Le principe de mettre en place des collaborations entre startups et grands groupes n’est pas nouveau. Il s’agit pourtant d’une démarche qui peut être abordée par différents dispositifs d’innovation (incubateur, accélérateur, corporate venture, …), avec des niveaux de succès très variables.

" Utiliser le levier de la collaboration entre une startup et un grand groupe pour innover avec succès est loin d’être une chose simple” explique Nicolas Bellego, directeur de l’innovation d’Icade et directeur d’Urban Odyssey. Mais quand elle fonctionne, cette alliance des deux mondes permet une réelle accélération de l’accès au marché et le déploiement de l’innovation à grande échelle. Une démarche commune plus que nécessaire aujourd’hui, en particulier pour répondre à l’urgence des défis liés au climat ! Plusieurs approches sont possibles, mais s’il en est une qui me semble la plus efficace, c’est bien celle de commencer l’aventure entrepreneuriale le plus tôt possible ensemble, dès la phase du concept. "

Une approche qui diffère des nombreuses démarches de grandes entreprises qui attendent que les solutions des startups soient matures pour créer des partenariats ou mobiliser leurs fonds d’investissements internes (“corporate venture”). Et en général, la collaboration business est alors plus laborieuse. Studio d’innovation et de création de startup adossé au groupe immobilier Icade, Urban Odyssey développe un modèle assez singulier, qui a fait ses preuves depuis 4 ans, en mixant investissement en pre-seed, incubation business axée sur l’accès au marché rapide, et réponse à des enjeux stratégiques clairement définis.

Éclairage sur cette approche.

Venir le plus en amont possible

Il s’agit donc de la particularité d’Urban Odyssey : " c’est notre enjeu principal, confirme Nicolas Bellégo. Réussir à faire du business ensemble, en alignant l’intérêt de la startup avec celui du groupe. Et pour réussir cela, on commence quasiment au stade de l’idée. "

C’est la raison pour laquelle l’actuel appel à candidatures se concentre sur les entreprises en amorçage ou les entrepreneurs à la recherche d’un projet.

Urban Odyssey souhaite initier des échanges avec les projets entrepreneuriaux dès le stade du concept puisqu’il s’agit d’un moment où tout est encore à construire. En effet, il s’agit d’un stade où il est plus facile d’associer des experts du “corporate” (en l’occurrence ici ceux du Groupe Icade). Les associer dès l’amont et leur permettre de contribuer à l’élaboration de la solution est un facteur clef de succès pour la suite de la collaboration et de l’adoption de l’innovation. Côté startup en création, cela permet de dérisquer le concept le plus tôt possible, et de le modeler en réponse aux réels enjeux du marché.

" On vient associer nos équipes aux réflexions quand la pâte n’est pas encore sortie du four et qu’il faut encore la travailler. Elles ont le sentiment de participer à l’aventure, d’influer sur la trajectoire de la boîte, en apportant leur expertise. Ce n’est pas du tout la même relation qu’avec une startup déjà établie et qui vient nous vendre sa solution. Il y a une relation de confiance qui vient se créer entre les entrepreneurs et nos experts avec la volonté de contribuer aux décollages de ces jeunes startups. "

Si la valeur de la relation pour Icade se situe dans la possibilité de venir modeler la jeune pousse pour venir répondre au mieux aux besoins concrets du groupe, le bénéfice est également majeur pour la startup. Dans un secteur de l’immobilier où les temps de décisions sont longs et où les solutions innovantes ne sont pas choisies à la légère, cela vient permettre aux entrepreneurs d’avoir un partenaire qui va les accompagner dans la recherche de leur product market fit : s’assurant de la viabilité du modèle et lui permettant d’identifier leurs premières références.

Créer les premières références

Il s’agit donc du premier enjeu pour Urban Odyssey : obtenir les premières références commerciales pour les projets qu’ils accompagnent afin de leur permettre ensuite de se déployer.

C’est par exemple le cas pour Terrio, une jeune startup du studio, qui développe des matériaux de construction à base de terres crues. Un matériau que Bastien Neufiend, co-fondateur de la startup, considère comme " magique " :

" Il n’y a pas de chimie, pas de cuisson pour un matériau totalement propre et naturel avec lequel tu peux faire des cloisons ou des murs porteurs. "

Le projet répond donc aux enjeux de décarbonation du bâti ciblés par Urban Odyssey, mais les barrières sont nombreuses à son adoption.

" C’est super difficile pour une startup de trouver son premier client dans ce secteur, résume Nicolas Bellego, directeur d’Urban Odyssey. Pour caricaturer, un projet immobilier qui se signe aujourd’hui va être livré dans deux à trois ans et il va coûter plusieurs millions d’euros. Difficile pour les équipes opérationnelles de prendre seules des risques en allant chercher une innovation qu’elles ne maîtrisent pas encore. "

Urban Odyssey va donc être le premier commercial de la jeune pousse, pour venir présenter la solution au plus grand nombre en interne, et assurer un suivi jusqu’à sa mise en œuvre.

" Le “closing” d’une innovation est tout aussi important, et plus compliqué, que celui d’une opération commerciale traditionnelle, assure Nicolas Bellego. Mais il est clé ! "

Pour ce faire, le studio d’innovation n’a pas peur de prendre à sa charge certains surcoûts d’innovation pour partager le risque sur les premières expérimentations. 

