L’idée est née d’un simple atelier pédagogique… Baptisée “Pousse ton encre”, l’animation de vulgarisation réunissait enfants et parents autour d’expériences consistant à cultiver des bactéries pour en fabriquer de l'encre. Très vite, le projet mené par des biologistes du laboratoire de recherche parisien “La Paillasse” a pris de la hauteur.

Jérémie Blache, Guillaume Boissonnat, Marie-Sarah Adenis et Thomas Landrain ont compris que l’intérêt pour leur colorant biosourcé pouvait en intéresser plus d’un et ils décident en 2015 de fonder la biotech Pili. L’idée est simple : produire de la couleur à usage industriel à partir de bactéries qu’il faut “nourrir”. Un procédé de chimie verte que l’on retrouve par exemple déjà dans la fermentation de la bière ou du vin, où les levures consomment le sucre pour les transformer en alcool.

Une étape d’industrialisation cruciale

Grâce au soutien de Bpifrance (Ecotechnologies 2), Famille C Participations et les investisseurs historiques Elaia Partners et SOSV, Pili sécurise 14,5 millions d’euros pour marquer une nouvelle étape de son développement : " Nous avons déjà validé notre procédé dans le cadre d’une unité de production ouverte en 2022 dans le sud de Lyon ", explique Guillaume Boissonnat, cofondateur et directeur scientifique et industriel de Pili. " Nous souhaitons avec ces nouveaux fonds achever un démonstrateur de production à la tonne d’ici 2024.".

Ce projet de passage à l’échelle industrielle est pour l’heure réservé à l’indigo et Pili se fixe comme objectif de diminuer les émissions de CO2 liées à la production de cette couleur de plus de 50 %. Il est prévu ensuite de s’attaquer à la trichromie, le procédé permettant d’obtenir la majeure partie des gammes de couleur grâce au rouge, au bleu et au vert. Et sur ce point, Pili assure être déjà parvenue à ces résultats en laboratoire.

Pili a déjà enregistré plusieurs millions d’euros de pré-commandes dans les secteurs du textile, des encres et de la peinture. Car si ces pigments biosourcés attirent, c’est avant tout parce que les colorants sont aujourd’hui exclusivement produits à partir de molécules chimiques dérivées du pétrole.

Décarboner l’industrie de la couleur

Pour espérer décarboner l’industrie de la couleur dans son ensemble, il faudra s’assurer que le produit proposé soit compétitif. Et force est de constater qu’il est bien souvent difficile de rivaliser avec les matériaux pétro-sourcés. " La recherche pour obtenir nos solutions est complexe mais il n’y a pas de raison à terme que notre couleur biosourcée ne devienne pas moins chère ", défend Guillaume Boissonnat. Ce dernier évoque l’effet d’échelle comme prochain cap à franchir pour s’imposer sérieusement face à la concurrence.

Dans l’industrie du textile, qui représente 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, Pili espère limiter l’impact en remplaçant les teintures utilisées dans les vêtements. Selon ses chiffres d’analyse de cycle de vie, la couleur représente 10 % de l’empreinte carbone d’un vêtement.