185 000. C’est le nombre d’entreprises susceptibles d'être cédées chaque année, soit un vivier de 750.000 emplois à conserver, selon Bpifrance. La reprise d’entreprise, aussi appelée repreneuriat, est donc une autre manière d’entreprendre, tout aussi indispensable pour l’économie que la création en elle-même. "La startup nation a mis en avant la création d’entreprise, forçant certains à devenir des créateurs, alors que les créateurs ne sont pas nécessairement de bons gestionnaires, explique Thomas Colin, cofondateur de Alvo, une marketplace qui met en relation les vendeurs et les repreneurs d’entreprise.

"Entreprendre, ce n’est pas nécessairement créer, c’est aussi reprendre ce qui existe. Si la tendance émerge, c’est parce qu’il n’y a plus de tabou aujourd’hui autour de la vente et de la reprise de société.". Alors, comment faire pour bien reprendre une société ?

Cadrer son projet

Chercher une entreprise à reprendre, c’est comme chercher un appartement ou une maison : il faut d’abord savoir ce qu’on veut, sous peine de ne rien trouver dans la masse des résultats. "La première étape est de réaliser une fiche de cadrage : combien je peux mettre dans mon projet ? Quels sont les financements que je peux recevoir ? Quels sont les secteurs qui m’intéressent et sur lesquels j’ai la plus forte valeur ajoutée ?", analyse Germain Michou-Tonning, autre cofondateur d’Alvo.

Le repreneur doit donc faire le bilan de ses compétences et de ses envies, afin de définir son secteur d’activité et les fonctions qu’il veut remplir dans sa future entreprise. À partir de ce premier travail, il pourra monter son dossier en faisant le tour de ses ressources, que ce soit en termes de temps, d’énergie ou de financement. Pour cette dernière partie, l’astuce est de détecter rapidement les organismes à contacter et les aides à demander.

Donner du rythme

Deuxième étape importante : le deal flow, c’est-à-dire le nombre de dossiers qu’un repreneur peut consulter par semaine, pour avoir accès aux informations des entreprises qui l’intéressent. "Votre seule priorité en tant que repreneur individuel, c’est le nombre de dossiers que vous consultez, révèle Thomas Colin. Nous avons, pour cela, une règle très simple qu’on a baptisé les 2 minutes, deux heures, deux jours : deux minutes pour savoir si j’y passe deux heures et deux heures pour savoir si j’y passe deux jours. Et après les deux jours, vous pouvez faire une offre au cédant.".

Pour accéder à ces dossiers, il y a deux sources : les annonces sur les différents sites dédiés, et le marché caché. Ce dernier est indispensable, puisqu’il concentre deux ventes sur trois en France. Sur ce marché se trouvent tous les cédants qui vendent leurs entreprises sans passer par les annonces. Et pour conquérir ce marché, il faut déjà passer à la troisième étape.

Soigner son marketing

"Nous avons lancé notre marketplace en octobre 2022 et nous avons maintenant 4.000 membres actifs, et 70 % d’entre eux sont des repreneurs, ce qui confirme la tendance du marché : il y a beaucoup plus de repreneurs que de cédants", analyse le cofondateur d’Alvo. Les repreneurs sont donc en concurrence les uns les autres pour séduire les cédants. Car, pour ces derniers, l’entreprise n’a pas qu’une valeur financière, elle a aussi une valeur émotionnelle. Le repreneur doit ainsi soigner son image de marque et sa communication avec les cédants pour créer rapidement une relation de confiance.

Cette relation sera indispensable pour la suite, comme le précise Florent Mazeron, avocat associé en Corporate/M&A au sein du cabinet Linklaters : “Pour bien anticiper les risques potentiels inhérents à une opération, il faut prendre en compte l’asymétrie d’informations entre l’acquéreur et le vendeur. Cette asymétrie se réduira lors de la phase d’audit et d’analyse de l’entreprise cible et également par le dialogue.” C’est pourquoi il est important de bien s’entourer avant de sauter le pas et de s’engager dans la reprise d’entreprise.