Depuis l’adoption de l’Accord de Paris entré en vigueur en 2016, les institutions financières ont pris la mesure du rôle qu’elles avaient à jouer dans la limitation du réchauffement climatique. Poussées par une prise de conscience et par les réglementations, elles sont de plus en plus nombreuses à s’intéresser à l’impact et à chercher à financer des entreprises qui s’engagent sur le plan environnemental. Cette mouvance concerne le climat bien sûr, mais aussi tout ce qui est relatif à l’environnement, au social et à la gouvernance.

L’impact, point de convergence

Les critères ESG deviennent alors des critères de financement : "Par exemple, pour certaines entreprises, respecter la performance carbone devient une question cruciale pour leur survie, relève Corinne Bach, cofondatrice de Carbometrix, une entreprise qui produit des indicateurs carbone pour permettre aux acteurs financiers d’évaluer la performance carbone des entreprises qu’ils financent. "Sans une stratégie sérieuse de pilotage et de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre, une entreprise peut se voir refuser l’accès à un prêt bonifié ou même être exclue de l’obtention du prêt. Certains investisseurs considèrent même qu’une entreprise très carbonée est un risque business. Être une activité très carbonée signifie dépendre d'actifs et de processus d'approvisionnement qui ne seront pas acceptables dans un monde bas-carbone. Les institutions financières parlent d'actifs échoués", ajoute-t-elle.

Le respect de critères ESG devient donc un pré-requis pour les acteurs financiers et pour les entreprises, c’est l’assurance de l’accès au financement, mais aussi une manière de garantir une activité pérenne, de répondre aux demandes des clients et d’attirer des salariés. Tout l’écosystème a donc intérêt à aller dans ce même sens. C’est une prise de conscience collective et un mouvement général.

Startups et fonds d’investissement n’échappent donc pas à cette tendance. Pour Corinne Bach, afin d’anticiper ce qu’il va se passer dans l’écosystème startup, il faut regarder ce qui s’est passé d’abord du côté des entreprises plus matures : "Depuis 4 ou 5 ans, sur le marché des entreprises cotées, il y a une forte pression sur la publication régulière des émissions de gaz à effet de serre, de la trajectoire de décarbonation, des objectifs validés par SBTI. Ce mouvement est arrivé dans le marché privé du LBO et il va arriver dans les startups", analyse-t-elle.

L’effet de levier des critères ESG

Loin de n’être que des critères à cocher, les critères ESG viennent parfois même jouer sur les conditions des financements. "Depuis un an, on constate que de plus en plus de contrats de financement intègrent des mécaniques d’incitation liées à la satisfaction de critères ESG. La tendance s’est accélérée ces six derniers mois", partage Cyprien Dufournier. Cet avocat chez BCTG Avocats, spécialiste des levées de fonds, accompagne de nombreuses startups, notamment dans le domaine des Greentech, un secteur qui continue à lever malgré le ralentissement du marché.

"Les financements les plus visés par ces mécanismes sont les financements en dette. On voit par exemple beaucoup d’émissions d’obligations convertibles dont les taux d’intérêt sont ajustés selon la satisfaction de ces critères ESG. Chaque année, on se réunit avec le fonds et la startup, et si les critères sont satisfaits, on minore le taux", explique-t-il. "Plus la startup prend d’engagements, plus les conditions proposées seront favorables. Elle a donc tout intérêt à jouer le jeu", ajoute-t-il. Les critères sont mis en place d’un commun accord. "Sur les GreenTech, ça peut être l’adhésion au Pacte Mondial des Nations Unies, l’assujettissement à la notation Ecovadis, la valorisation de fournisseurs locaux, des engagements auprès de la population locale", détaille Cyprien Dufournier.

"J’y vois un double effet vertueux. En premier lieu, cela permet à la société de minorer le montant du taux d’intérêt. J’ai pu voir des taux minorés jusqu’à 50 points de base. Mais cela permet aussi au fonds de bénéficier d’un effet d’image", soulève Cyprien Dufournier. Un avantage non négligeable selon Corinne Bach. "Aujourd’hui, le financement, c'est le nerf de la guerre", appuie-t-elle. "Or, lever de l’argent n’est pas une mince affaire pour les fonds eux-mêmes. Ils doivent avoir une equity story pour se démarquer et trouver leurs propres investisseurs. Ils sont de plus en plus nombreux à construire des thèses d’investissement autour de l’impact", explique-t-elle. "Mais on ne se proclame pas fonds à impact sans être reconnus comme tel par le régulateur. Les fonds article 9 SFDR, qui sont les plus ambitieux en matière d’impact selon la réglementation européenne, sont rares, donc prisés, mais ils sont exigeants", relève Corinne Bach.

"Pour l’instant, je constate surtout cela sur la partie dette, mais je pense que le phénomène va continuer à se développer dans les prochains mois. On pourrait tout à fait imaginer des incitations côté equity, si ce n’est pas déjà le cas, pour d’autres sociétés", partage Cyprien Dufournier.