11 octobre 2022
11 octobre 2022
Temps de lecture : 7 minutes
7 min
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Withings : l’avenir de la santé passera par les objets connectés

Revendue à Nokia en 2016, puis rachetée à nouveau par son fondateur en 2018, la startup Withings est revenue plus ambitieuse que jamais. Entretien avec Éric Carreel sur l’avenir de la santé, et la place de son entreprise dans celle-ci.
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Si Withings s’est fait connaître grâce à ses balances connectées, Éric Carreel entend bien faire entrer la startup dans une nouvelle ère. Si l’entreprise s’était déjà diversifiée en proposant des montres, des tensiomètres, un capteur de sommeil et un thermomètre, il ne s’agissait que du début d’un virage vers la santé qui vient maintenant s’accélérer : " Notre objectif, c’est de participer à l’invention d’une nouvelle manière d’accompagner les gens, qu’ils soient malades ou non, dans leur santé au quotidien ".

Récemment présent à un congrès de médecins du monde entier, Éric Carreel a été frappé par l’intervention de la directrice d’un laboratoire allemand qui a rappelé que le corps médical ne s’occupait en vérité tout au plus que de 20 % de la santé des gens. Les décisions qui influent sur notre santé ne se font pas uniquement lors d’un rendez-vous chez le médecin ou lors d’une rare visite à l’hôpital, elles ont lieu chaque jour au travers de notre choix d’alimentation, de nos conditions de travail, des incitations à marcher plus ou à prendre le vélo. Notre bonne santé se construit jour après jour. Éric Carreel nous rappelle la différence que les Américains font entre le " cure " et le " care " : " On a été plutôt bons pour réparer les gens, les soigner… mais, par contre, prendre soin de la santé des gens au long cours… le système ne sait pas le faire ".

C’est donc le chemin pris par Withings : se positionner comme un assistant qui va accompagner la santé de ses utilisateurs au quotidien. Withings n’est pas le premier à vouloir prendre cette place. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder le nombre d’applications sur le créneau forme et santé, promettant perte de poids et encouragement à faire de l’exercice

La startup a pourtant un argument de taille pour faire la différence : elle a accès à des mesures constantes en provenance des différents appareils de la marque, qui vont lui donner la possibilité de cibler du contenu en fonction de ce qui arrive vraiment dans votre vie. " Notre force, explique Éric Carreel. C’est de générer de la donnée à partir de gestes simples comme monter sur un pèse-personne avant la douche, porter une montre ou dormir dans son lit. Et en même temps, on essaye de faire en sorte que ces gestes simples génèrent de plus en plus de mesures de types différents ".

Il s’agit très certainement de l’une des grandes raisons de la réussite de Withings : proposer un check-up santé complet de la manière la moins intrusive possible. C’est la promesse de leur prochain produit. Nommé Body Scan, ce qui pourrait ressembler à un autre pèse-personne, se présente en réalité comme une station santé connectée qui va permettre de mesurer très rapidement le poids, d’analyser la composition corporelle par segmentation, de faire un bilan cardiaque en réalisant un électrocardiogramme, et de suivre l’âge vasculaire et l’activité nerveuse.

Un atout fort pour votre santé

Une telle richesse de mesures semble aujourd’hui inégalée. Pour disposer d’une image aussi complète de la santé de son corps, cela reviendrait à faire un séjour à l’hôpital pour effectuer les tests adéquats, mais dont les enseignements qui peuvent découler ne seraient pas aussi fiables que la prise régulière de ces mesures. Avec les produits Withings, il sera ainsi possible de mesurer l’évolution de ces indicateurs de santé sur une longue période et découvrir de précieuses tendances. " 50% de nos clients utilisent leur balance après dix ans. Dans le domaine de l’électronique, ça n’arrive jamais… à l’exception peut-être d’un lave-vaisselle, lave-linge et réfrigérateur ". L’entreprise se retrouve donc être l’un des plus grands producteurs d’informations de santé au monde avec Apple et sa Watch. Mais, de plus en plus souvent, les produits Withings s’avèrent être un meilleur choix que les appareils médicaux, pour des raisons de coûts et de praticité, qui existaient jusqu’alors.

