244 milliards d’euros, c’est le coût annuel de la branche “maladie” de la sécurité sociale. Pour optimiser ce poste de dépense, l’une des solutions est de perfectionner le parcours de soins, afin de limiter l’errance et l’impasse diagnostic. Le dialogue entre tous les acteurs du système de santé semble alors indispensable pour aboutir au meilleur résultat. Une tendance émerge ainsi : la co-création.

Co-créer un écosystème de biens communs

"La population vieillit et il y a de moins en moins de médecins, constate Aymeric Moty, directeur éxécutif Parcours de soins chez Roche. Notre ambition dans ce contexte est de mettre trois à cinq fois plus de solutions innovantes à disposition des patients et des professionnels de santé avec un coût réduit de moitié pour la société.". Pour réaliser cette ambition, un changement profond et systémique est nécessaire. "Cela veut dire deux choses, ajoute Aymeric Moty : nous avons dû changer notre organisation de travail et aussi revoir notre méthode et notre mindset pour gagner en agilité.".

"Concrètement, les grands changements que nous avons opérés au sein de Roche sont une organisation aplatie et la responsabilisation des collaborateurs au plus près des écosystèmes, détaille le directeur éxécutif Parcours de soins. Nous avons cassé les silos grâce à une organisation agile, une vraie première dans l’industrie pharmaceutique. À titre d’illustration, les chefs de produit ont disparu au profit de partenaires d’offre des parcours. L’objectif est ainsi d’optimiser le parcours du patient en incluant l’innovation thérapeutique, mais aussi les solutions pour répondre à des problématiques identifiées.".

Pour illustrer cette approche, le groupe a pu constater par exemple un vrai besoin dans le domaine du cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC), d’outiller les professionnels de santé pour pouvoir traiter leurs patients sur-mesure, grâce à une bonne adéquation entre les mutations observées et les traitements disponibles.

"Par le passé, nous avions essayé de mettre en place des solutions numériques dans différents domaines, mais cela s'est parfois soldé par des échecs car nous l’avions développé trop en “en chambre” et ça ne répondait pas assez aux besoins, raconte Aymeric Moty. Nous sommes convaincus que c’est par la co-construction, que l’on peut recueillir au mieux les insights pertinents, d’adopter le meilleur design et la meilleure mise en place d’une solution.". Raison pour laquelle, le groupe Roche s’est rapproché du Liberté Living Lab (LLL) et son programme Shift Lab. Cela a permis de mettre autour de la table des patients, institutions, sociétés savantes et professionnels du secteur, afin de réfléchir à la meilleure approche afin de développer cet outil dans le cadre du CBNPC.

"Nous avons créé un tiers lieu d’innovation mais notre volonté était surtout de créer tout un écosystème avec des startups, des chercheurs, des équipes de service public, des industriels et même des patients car nous accompagnons aussi des associations", explique Marylène Vicari, co-fondatrice du LLL. Le lieu, qui abrite une grande pluralité d’acteurs, répondait déjà à des enjeux de co-construction, par sa nature même. "Notre objectif est de faire émerger du terrain, avec toutes les parties prenantes, des défis d’intérêts généraux – qui peuvent être économiques ou sociétaux – mais sur lesquels tout l'écosystème s’aligne, précise Marylène Vicari. Le travail que nous faisons avec Roche consiste à nous dire : comment faisons-nous converger des enjeux qui sont à la croisée de l’économique et de l’impact ?".

Quand le collectif dépasse les intérêts individuels

Maddyness l’évoquait dans un précédent article, l’errance diagnostique peut représenter un coût très élevé pour le patient comme pour le système de soins. De plus de plus, le traitement est guidé par le type de mutations génomiques, cela s’appelle la médecine personnalisée et c’est une réalité aujourd'hui, mais encore faut-il rechercher ces mutations et connaître les molécules disponibles pour traiter. "Et là, il nous manquait une solution. Tout l’enjeu est de bien identifier la mutation dès le diagnostic pour utiliser le bon traitement. C’est un problème que tout le monde constate, mais que personne ne peut adresser seul", assène Aymeric Moty.

Ce trou dans le parcours du patient entraîne une perte de qualité dans son accès aux soins. Le dialogue entre tous les acteurs pour co-créer une solution adaptée devenait nécessaire. "Que ce soient les équipes de Roche, les sociétés savantes, les professionnels de santé, les équipes de l’INCa (Institut National du Cancer), les équipes de l’ARS (Agence Régionale de Santé) ou les patients eux-mêmes, tous se sont alignés sur un défi qui les dépassait individuellement", analyse Marylène Vicari.

Un premier succès pour généraliser l’approche

Après le développement d’un premier prototype répondant au cahier des charges de l’ensemble des parties prenantes, vient l’heure de la deuxième phase : la finalisation. "Pour cette deuxième phase, nous voulons réunir autant d’acteurs publics que privés, afin de développer l’outil et ses modes de gouvernance", explique Marylène Vicari. Le programme Shift Lab ne sert pas seulement à prototyper de nouvelles solutions. Son objectif est aussi de tester de nouveaux modes d’organisation pour créer une innovation partagée entre tous les acteurs de l’écosystème de santé.

La prochaine étape ? Réaliser une étude pilote avec une ARS partenaire pour évaluer l’impact de l’outil auprès de différents types de patients et de professionnels de santé, sur un territoire donné. L’enjeu sera alors d’étudier les variations pour comprendre à qui cette solution profite le plus, et ce que les équipes peuvent encore améliorer. "Nous ne voulons pas faire de l’innovation pour l’innovation, précise Aymeric Moty. Nous voulons avant tout créer de l’impact, et pour y parvenir nous avons besoin d’innover avec toutes les parties prenantes.". Et les équipes du LLL et de Roche témoignent ensemble : "Nous sommes en avance de phase, car notre démarche est inédite. Nous allons donc continuer d’apprendre les uns des autres.". Ce premier succès pourrait bien ouvrir la voie à de nouvelles collaborations qui profiteront autant aux patients qu’aux professionnels de santé.