L’étude Stello met en exergue une valeur commune qui anime les entrepreneurs malgré un parcours semé d’embûches : la liberté. 86 % d’entre eux n’y renonceraient pas pour plus de stabilité. Les raisons invoquées ? Ils aiment pouvoir prendre leurs décisions (97 %), s’organiser (77 %) et rester cohérent avec leurs valeurs (55 %) : " Les entrepreneurs sont généralement des personnes ambitieuses qui aiment la liberté et les challenges intellectuels ", corrobore Pierre Leroux, fondateur de Lemon Learning. Le revers de la médaille : de la fatigue et du stress. 43 % des entrepreneurs travaillent plus de 50 heures par semaine. Radioscopie de la vie des patrons en 2023.

Bonheur et entrepreneuriat : regards croisés sur un lien ambivalent

Le choix de l’entrepreneuriat, même s’il s’apparente parfois à un sacerdoce, est un moteur de bonheur, dont le prisme reste très personnel. " Ce qui me motive est l’aventure humaine que nous construisons ", souligne Marie Vaillant fondatrice et dirigeante de Yemanja, " mais aussi le fait de recruter les talents et de développer une équipe de 35 personnes aujourd'hui. ". Pierre-Antoine Glandier, CEO de Libeo, startup dans la fintech, partage cet angle RH : " Si la période est soumise à rude épreuve, nous sommes responsables d’emplois, ce qui décuple ma motivation pour réussir malgré les vents contraires. ". Daniel Couillard, président d’Ethical Factory, a plus de 25 ans d’entrepreneuriat à son actif et un fil rouge indéboulonnable : " J’ai créé plusieurs entreprises, toujours dans le domaine de la protection de l’environnement : pour moi, c’est une véritable mission qui m’a guidé toute ma vie ! " .

Stress, fatigue… Les causes de leurs coups de mou

La liberté et le bonheur semblent avoir un coût : les coulisses de l’entrepreneuriat, c’est aussi de la fatigue, du stress et des frustrations. " Le plus difficile est de réussir à s'adapter personnellement aux différentes grandes phases de l’entreprise : l’arrivée des premiers salariés, la mise en place de processus et d'une équipe managériale ou encore le repositionnement des sujets opérationnels aux sujets stratégiques. Il existe une certaine solitude du dirigeant qu’il faut accepter… et dépasser ", confie Pierre Leroux. William Eldin, CEO et cofondateur de XXII (ex-fondateur de Coyote) a lui aussi été chahuté lors des moments charnières de l’entreprise : " Avant notre dernière levée de fonds (22 millions d’euros), je me suis retrouvé sur mon balcon à pleurer, ayant le vertige face à l’enjeu de ma responsabilité : 85 personnes que j'ai embarquées dans mon aventure. ".

Les relations avec les collaborateurs sont aussi une corde sensible : " Mes plus gros coups au moral - comme mes grands bonheurs - proviennent de la gestion humaine. Nous avons créé une entreprise libérée fondée sur l’écoute et la flexibilité dans l’optique de voir s’épanouir nos salariés. C’est donc difficile d’entendre les mécontentements, même s’ils sont légitimes et qu’il est primordial de les comprendre et d’y répondre ", souligne Marie Vaillant. Pierre-Antoine Glandier se heurte également à quelques enjeux humains : " Certains collaborateurs peuvent se sentir désengagés ou démotivés dû à la conjoncture actuelle : on ressent, depuis le début de l’année, un climat de peur au sein des équipes. Mon rôle est de les rassurer. " .

Les secrets de leur résilience

Pour faire face aux difficultés du quotidien, William Eldin s’appuie sur son capital émotionnel : " Je suis un jongleur d’émotions : je me conditionne pour être optimiste et réaliser mes objectifs. Par exemple, lorsqu’il faut gérer des problématiques humaines en interne, j’utilise cette énergie pour permettre aux personnes de prendre du recul et remettre les choses en perspective. Toujours avec humour. ". Pierre Leroux, lui, fait régulièrement appel à du soutien interne et externe afin de compenser la solitude inhérente à la vie de patron. " Il faut s’appuyer sur son équipe managériale mais aussi sur des coachs pour nous aider à dépasser certaines situations. Je suis seul fondateur, donc me connecter à des réseaux d’entrepreneurs pour m’accompagner a été primordial. Petite discipline personnelle également : la méditation matinale qui est une routine indispensable pour limiter le stress. " .

La mise en place d’une communication franche avec les salariés est un bon moyen de renouer avec l’enthousiasme selon Marie Vaillant : " La parole est libre dans notre organisation démocratique : nous sommes constamment questionnés par nos équipes sur les choix stratégiques, ce qui permet d’expliquer avec pédagogie et de réconcilier nos objectifs. " . Et si le bonheur était dans la famille ? Daniel Couillard, quant à lui, a décidé de fonder un modèle d’entreprise familiale : " Mon entreprise est devenue un projet familial : j’ai un peu plus de 60 ans et cela me permet de travailler avec mes enfants qui partagent mon projet environnemental. " .

Pacte Faustien, résignation ou optimisme naturel ? Ces différents témoignages révèlent que l’entrepreneuriat est avant tout une histoire personnelle, riche en défis.