université de Maastricht, pesait 142 grammes et avait été fabriqué à partir de cellules souches de vaches. Depuis, des dizaines de startups se sont lancées dans l’aventure. Le principe ? Prélever des cellules souches d’un animal – soit par biopsie, soit dans un oeuf, une plume ou un cordon ombilical – pour ensuite les cultiver en laboratoire et recréer une viande, sans avoir à abattre d’animaux.
Le Ministre de l’agriculture contre la viande in vitro
« Ce n’est pas étonnant que Singapour soit le premier pays à s’emparer du sujet, explique Nathalie Rolland, chercheuse et spécialiste de l’agriculture cellulaire. Cela fait longtemps qu’ils réfléchissent à sa réglementation puisqu’ils ont un réel problème de souveraineté alimentaire et très peu de terres » . La Cité-État importe en effet 90% de ses produits alimentaires et seulement 1% de sa surface est agricole.
En France, la viande cultivée dans des bioréacteurs en laboratoire ne se fera pas tout de suite une place dans nos assiettes. Le Ministre de l’agriculture et de l’alimentation Julien Denormandie tweetait lui-même le 2 décembre à ce propos :
Est-ce vraiment cela, la société que nous voulons pour nos enfants ? Moi, NON.
Je le dis clairement : la viande vient du vivant, pas des laboratoires. Comptez sur moi pour qu’en France, la viande reste naturelle et jamais artificielle ! https://t.co/xNjccFyKUz— Julien Denormandie (@J_Denormandie) December 2, 2020
Une prise de position que déplore la chercheuse. « Pourquoi rejeter une méthode de production innovante qui permettrait au pays d’être compétitif dans le domaine en pleine croissance des protéines alternatives?« , argumente Nathalie Rolland, qui a créé une association, « Agriculture Cellulaire France », pour démocratiser les débats autour du sujet.
Explosion de la demande en protéines
Etienne Duthoit, fondateur de Vital Meat, l’une des trois principales startups françaises – avec le foie gras Gourmey et Core Biogenesis – positionnées sur le marché de la protéine cultivée, partage cette vision. « Cette première mondiale à Singapour est une excellente nouvelle pour la filière » , se réjouit-il tout en déplorant la fermeture de l’Europe actuellement sur ces questions. « Ça a le mérite d’amener le débat dans l’opinion publique et d’accélérer les discussions avec les législateurs en matière de novel food« .