" Ils poussent vraiment au niveau des métiers, partage le co-fondateur de Terrio. Et comme ils ont un soutien très fort de la direction, qui incite les équipes à travailler avec les entrepreneurs d’Urban Odyssey, les projets se multiplient pour Terrio. "

Faire évoluer la filière

Le modèle hybride d’Urban Odyssey questionne souvent les entrepreneurs. En effet, quel est leur intérêt de soutenir des startups pour développer des projets qu’ils auraient pu porter en interne ?

" La question revient régulièrement, raconte Nicolas Bellégo. Un exemple concret :  nous avions identifié le besoin d’avoir un outil permettant de calculer en temps réel le poids carbone de nos opérations immobilières en conception. Au vu des spécificités de notre secteur, certains militaient pour que le projet soit réalisé en interne, mais nous avons argumenté, que sur un tel sujet, il était plus judicieux de participer au lancement d’une startup dédiée,  pour adresser l’ensemble du marché, y compris nos concurrents. "

En effet, sur de nombreux enjeux, la taille du marché interne n’est pas suffisante pour en faire une activité rentable pour la startup en question. Et si une grande entreprise comme Icade est trop présente au capital, au démarrage de ces projets,  elle ferme les portes d’un marché plus large, offert par les entreprises concurrentes. Elle limite par ailleurs les futures opportunités de financements, notamment auprès de fonds d’investissement. D’où le positionnement atypique d’Urban Odyssey, en qualité d’investisseur minoritaire.

Pour développer sa solution de calcul dynamique du poids carbone d’opérations immobilières, Urban Odyssey a donc cherché à constituer une équipe entrepreneuriale, et c’est le moment où le chemin d’Icade croise celui de Camille Vivien du bureau d’étude Vivien qui avait tout juste commencé à travailler sur la création d’un tel outil.

À cette époque, l’entrepreneur échange avec plusieurs business angels, mais le discours d’Urban Odyssey l’interpelle :  " ils m’ont tout de suite dit qu’ils voulaient investir de manière minoritaire, en valorisant la startup à un certain montant pour l’aider à se développer, tout en contribuant à son développement. Pour nous, c’était une garantie financière et un soutien opérationnel puissant. "

Dix-huit mois plus tard, Time to Beem a peaufiné son concept auprès des équipes d’Icade et a éprouvé son discours jusqu’à lui permettre de le présenter en comité de direction et à être utilisé par différentes équipes du groupe.

Par conséquent, les startups qui passent par Urban Odyssey ont pour vocation d'aider toute la filière à évoluer. C’est déjà le cas pour nombre d’entre elles qui travaillent également avec des concurrents directs d’Icade.

Cadrer des process

Mais la dernière bonne pratique partagée par Nicolas Bellego pour faire fonctionner la collaboration startups/grands groupes, c’est de mettre en place des process qui vont incentiver les équipes “métiers” du groupe à travailler avec les entrepreneurs d’Urban Odyssey.

" Ils sont directement incentivés sur le fait de travailler avec des startups d’Urban Odyssey, partage le directeur du studio. En effet, parmi les objectifs RH définis pour les collaborateurs, les sujets “innovation”, mais également “RSE”, sont pris en compte. De fait, quand ils travaillent avec les startups Urban Odyssey, cela va leur permettre d’atteindre plus facilement ces objectifs. Une façon très concrète de valoriser ces initiatives créatrices de valeur pour tous. "

Tout l’enjeu d’une entreprise pour accélérer les collaborations avec de jeunes pousses est ainsi de les intégrer dans les processus pour que faire appel à elles soit une évidence.

" Nous avons des responsables de programmes qui n’ont pas le temps de chercher de nouvelles solutions, explique Nicolas Bellego. Ils prennent les produits qui sont déjà référencés par Icade et dont ils connaissent déjà les caractéristiques et les prix. C’est alors à nous de packager des offres avec nos startups pour les référencer et pour qu’elles soient utilisées de la manière la plus fluide possible par les équipes. "

Le fait de cadrer ces process permet d’intégrer les startups d’Urban Odyssey dans la matrice de décisions du groupe Icade. C’est le cas pour Domani qui propose des solutions de co-living pour les séniors. Après de premiers démonstrateurs, et un travail pour affiner l’offre, un contrat de partenariat business a été signé entre les deux structures pour qu’Icade propose ses projets en priorité à la jeune pousse. Et ainsi faciliter son déploiement à plus grande échelle. Urban Odyssey étant actionnaire minoritaire, cela contribue à la valorisation de sa participation. Gagnant-gagnant.

" Cela nous donne un cadre bien défini avec un cahier des charges qui nous permet de ne pas passer un temps fou à renégocier, retravailler et réexpliquer. C’est tout simplement intégré dans les process. Cela nous permet vraiment de faire bouger les lignes en faveur à la fois de nos startups et des métiers du groupe. "

Et pour favoriser ces passages à l’échelle, le studio accompagne aussi ses protégés vers les tours de financement suivants, en leur présentant régulièrement des fonds d’investissement complémentaires. Une démarche qui séduit de plus en plus les fonds, en recherche de dealflow dérisqué et avec un accès accéléré au marché, tout en restant compatible avec leurs thèses d’investissement.

En synthèse, la recette d’Urban Odyssey : un investissement pre-seed pour participer à la création de valeur et être incentivé, une incubation business sur mesure et en lien très étroit avec les métiers du Groupe Icade, le focus sur l’obtention des premières références clients, et des enjeux communs clairement identifiés dès le départ pour aligner les intérêts.