Alors qu’il y a peu, retoquer à la porte d’un ex-employeur était mis à l'index, aujourd’hui, cette démarche semble entrer dans les mœurs régissant le marché de l’emploi. Mieux, les entreprises commencent même à déceler certaines externalités positives.

Salariés boomerang : une accélération notable depuis 2022

D’après le baromètre LinkedIn de l'emploi publié le 17 février 2023, la part des salariés français qui sont revenus travailler dans une entreprise pour laquelle ils avaient déjà travaillé, a augmenté de 36 % entre trois ans : " C’est une dynamique que l’on connaît depuis toujours. Néanmoins, on observe une accélération depuis 2022 : 8 personnes sont revenues (sur 175 salariés) au sein de nos différents services : finance, tech, opérations et sales. Les réintégrations sont assez variées : parfois, le retour se fait au même poste. D’autres évoluent en fonction des opportunités et de leurs envies ", explique Victor Carreau, cofondateur et CEO de Comet. Même dynamique constatée au sein d’Iziwork, startup dans l’intérim : " Lors des 6 derniers mois, le phénomène a pris de l’ampleur : nous avons eu 4 demandes de retour (dont 2 qui ont abouti), dont certaines au bout d’un mois ", raconte Lydie Da Silva, DRH de la startup.

Pourquoi optent-ils pour un demi-tour professionnel ?

60 % des Français ayant quitté leur emploi pendant la pandémie regrettent leur ancien poste. Une forme de nostalgie assumée, conjuguée à un marché de l’emploi favorable aux candidats, tend à expliquer ces nouvelles dynamiques de carrière. En effet, selon une étude de la Dares et de Pôle Emploi, les tensions sur le recrutement sont au plus haut depuis dix ans. Le rapport de force s’étant inversé, les actifs n’hésitent plus à prendre la poudre d'escampette, quitte à revenir.

Selon Victor Carreau, les salariés boomerang reflètent un nouveau paradigme professionnel : " La durée moyenne de passage dans une entreprise se réduit drastiquement. La fréquence de changement, quant à elle, s’accélère. Les salariés sont aujourd’hui les clients de l’entreprise : dès qu’ils éprouvent des sources d’insatisfaction, ils n’ont pas de problème à partir. " .

Retour des ex-salariés : le triple effet kiss cool

L’agence de communication Oxygen a également connu quelques retours de collaborateurs. Maiwenn Regnault, directrice conseil en charge des opérations, elle-même salariée boomerang, met en exergue deux effets positifs : " L’onboarding est simplifié puisque la personne connaît la culture, les équipes et les outils. Cela génère aussi beaucoup d’enthousiasme et de motivation auprès des équipes car les personnes sont heureuses de se retrouver.". Outre cet effet dynamogène, Victor Carreau y voit, quant à lui, une catharsis : " Pour les plus jeunes qui n'ont pas connu d’autres entreprises, assister au retour d’un salarié boomerang remet en question leurs velléités de partir.". Autres points positifs : l’efficacité du processus de recrutement. " Les embauches sont plus courtes et efficaces car les premiers échanges se font plutôt de manière informelle ", relève Lydia Da Silva. De plus, les salariés reviennent avec un engagement décuplé : " L’effet seconde chance catalyse la confiance mutuelle, ce qui influe beaucoup sur leur motivation.". D’ailleurs, ils sont d’excellents ambassadeurs auprès des candidats : " Nos salariés boomerang nous transmettent pas mal de CV issus des entreprises par lesquelles ils sont passés. Sur des postes en tension, c’est une vraie plus-value.".

Comment tirer parti du vivier de talents boomerang ?

" Au sein de l’agence, il existe une logique, assez naturelle, de réseau : nous gardons contact avec la plupart des salariés sortants, ce qui facilite la reprise de contact ", explique Maiwenn Regnault. Certaines entreprises se sont même lancées dans l’animation d’un groupe d’Alumni afin de capitaliser sur les expériences des anciens et maintenir des échanges réguliers. Cette initiative sous-tend une réflexion autour de l’offboarding, explique Elise Moron, chasseuse de tête et cofondatrice de Tshaped, un bootcamp pluridisciplinaire pour recruteurs : " Il faut absolument soigner cette dernière étape et sortir d’une vision négative du départ souvent associée à une forme de trahison.". Au sein de Comet, un entretien de départ est systématiquement organisé par les équipes RH : " Lors du reboarding, ça nous leur permet de nous appuyer sur des éléments tangibles pour bâtir un nouveau chapitre avec le salarié : comprendre ses attentes, ses envies, ses projets… ", explique Victor Carreau.

Boomerang : nouvel indicateur star de la marque employeur ?

" Le retour d’un salarié est un indicateur irréfutable d’une bonne marque employeur : les entreprises doivent s’en saisir et valoriser les parcours de leurs talents boomerangs sur leur site carrière ", insiste Élise Moron. À l’heure de la surenchère du marketing RH, c’est aussi une preuve, sans équivoque, que " la culture d’entreprise est cohérente entre ce qui est affiché et ce qui est vécu", conclut Victor Carreau.