13 janvier 2022
13 janvier 2022
Temps de lecture : 6 minutes
6 min
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Legaltechs françaises : le baromètre qui révèle les grandes tendances de l'année 2021

Alors que la Legaltech renoue avec des niveaux record d’investissement, toutes les startups ne bénéficient pas de cette manne financière. Au contraire, le secteur se structure autour de quelques champions qui reproduisent les modèles déjà éprouvés dans d’autres secteurs.
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Photo par Tingey Injury Law Firm via Unsplash

Après une année de crise marquée par la chute brutale des investissements dans les Legaltechs, le secteur retrouve des couleurs. Il renoue avec son habitude d’établir un nouveau record tous les ans : avec 57,8 millions d’euros décomptés au 15 novembre, les investissements dans les Legaltechs ont augmenté de 225% par rapport à l’année dernière, trop exceptionnelle cependant pour que cela indique un rythme de croissance qui aurait vocation à durer. Mais le constat est là, les investissements reprennent. " À certains égards, le financement est plus facile aujourd’hui parce que le marché s’est structuré, constate Philippe Wagner, co-fondateur de Captain Contrat. Les Legaltechs les plus anciennes ont rendu beaucoup de modèles, désormais éprouvés, moins risqués. Les fonds sont moins frileux à l’idée d’investir dans le secteur. "

Baromètre LegalTech 2021
Télécharger le Baromètre des Legaltechs françaises - Tendances 2021

En témoignent le nombre de tours de table qui ont dépassé cette année le million d’euros : 13 contre 7 l’année dernière, dont deux qui se sont envolés bien au-delà du cap symbolique des 5 millions d’euros (Yousign à 30 millions et Jus Mundi à 8 millions). Avec une médiane à 1,8 million d’euros, qui retrouve pratiquement son niveau d’avant-crise, les startups du secteur ont gagné la confiance des investisseurs. Sans pour autant que la Legaltech n’arrive à l’étape de la série B, déjà dépassée de longue date dans de nombreux autres secteurs…

Mieux vaut être (déjà) riche pour trouver plus d’argent

Autre signal d’alerte, le rythme de croissance des investissements qui - si l’on exclut le trou d’air de 2020 - ralentit : de plus de 100% entre 2017 et 2018 puis 2018 et 2019, il n’est plus que de 11% entre 2019 et 2021. Certes, la crise a enrayé la dynamique. Mais la Legaltech serait-elle arrivée à un plafond de verre ? La structuration du marché et des startups qui le composent impose-t-elle une forme de frugalité ? " Les Legaltechs sont souvent dirigées par des équipes au parcours juridique mais où le produit fait défaut, note John Banner, fondateur de Widr Pay. Or, l’innovation produit ou un profil d’ingénieur sont des éléments rassurants pour les investisseurs. "

Si le montant des fonds levés atteint des records, le nombre d’opérations est resté quasi stable (17 tours de table, contre 18 en 2020). L’investissement se concentre donc sur quelques heureux élus. Comme les années précédentes, c’est une startup (cette année Yousign, après Legalife - devenu Unlatch - et LegalStart en 2020 et 2019) qui concentre les investissements du secteur. Une tendance à faire émerger des happy few confirmée simultanément par deux statistiques du Baromètre.

D’une part, un nombre grandissant de startups lèvent plusieurs fois des fonds (c’est le cas d’une startup sur cinq, en hausse de 20% par rapport à l’an dernier) ; d’autre part, alors que plus d’une startup sur deux (56%) juge qu’il est aujourd’hui plus facile qu’il y a cinq ans de lever des fonds et que la quasi-totalité (91%) des startups qui ont bouclé un tour de table ne déclarent avoir eu aucune difficulté à le faire, près de 30% des startups du Baromètre estiment pourtant que " le manque de capitaux " constitue un frein à leur développement… Mieux vaut donc être riche et bien portant pour initier un cercle financier vertueux.

