Fruit d’une longue histoire qui trouve son origine dans les mouvements ouvriers du XIXe siècle, le modèle coopératif rassemble toutes les entreprises détenues par leurs parties prenantes (clients, employés, utilisateurs, résidents), gérées démocratiquement selon un principe d’égalité et non de poids financier. En France, ce sont aujourd’hui près de 22 600 entreprises qui ont choisi ce statut coopératif, employant environ 1,3 millions de personnes.
Les forces des coopératives sont multiples. Détenues et contrôlées par leurs membres, elles dépassent les intérêts financiers individuels et permettent d’allier rentabilité, création locale d’emplois, préservation des ressources et gouvernance démocratique. Partage de l’outil de travail, du pouvoir et des richesses : autant de manières pour les coopératives d’avoir un fort impact sociétal. À l’image d’Enercoop qui réinvente la fourniture d’énergie renouvelables, Commown qui s’engage pour un électronique responsable, Villages Vivants qui propose une vision solidaire et écologique de l’immobilier dans les territoires ruraux ou encore TeleCoop, opérateur télécom engagé dans la transition écologique et solidaire, les exemples e coopératives qui mettent l’intérêt général au cœur de leurs modèles ne manquent pas et se développent.
Le modèle coopératif porte des spécificités fortes, qui les distinguent des autres structures de l'Économie Sociale et Solidaire (ESS) et des entreprises classiques. Contrairement aux associations, les coopératives sont des entreprises fiscalisées, qui ne peuvent être éligibles aux dispositifs de mécénat. Par ailleurs, dans le modèle coopératif, une part qui valait 100 euros en vaudra toujours 100, 10 ans ou 20 ans plus tard. Et, selon le modèle choisi, ces parts n’ouvrent pas forcément droit à des dividendes ou à des avantages financiers. La gouvernance d’une coopérative repose sur le principe d'un sociétaire, une voix. Qu'ils investissent un million ou un euro, tous les sociétaires de la coopérative ont le même pouvoir.
La conséquence ? Malgré leurs atouts et leur indéniable impact sociétal, les coopératives peuvent rencontrer des difficultés à se financer. Avec plus de 700 sociétaires, Label Emmaüs appartient aussi bien aux vendeurs de l’ESS qui alimentent en produits d’occasion sa marketplace solidaire, qu’aux clients qui souhaitent s’engager au-delà de leurs achats en ligne, comme aux salariés qui y travaillent, créant ainsi un modèle aux antipodes d’Amazon. C’est une entreprise qui connaît une forte croissance, et qui a prouvé pendant la crise sa capacité d’adaptation et de résilience. Mais, du fait des spécificités énoncées plus haut, réunir les 2 millions d’euros nécessaires à son développement n’a pas été simple et lui a pris 3 ans. En effet, investir dans une entreprise sans capitalisation et où le pouvoir est dissocié du capital sort des habitudes des fonds d’investissement et des business angels classiques.
Certes, de nombreux acteurs s’engagent pour soutenir le monde coopératif, comme les fonds d’investissement à impact ou certaines fondations. Malgré un cadre réglementaire contraignant, Label Emmaüs choisit d’ouvrir son capital à des investisseurs qui souhaitent donner du sens à leur épargne. Après plusieurs années de démarches, LITA.co, plateforme de financement pour entreprises sociales et écologiques a obtenu l'autorisation de lancer des campagnes de souscription en parts sociales pour les coopératives. Il est toutefois nécessaire d’aller plus loin, pour lever les difficultés que rencontrent les coopératives dans leur quête de financements à long terme.
A l’heure où la France entend relancer son économie, les coopératives peuvent apporter un souffle nouveau, en mettant l’utilité sociale au centre et en développant des solutions innovantes pour la transition écologique et sociale. Nous demandons ainsi une implication plus forte de l’Etat et des collectivités, pour soutenir ces initiatives vertueuses et les accompagner dans leur développement. Nous proposons un relèvement de l’avantage fiscal pour l’investissement direct des particuliers dans les structures de l’ESS, qui pourrait passer à 30% voire 50%, si l’Etat s’y engage politiquement. Il s’agit de premières mesures nécessaires pour trouver ce juste équilibre qui permettra aux coopératives et aux modèles économiques vertueux de toucher les particuliers et de leur donner le choix des modèles où ils souhaitent investir et s’engager.
La loi de finances qui sera discutée l’automne prochain sera la dernière occasion du quinquennat pour un vrai engagement auprès des structures de l’ESS. Nous lançons le débat dès aujourd’hui : levez les freins au financement des entreprises qui s’engagent pour la transition sociale et écologique !
Maud Sarda, directrice de la coopérative solidaire Label Emmaüs, et Eva Sadoun, présidente de LITA.co