En libérant les travailleurs des contraintes des horaires de bureau, le concept de workation (contraction des mots work et vacation) symbolise le rêve d’un combo harmonieux entre travail et vacances. Les nomades digitaux n’ont pas attendu les premiers confinements pour entreprendre depuis une plage de sable fin ou perchés dans un chalet en altitude, mais depuis la démocratisation du télétravail, ce qui s’apparentaient auparavant à une forme d’OVNI rentrent désormais dans la norme. Il n’est d'ailleurs plus rare, en cette rentrée, d’entendre un proche dire qu’il fera quelques jours de télétravail sur son lieu de villégiature avant de retrouver son poste de travail.

Un bonheur pour l’industrie du voyage et les espaces de coworking

Et la vie en remote [ndlr : libre de toute contrainte géographique] commencent à peine que déjà sur Airbnb, l’espace de travail - qui se résume généralement à une table, un bureau, un accès à une prise de courant et une bonne connexion wi-fi - figure parmi les 7 équipements populaires.

Globalement, toute l’industrie du voyage se réjouie de cette hybridation. Même constat pour les espaces de coworking qui fleurissent partout en France comme à l’étranger. D’ailleurs si ces lieux étaient initialement destinés à des freelances, des indépendants ou des entrepreneurs, de nouveaux concepts s’adressent désormais à des cibles plus " corporate ". C’est le cas de Outwork, qui donne la possibilité à des équipes qui travaillent en distanciel de s’évader au vert quelques jours pour se retrouver et faire avancer leur projet tout en se ressourçant.  À terme, Pierre Tardy, fondateur de la start-up née durant son confinement dans le Perche, aimerait créer une formule qui permette aux employeurs de donner des " crédits télétravail ailleurs " à leurs employés, à l’instar du forfait mobilités. Par an, chaque salarié aurait par exemple dix nuitées à dépenser pour télétravailler ailleurs que chez soi.

Une transformation profonde de notre société parfois contestée

Pour Clément Alteresco, fondateur de Morning, qui crée des espaces de travail à Paris et en Ile-de-France, cette mutation raconte quelque chose de très positif sur notre société : " La société a fait beaucoup de progrès sur les conditions de travail proposées aux salariés, surtout dans le secteur tertiaire mais notre héritage de l’ère industrielle, reste un modèle de travail très avilissant. Il y a encore quelques temps, ne pas être à son poste était forcément synonyme d’improductivité. L’arrivée du laptop début 2000 et la démocratisation de la wi-fi dans la foulée avaient amorcé un changement. La pandémie nous a fait gagner 10 ans en forçant l’évolution de la culture d’entreprise. " Bon nombre d’anthropologues et sociologues spécialistes des questions du travail sont plus mesurés sur le bénéfice d’une telle mutation. Pour eux, ce qui peut s’apparenter à une forme de luxe, revêt une réalité plus complexe et ce que nous gagnons en flexibilité, nous le perdons en lien social. En effet, beaucoup s’accordent à dire que la massification du concept de Workation est encore trop récente pour que les actifs réalisent les pertes liées à ce qu’ils considèrent être une étape supplémentaire à l’individualisation des comportements.