Les business angels : je t’aime moi non plus

Parmi les investisseurs privilégiés par les startups de la Legaltech, les business angels restent la porte d’entrée principale des entreprises dans le milieu de l’investissement, 22,5% des startups ayant au moins un business angel à leur capital. Ces derniers détrônent ainsi les fonds de venture capital, qui ne sont présents qu’auprès d’une startup sur cinq. Et permettent un effet levier conséquent dans certaines opérations, comme c’est le cas pour Jus Mundi, accompagné notamment par le réseau de BA Seed4Soft pour sa levée de 8 millions d’euros.

Néanmoins, les entrepreneurs soulignent le fait que les business angels sont encore peu rompus au secteur de la Legaltech, alors même que les entrepreneurs cherchent auprès de ces investisseurs de la smart money, c’est-à-dire, au-delà de l’aspect financier, la possibilité d’obtenir des conseils ou des retours d’expérience. Alors que dans d’autres secteurs, comme la Fintech, des entrepreneurs à la tête de licornes ou de sociétés en forte croissance jouent ce rôle, ce n’est pas encore le cas dans la Legaltech.

Les fonds étrangers à l’abordage

La bonne surprise provient des fonds d’investissement, toujours plus nombreux à s’intéresser à la Legaltech. Mais ces derniers contribuent aussi à concentrer les tickets dans quelques pépites qui collent parfaitement aux canons de l’investissement. Ainsi, OneRagTime, qui a participé au tour de table de 2 millions d’euros d’Avostart, souligne que le profil des fondateurs (serial entrepreneurs), l’expertise technologique et le modèle de distribution de la startup ont été autant d’éléments déterminants dans la décision d’investir. Stéphanie Hospital, co-fondatrice du fonds, note d’ailleurs des similitudes entre la Legaltech et d’autres secteurs qui ont les faveurs des investisseurs. " Une société comme Avostart est à la confluence entre l’assurance et la Legaltech, grâce à un modèle de distribution assez similaire. La Legaltech est un marché très réglementé, comme la Medtech. Les fondateurs doivent donc savoir jouer avec les codes pour transformer leur secteur d’activité et le faire avec doigté. "

Une agilité qui intéresse aussi les fonds étrangers, de plus en plus nombreux à scruter les pépites françaises. Le marché de la Legaltech étant très développé aux États-Unis et au Royaume-Uni, les fonds issus de ces pays sont particulièrement rôdés aux modèles économiques du secteur. " Les fonds anglo-saxons sont extrêmement bien dotés et s’intéressent à l’Europe au sens large et en particulier à la France. Cela ouvre des opportunités de levées de fonds significatives ", note Philippe Wagner, de Captain Contrat. En témoigne le tour de Yousign - le plus important du secteur cette année - qui a ainsi été mené par l’Américain Lead Edge Capital.


La croissance rentable, nouvelle voie pour la Legaltech ?

Alors que les startups du secteur regrettent le manque de capitaux disponibles, elles privilégient aujourd’hui la voie de la croissance rentable. " Nous préférons une trajectoire de croissance rentable plutôt qu’une croissance à tout prix ", souligne ainsi Philippe Wagner, co-fondateur de Captain Contrat. Cela s’explique aussi par l’amélioration des performances financières des entreprises, de plus en plus nombreuses à déclarer un chiffre d’affaires en augmentation : près d’une startup sur huit, en général les plus jeunes, affiche une croissance annuelle supérieure à 300%. Et plus d’un quart supérieure à 100%, grâce à la traction encore enregistrée par les poids lourds du secteur. Moins de la moitié des entreprises du secteur (48%) déclarent désormais un chiffre d’affaires sous le million d’euros et la part de celles affichant un chiffre d’affaires entre 10 et 30 millions d’euros a explosé (+183%). " Il ne faut pas oublier que le meilleur financement reste l’argent des clients ", sourit l’entrepreneur. À bon entendeur !

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