Maddyness : Vous venez d’être nommée présidente de Numéum, organisation professionnelle de l’écosystème numérique en France. Pouvez-vous nous retracer votre parcours ?

Véronique Torner : Je suis une femme ingénieure, diplômée en 1996, et j’ai toujours travaillé dans le numérique. J’ai fait partie des pionniers de l’Internet et des startups en France en lançant ma première startup en 1998, Black Orange, un site de logiciels en ligne B2B et B2C. J’ai cédé cette activité avant la crise et créé en 2006, avec mon associé Philippe Montarge, Alter Way, une société de services dédiées aux logiciels libres et open source. Alter Way a rejoint fin 2021 le groupe Smile, leader européen des services numériques en open source, pour consolider le marché et accélérer le secteur de l’open source en France et en Europe. Je fais partie du Comex de Smile, en charge de la transformation du numérique responsable, un domaine sur lequel je suis également engagée dans le monde associatif.

Élue au conseil d’administration du Syntec numérique, j’y ai occupé plusieurs missions depuis 2013, en charge de la commission PME, et de sujets comme l’éthique du numérique, la diversité, la confiance, la cybersécurité, la donnée, l’autonomie stratégique et l’environnement. Être la première femme à la présidence de Numeum n’est pas que symbolique, c’est le fruit d’un parcours, d’un travail. J’y vois aussi l’opportunité d’envoyer ce message : il est possible pour une femme de travailler dans la tech, d’avoir des responsabilités, d’être entrepreneur.

M : Quels sont vos projets pour Numeum ?

V.T : J’ai envie de porter un projet d’impact, autour de deux verbes : rayonner et fédérer. Numeum occupe une place particulière dans l’écosystème numérique français, grâce à une forte représentativité, aussi bien sur la taille des entreprises adhérentes (de la PME aux grands groupes), que sur les différents métiers représentés. Il rassemble plus de 2.500 entreprises adhérentes qui réalisent 85 % du chiffre d’affaires total du secteur. Notre puissance de frappe est donc importante.

Nous nous sommes fixés trois priorités : les territoires, pour accompagner nos adhérents en région et échanger avec nos pairs européens ; les compétences, qui restent notre plus grand défi, à la fois sur la mixité (le secteur compte 27 % de femmes mais seulement 14 % dans les métiers techniques), et sur l’attractivité du numérique auprès des jeunes ; enfin, dernière priorité : le numérique responsable. On ne peut pas envisager un futur du numérique sans inclusion, sans confiance, sans soutien à la transition écologique.

M : Qu’allez-vous mettre en place pour atteindre ces objectifs ?

V.T : Beaucoup d’actions et de dispositifs sont déjà en cours, que nous menons de notre propre initiative ou en partenariat avec l’État et d’autres partenaires. Sur le sujet de l’attractivité, nous voulons nous focaliser pour ces trois prochaines années sur la reconversion. Nous avons par exemple signé le manifeste Social Builder, qui a permis la reconversion de plus de 1.000 personnes. Avec Talents du Numérique, nous allons mener une grande campagne d’information au niveau national pour expliquer nos métiers, souvent conceptuels aux yeux des jeunes. Au sujet du numérique responsable, nous devons amplifier les dispositifs installés pour les passer à l’échelle. Par exemple, le dispositif Numéric’Emploi, qui consiste à former au numérique les demandeurs d’emploi et à leur proposer un emploi, testé dans le Grand Est, se déploie en Occitanie et dans les Pays de la Loire et sera proposé à terme sur l’ensemble du territoire.

Planet Tech’Care, qui fédère une cinquantaine d’associations et 872 signataires pour agir en faveur d’un numérique au service de l’environnement, va être déployé en Belgique, puis à l’échelle européenne. Il est de notre responsabilité de faire du numérique un levier économique, sociétal, social et environnemental.