Un important frein réglementaire a enfin été levé en 2022. Lancé depuis des années, l’open data des décisions de justice se déploient très lentement. En mars 2022, la Chancellerie a rendu publique une feuille de route précise et progressive sur la mise en open data des décisions de justice. S'en sont suivies celles des cours d’appel en matières civile, sociale et commerciale un mois après puis des tribunaux administratifs en juin 2022.

Dans le domaine judiciaire, au 16 novembre 2022, 661 520 décisions ont été mises en ligne en open data d’après le ministère de la Justice. Toutefois, le projet Portalis, qui devait centraliser la collecte de celles de première instance a pris du retard. Le calendrier du garde des Sceaux annonce une mise en ligne au 1er janvier 2026, mais une première expérimentation dans le tribunal judiciaire de Paris est attendue pour 2023. " L’open data des décisions des CPH devront encore attendre ", fait remarquer le responsable des affaires publiques de Doctrine, Philippe Laurence.

Faire du RGPD un atout business

Cette timide avancée a permis à Doctrine d’attirer de nouveaux clients, particulièrement les juristes des administrations. Ses concurrents proposant des services d’intelligence juridique ne sont pas en reste. Judilibre a pu étoffer son moteur de recherche de toutes ces décisions et Predictice a affiné les rapports d’analyse confidentiels qu’elle met à disposition de ses clients avocats.

Les legaltechs accompagnant les entrepreneurs par le biais d’avocats, rencontrent, quant à elles, une difficulté de plus en plus prégnante. " Il devient nécessaire d’ajuster l’équation économique de l’apport d’affaires ", explique Philippe Wagner, co-fondateur et CEO de Captain Contrat.

Actuellement, le partage d’honoraires n’est autorisé qu’entre avocats. Les non-avocats, comme ces startups, ne sont pas rémunérés sur la taille du dossier qu’ils apportent aux professionnels du droit. Avocats et legaltechs ne peuvent pas être des partenaires commerciaux sur ce point.

Chaque segment de la Legaltech rencontre des difficultés règlementaires, comme la force probante d’un ancrage blockchain ou bien encore la loi de 1971 qui prévoit le monopole des avocats pour certaines prestations juridiques.

Certaines désignent le règlement européen de protection des données personnelles (RGPD) comme un frein au business, même si ses principes sont sains. " Le logiciel doit s’adapter au RGDP ce qui a un coût ", dénonce un acteur de la mise en conformité. Ces obstacles doivent, tout de même, être relativisés : 79% des startups qui ont répondu à la sixième édition du baromètre de la Legaltech expliquent ne pas être bloquées par l’environnement législatif ou réglementaire.

S’inscrire dans un écosystème tech

Leurs principales difficultés résideraient plutôt dans l’appréhension de l’innovation par leurs clients. Une part importante d’évangélisation est encore à faire, même si 49% disent ne rencontrer aucune difficulté.

Certaines legaltechs (12%) reconnaissent travailler à une meilleure prise en main de leurs outils. L’intégration dans un écosystème plus large est l’un des principaux défis à venir de la Legaltech. 19% d’entre elles le savent et travaillent sur cette transversalité, c’est-à-dire sur la capacité technologique de proposer une solution globale et de créer un véritable écosystème. " Tant que nous restons dans une logique où la direction juridique n’est pas considérée comme un business partner, elle ne sera pas pleinement intégrée dans la stratégie de transformation numérique de l’entreprise ", indique Le Juriste de Demain, un observateur du marché.

Il s’agit aussi d’une pure question d’innovation technologique. " La Legaltech de demain doit être plus intégrée dans la chaîne de valeurs ", développe Loïc Le Goas, fondateur de LegalVision. Par exemple, Easy Quorum, legaltech spécialiste de la dématérialisation des assemblées générales et boards a été implémenté dans Teams. C’est encore loin de la startup américaine Clio qui est une sorte d’Office 360 pour les professionnels du droit ou encore de Contract Express, un outil anglosaxon qui se plugge dans Office 360. Au marché des startups du droit d’inciter à une plus grande innovation pour 2023.