" Le free-floating est la technologie qui a connu le plus fort taux d’adoption au monde, toutes technologies confondues. En cinq ans, elle a su convaincre des centaines de millions d’usagers dans le monde. Cette solution répond à une attente forte des usagers dans le contexte des nouvelles mobilités urbaines ", analyse Pierre Forté, fondateur et CEO de Pragma Industries, spécialiste des batteries et vélos à hydrogène.

Il faut dire que les politiques des villes – récemment le stationnement des scooters thermiques est devenu payant à Paris –, conjuguées à la crise énergétique convainquent de plus en plus d’urbains d’abandonner leur voiture.

En septembre dernier, Cityscoot a ainsi enregistré plus de nouveaux clients qu’au cours de tout le premier semestre 2022. " Nos nouveaux utilisateurs ont un profil un peu différent de nos clients historiques : ils conjuguent l’utilisation de Cityscoot à d’autres mobilités douces. Ils sont de plus en plus conscients de la diversité de l’offre ", confirme Bertrand Altmayer, CEO du spécialiste du scooter électrique en libre-service. Le nombre croissant d’acteurs positionnés sur le segment des mobilités propres témoigne d’ailleurs de l’effervescence du secteur.

Résultat, la concurrence s’intensifie, et elle ne se fait pas seulement sur la disponibilité des véhicules. Chacun semble multiplier les efforts pour gagner en sobriété. Proposer un moyen de transport propre ne suffit plus, la démarche doit être globale. Pour véritablement avoir de l’impact et réduire les émissions, il est nécessaire de réfléchir en termes d’empreinte carbone et considérer cette dernière sur toute la chaîne de valeur de son activité, confirment tous les acteurs interrogés.

Sans trop de surprise, les premières démarches des opérateurs de flottes de scooters électriques ont donc porté sur l’optimisation des batteries. Cityscoot explique avoir réussi à étendre la durée de vie de ses batteries de 4 ans à 7 ans en optimisant leur temps de charge. Troopy, qui propose des scooters électriques Yamaha en libre-service, a aujourd’hui des batteries en charge rapide capables d’encaisser 5.000 charges supplémentaires par rapport à ses anciens modèles. En matière d’électricité, leur action ne s’arrête pas là. Les deux acteurs s’approvisionnent en électricité renouvelable, notamment grâce à des contrats verts passés avec EDF. " Nous avons de l’électricité renouvelable pour alimenter toute notre entreprise. Rien qu’à l’échelle de notre siège parisien, cela représente un surcoût important sur la facture, et témoigne donc du volontarisme de notre démarche ", insiste François Hoehlinger, Directeur Général de Troopy.

R&D et recyclage, piliers pour l’avenir

Travailler sur l’état de santé des batteries ne constitue qu’un aspect du verdissement des scooters électriques. Rapidement, les acteurs du secteur se sont penchés sur l’objet en lui-même. " Nous avons observé que certaines pièces de nos scooters cassaient plus souvent, à cause de leur utilisation intensive. Nous avons donc lancé un programme de R&D pour créer des pièces plus résistantes, en phase avec nos besoins. Cela permet une utilisation prolongée d’un même scooter. Nos réflexions portent sur toute la durée de vie du véhicule ", explique Bertrand Altmayer.

De là, il était donc logique de penser ensuite le recyclage des deux-roues. Cityscoot opte pour le reconditionnement et la revente des scooters à l’unité, au travers d’un partenariat avec Back Market, la licorne française spécialiste du reconditionnement. Les ventes sont un succès, confirme Bertrand Altmayer. Chez Troopy, qui a choisi de collaborer avec le Mouvement Impact France pour accélérer sa démarche RSE, reconditionnement et revente sont aussi de mise, accompagnés d’une démarche bien particulière. " Nous pratiquons le retrofit, c’est-à-dire l’électrification des scooters thermiques. Nous travaillons à la standardisation de ce procédé complexe avec notre partenaire Yamaha, qui dispose d’usines en France, à Saint-Quentin.  Nous avons pour ambition de retirer 500 scooters thermiques de la circulation d’ici la fin de l’année. Pour cela, nous avons mis en place une opération promotionnelle pour encourager les utilisateurs à se lancer ", explique François Hoehlinger.

Penser les usages

S’appuyer sur une ligne de production, c’est aussi la stratégie de Pragma Industries, qui a développé ses propres vélos dans le but d’y mettre ses piles à combustible à hydrogène. " Ce qui fait l’adoption d’un nouvel usage, c’est sa simplicité d’utilisation ainsi que sa commodité d’usage. Avec un vélo à hydrogène, en deux minutes, vous rechargez votre réservoir et vous disposez de 150 kilomètres d’autonomie. Mais si les bornes de recharge ne sont pas accessibles, tout ceci ne sert à rien ". Un constat qui a conduit Pierre Forté à développer à la fois des stations de production d’hydrogène vert et des bornes de recharge, qui distribuent cet hydrogène aux usagers. Il s’apprête à en équiper une centaine de villes en France et dans le monde d’ici 2027, en commençant par les banlieues de l’ouest parisien et les villes occitanes.

Chez cet acteur également, la réflexion porte sur toute la chaîne de valeur et la fin de vie des véhicules est pensée et maîtrisée, au travers du recyclage, du réemploi et de la réutilisation. Autre point sur lequel l’entreprise a également beaucoup travaillé, celui du financement. Elle a ainsi pensé un écosystème dont l'infrastructure peut s'autofinancer, grâce aux abonnements des usagers au réseau de recharge H2. " Nous sollicitons les villes pour la mise à disposition des quelques mètres carrés d'espace public nécessaires pour accueillir nos bornes. Notre modèle économique ne requiert aucune subvention publique. ". Une indépendance financière qui manque encore aux scooters électriques en libre-service. " Notre mission est d’apporter des solutions de mobilité propres et de désenclaver une partie de la population. Mais il est vrai que cela demande d’importants investissements et que nous avons besoin du concours de partenaires et de la puissance publique pour atteindre toujours plus de sobriété dans la mobilité ", confirme François Hoehlinger.