Pour illustrer ce propos, on pourra citer le cas de la polysomnographie, qu’il est possible d’installer sur le patient pour tenter de détecter l’apnée du sommeil, dont l’inventeur australien du masque à pression positive (utilisé pour soigner l’apnée) a reconnu que le Sleep Analyser de Withings détecte au final mieux l’apnée que l’appareil officiel. Le fait est que la polysomnographie est si contraignante (avec de nombreux capteurs à positionner sur le corps) que les patients ne l’utilisent que pour une nuit, et une nuit compliquée qui au final n’est pas très représentative.

La différence, c’est que la mesure de polysomnographie est couverte par l’assurance maladie et que ce n’est pas le cas du Sleep Analyser. " Le système assurantiel commence pourtant à frémir et à comprendre qu’il n’y a pas d’autres possibilités que de passer par là. Le système médical, à quelques exceptions près, reste très prudent par rapport à l’irruption des objets qui génèrent des données de santé, parce qu’ils n’ont pas forcément envie de changer de métier et d’être envahis par les data. En conséquence, on voit bien que c’est à travers le patient que cette disruption va venir, mais que nous, financièrement, aurons aussi besoin que le système assurantiel s’y mette. Sinon, on ne peut s’adresser qu’aux personnes qui sont en capacité de payer directement ".

Le jour où l’assurance maladie proposera des alternatives, un boulevard s’ouvrira devant Withings en France. En attendant, les choses commencent à bouger aux États-Unis (des effets de la loi Obamacare avec le Remote Patient Monitoring) où les médecins sont encouragés à hauteur de 70 dollars de plus par mois et par patient atteint de maladies chroniques, s’ils acceptent de recevoir seize mesures par mois de patient qu’ils devront analyser et traiter. De cette manière, le suivi long terme évangélisé par Withings trouve un écho direct dans les pratiques de ces médecins.

Le serment “d’iPocrate”

Sur le front de l’utilisation des données, une évolution fondamentale des mentalités a eu lieu depuis la création de Withings. " Je donne des conférences dans ces domaines depuis plus de dix ans. Pendant très longtemps, la première question que posait un journaliste était : “mais vous n'avez pas peur que ces données de santé soient utilisées par mon employeur, par mon assureur, etc”. Aujourd’hui, ça n'arrive quasiment plus ". Cela n’enlève évidemment pas le besoin de respecter l’anonymisation des données, mais l’acceptation de cette utilisation des données s’est généralisée.

La directrice de laboratoire que nous mentionnions plus tôt allait même plus loin : " Non seulement vous êtes autorisés à utiliser ces données de santé, mais éthiquement, ce serait scandaleux que vous ne le fassiez pas ". En effet, sans aller jusqu’à dire que cela serait renier le fameux serment d’Hippocrate (qui stipule que le premier souci du médecin doit être de préserver la santé de ses patients), il pourrait s’agir d’une nouvelle arme à mettre à leur arsenal pour leur permettre de sauver des vies.

 

Une folie nécessaire

L’entrepreneur avait longuement hésité avant de racheter Withings à Nokia (qu’il avait lui-même vendu pour 170 millions de dollars en 2016). Il avait presque réussi à refermer cette page de son histoire. Son entourage lui avait d’ailleurs déconseillé ce qu’ils considéraient être une folie. Quatre ans plus tard, était-ce une folie ?

La question le fait sourire. Il hésite : " Dans la vie de l'entrepreneur, il y a des jours plus ou moins faciles. Au moment de l'arrivée du COVID, nous étions sur le point de lever des fonds et notre investisseur principal a gelé tous ses investissements au moment du premier confinement. On n'avait plus de cash. J'ai bien cru qu'on allait partir au tapis. J'ai renégocié avec les deux investisseurs qui restaient et on a réussi à faire une levée plus petite. Et puis finalement, on a fait une très bonne année 2020, mais il y a eu des moments où je me suis dit : “Mais pourquoi me suis-je mis dans cette situation ?” Mais je dois dire que la transformation que l'on vit est tellement passionnante que c'est vraiment ça qui prend le dessus. Cette convergence entre une activité d'objets connectés, qui rentre dans la vie quotidienne des gens et qui génère des mesures qui se trouvent être médicales… au moment d’une transformation de la santé. On est sur un nouvel espace que personne n’avait imaginé il y a dix ans. C’est passionnant ".

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