Qu'ils soient anciens entrepreneurs, consultants ou journalistes, une nouvelle génération a pris place au sein des fonds de l'Hexagone. La trentaine à peine soufflée, ils ont pris goût au monde de l'investissement après une première expérience professionnelle, alors qu'ils gravitaient déjà autour de l'écosystème startups : " Je ne pensais pas pouvoir devenir investisseur sans des années d'expériences opérationnelles derrière moi ", affirme Marguerite de Tavernost, 31 ans, VC spécialisée dans le Web3 chez Ledger Cathay Fund. " J'ai commencé ma carrière dans le conseil auprès de grands groupes : je devais dénicher des startups pour répondre à leurs besoins afin qu'ils n'aient pas à développer des solutions en interne, détaille-t-elle. J'approchais les jeunes pousses via les fonds : cela m'a permis de développer mon réseau et de devenir investisseur à mon tour ".

Car il n'y a pas de profil type pour cette nouvelle génération officiant dans les fonds. Deborah Loye, 31 ans, a commencé sa carrière en tant que journaliste aux Echos. " Je couvrais les sujets startups et tech, ce qui m'a permis de rencontrer beaucoup de fondateurs et d'investisseurs au fil des années. J'ai finalement eu la curiosité de voir comment les fonds fonctionnaient de l'intérieur ", raconte celle qui a rejoint Eurazeo en septembre, après avoir lancé le collectif Sista en novembre 2020. Elle est en charge de la relation du fonds avec 250 startups du portefeuille pour " apporter de la valeur ajoutée, au-delà de la logique purement financière ", poursuit Deborah Loye. Au quotidien, " cela consiste à faire travailler ensemble les entreprises du portefeuille pour leur permettre de croître plus rapidement ", résume-t-elle.

Pour Alban Oudin, cofondateur du fonds Résonance, le passage s'est fait " un peu par hasard ", après avoir lancé la startup d'objets connectés Shapeheart en 2015. " J'ai eu envie de passer de l'autre côté pour comprendre les mécanismes d'investissements ", explique le trentenaire qui a débuté chez Xange en 2018.

Trouver les bonnes opportunités

Pour apprendre les ficelles du métier, une période d'acclimatation est nécessaire. " Pendant deux ans, j'ai appris à faire du sourcing de startups, rencontrer les entrepreneurs, écouter des milliers de pitch, les présenter à l'équipe du fonds... Un jour, on m'a senti prêt et j'ai pu faire mes propres deals ", résume Alban Oudin. Cela passe aussi par " appréhender le fonctionnement du fonds ", estime Marguerite de Tavernost. " Il faut comprendre le style de chaque partenaire : certains fonctionnent à l'humain, d'autres à la thèse d'investissement, souligne-t-elle. Il m'a fallu apprendre à rationaliser mon instinct pour pouvoir convaincre les autres partenaires d'investir car en early stage, il faut parier sur l'équipe fondatrice et sur la perspective de marché, avec très peu de metrics ".

Pour identifier les bonnes opportunités, " il faut être capable de se former en un temps minime sur des sujets très pointus : cela demande une curiosité insatiable ", abonde Marguerite de Tavernost. Et de poursuivre : " L'humain est aussi très important. Il s'agit quasiment exclusivement d'informations privées, donc il faut être en mesure de nouer des relations de confiance avec les bonnes personnes ". Pour celle qui s'est spécialisée dans le Web3, un secteur encore émergent, " une de mes missions reste l'évangélisation. Il faut expliquer en interne en quoi cela consiste en une vraie révolution, et pas seulement une illusion ".

Une ambition désormais internationale

Cette nouvelle génération est-elle si différente de leurs aînés ? " Le monde du VC a considérablement changé en l'espace de dix ans : des fonds late stage se sont créés en France, des fonds étrangers investissent davantage, il y a beaucoup plus de startups... Conséquence : c'est à nous d'aller trouver les meilleurs fondateurs – cela passe par un sourcing plus d'important, estime Alban Oudin. Ce contexte pousse les entrepreneurs à avoir plus d'ambition qu'il y a dix ans. "

Même vision partagée par Déborah Loye. " Je ne sais pas s'il y a une vision générationnelle, car chaque fonds à son identité et son fonctionnement. En revanche, il y a aujourd'hui une ambition internationale, portée notamment par de jeunes VC, qui n'existait pas il y a dix ans – justement parce que la génération précédente devait construire l'écosystème ".