16 février 2022
16 février 2022
Temps de lecture : 5 minutes
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Que font les fonds ? Le portrait de Fly Ventures

Dans le paysage de plus en plus foisonnant de l'investissement, les fonds se multiplient... et ne se ressemblent pas. Parce qu'une levée ce n'est pas simplement encaisser de l'argent et surfer sur une bonne occasion de communiquer, nous avons décidé de brosser le portrait des fonds français pour aider les entrepreneurs à s'y retrouver et à choisir le bon investisseur. Au tour de Fly Ventures.
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Crédit : Vincentiu Solomon

Pan-européen depuis son lancement en 2016, le fonds Fly Ventures basé à Berlin (Allemagne), a décidé d’ouvrir un bureau dans la capitale française. Une opération qui se couple avec l'annonce de trois prises de participation - dans Corrily, Thynk.cloud et Matcha - et l’arrivée, comme partner, de Marie Brayer, ancienne partner chez Serena Capital qui revient pour Maddyness sur ce choix et l’ADN du fonds.

"Je suis une ingénieure en informatique, et c’est par accident que je me suis retrouvée dans le monde de l’investissement" , annonce t-elle dès le départ, marquant son intérêt pour la tech. Après une première expérience chez Chausson Finance, où elle accompagne des entreprises montées par des ingénieurs, elle cherche à suivre le développement de sociétés sur du plus long terme. Elle intègre alors Serena, chargée d’investir pour son fonds Serena Data Ventures. "Ils m’ont laissé l’opportunité, très jeune, d’investir 60 millions d’euros" sur des sujets qui la passionnent. Une opportunité incroyable, reconnaît-elle, mais qui finit par trouver ses limites en même temps que la période d’investissement du fonds.

Après une douzaine d’investissements et son entrée au board de plusieurs pépites (Descartes Underwriting, Lifen, Malt, ou encore Kili Technology), elle ressent "l’envie d’avoir un peu plus de liberté dans ses décisions". Les propositions pour rejoindre des fonds affluent, mais elle préfère envisager de monter son propre fonds en s’inspirant de passionnés de la tech qui ont choisi le même chemin autour des années 2016-2017. Gabriel Matuschka, co-fondateur de Fly Ventures avec Frederik Bergenlid, saisit l’occasion et lui propose d’intégrer l’aventure en tant que partner en ouvrant un bureau à Paris.

Difficile de ne pas succomber à l'offre du fonds, qui a déjà deux beaux exits auprès de Facebook à son palmarès avec Bloomsbury AI (technologies de traitement du langage, co-fondée par un français à Londres) et Scape (API de positionnement pour la réalité augmentée). Au total, le fonds a déjà soutenu une trentaine de sociétés, dont neuf françaises si on compte ses trois dernières participations : Corrily - un outil permettant aux entreprises ayant un modèle économique basé sur l’abonnement de réaliser facilement des expérimentations sur leur pricing -; Thynk.cloud - un CRM destiné aux grands acteurs du secteur de l'hôtellerie - et Matcha - une solution qui se connecte à toutes les sources de données, permettant aux équipes de vente de créer des segments de prospects et de les prioriser automatiquement grâce au machine learning.

"L'auberge espagnole du VC"

Fly Ventures s’intéresse aux entreprises - de l’émergence d’une idée au pré-seed - qui ont une approche B2B et souhaitent résoudre un problème grâce à un produit avec une forte composante technologique. Elle investit donc des tickets - en lead ou en co-lead - allant jusqu’à 5 millions d’euros. 

"Nous investissons aussi bien à Londres qu’à Tallinn, nous investissons également dans des sociétés montées par entrepreneurs européens qui se sont installés aux États-Unis" , détaille Marie Brayer. Une manière de faire référence à Corrily - startup co-fondée par Abel Riboulot, qui a posé ses valises à Boston. "Nous sommes l’auberge espagnole du VC" , s'amuse-t-elle. Ce caractère multiculturel est indirectement recherché dans les startups de son portefeuille. "Nous avons souvent plus d’affinité avec des entreprises qui ont envie d’être internationales ou, au moins, pan-européennes, dans leurs recrutements. On pense que c’est vraiment une force d’étendre son pool de talents de cette manière." Et Marie Brayer connaît bien cet enjeu, étant elle-même à la tête de Talentletter, une solution facilitant la mise en lumière de profils tech en quête d’opportunités.

Le caractère pan-européen du fonds, clairement revendiqué, est un atout selon Marie Brayer, car il permet aux investisseurs de se focaliser sur la thèse d’investissement sans se limiter à une aire géographique. Et d'illustrer son fonctionnement : "Un investisseur va constater que Kubernetes ou Kafka, deux technologies de dev et data ops, par exemple, sont difficiles d'accès, et on va chercher toutes les équipes en Europe qui proposent des solutions à ce problème pour investir dans celle dont on est le plus alignés avec l'approche." Travailler sur une thématique précise est aussi un atout pour approcher des fondateurs. "L’investisseur a passé un tel temps à travailler le sujet que ceux-ci ont le sentiment d’être compris, ce qui facilite la connexion."

Repenser les indicateurs de performance

"Il y a aussi un ‘cultural fit’ . On prend un peu plus de temps pour comprendre en quoi la technologie est différente" , poursuit la partner. Ce qui permet aussi de mieux accompagner ces startups dans leur développement, qui ne suit pas forcément la même lancée qu’un Alan ou un Sunday qui doivent commercialiser rapidement un bon produit au risque d’être court-circuitées par un concurrent.  "Il y a encore beaucoup d’investisseurs qui poussent ce type d’entreprises à intégrer très tôt des metrics, car c’est rassurant. Il est essentiel d’être extrêmement patient dans cette phase de leur vie." 

Vouloir faire croitre sa base de clients coûte que coûte, sans avoir pris le temps nécessaire d'analyser l'adéquation réelle de son produit avec un marché, peut parfois empêcher l'adoption naturelle du marché d'un produit plus complet. "L’ARR ou le revenu n’est pas souvent le bon indicateur de performance pour ces entreprises. Ce qu’on regarde beaucoup et ce sur quoi je challenge les entrepreneurs, c’est leur capacité d’itérer très rapidement dans la recherche de leur product market fit, pour ensuite pouvoir écrire la plus belle histoire de croissance possible."

L’investisseuse estime qu’un autre sujet d’envergure à ce stade est le recrutement. Pas question d’être un soutien trop présent sur ce sujet. Les entrepreneurs doivent apprendre par eux-mêmes quels sont les profils dont ils ont réellement besoin, en échangeant et discutant avec des product designer, par exemple. Sinon, ils risquent d’être confrontés à de grandes difficultés dans leur développement, le recrutement étant le sujet sensible que vont devoir gérer les startups puisque les investissements coulent désormais à flots.