Selon le dernier rapport publié par Textile Exchange, les fibres synthétiques - déjà très largement majoritaires au sein de l’industrie textile - continuent de gagner du terrain sur les fibres naturelles. Pourtant, lorsqu’on interroge les rapports du Giec quant à l’impact de la mode et de ce secteur industriel sur l’environnement, la culture du coton est très largement pointée du doigt.

Et pour cause, 25 % de la production mondiale des fibres provient du coton. Or, sa culture est le fruit d’un cocktail qui pèse sur l’environnement. Pour autant, ’il est possible d’opter pour sa version biologique en s’assurant que l’étiquette du vêtement est estampillée GOTS (Global Organic textile Standard), signifiant qu’il est fabriqué à partir de matières premières naturelles, cultivées sans produit toxique nocif pour la santé humaine et pour l’environnement.

Pour Thomas Huriez, fondateur de 1083 - une marque de vêtements fabriqués en France, connue plus particulièrement pour les jeans en coton et en lin qu'elle commercialise - le problème ce n’est pas le coton, mais sa surconsommation.

Le désordre écologique que sa culture crée résulte de la surconsommation de vêtements et du manque d’adéquation entre le coton et les terres sur lesquelles on le cultive. Le gros défi de cette industrie c’est la diversification de matière première. 1083 ne remplacera pas ses 30 modèles de jeans en coton par trente jeans en lin, mais la marque tend à trouver un équilibre cohérent entre la production et la capacité de culture de chacune de ces fibres. La monoculture et la centralisation sont très délétères d’un point de vue environnemental et économique. Il faut du coton bio, du polyester recyclé ou encore du lin, du chanvre. Les cultures de ces deux derniers sont moins gourmandes en eau et en engrais. La France est le premier producteur mondial de lin !” explique Thomas Huriez.

Enrichissement des sols et seconde-main

Conscience écologique précoce ou bon sens, en France, la culture du lin aurait été encouragée par Charlemagne. Pour Pierre d'Arras, président directeur général de Van Robaeys Frères - teilleur indépendant français qui depuis plus de 100 ans, exerce son expertise dans la fibre de lin à travers sa culture, sa production et sa transformation -, si la culture du lin est durable en France c’est parce qu’elle est particulièrement adaptée au climat du nord de l’hexagone.

Une chance pour le territoire. “En agronomie, on parle de tête d’assolement. C’est une plante avec une racine pivot qui va descendre en profondeur, structurer le sol et l’amender. Elle a ses exigences nutritionnelles spécifiques, qui ne sont pas forcément identiques à celles des autres cultures. C’est une culture qui n’épuise pas la terre de ses ressources. Elle n’a pas besoin d’appuis et les maladies se développent moins.” explique ce représentant d’une famille présente sur les terres de Killem - non loin de la frontière belge -, depuis quatre générations.

Pour Pierre d’Arras, les bénéfices du lin ne s’arrêtent pas là. Thermorégulatoires, anti microbiennes et hypoallergéniques, les fibres naturelles de cette matière précieuse seraient par ailleurs, ultra résistantes. : “Une analyse récente démontre que la fibre de lin est deux fois plus résistante que celle du coton.”

Le lin offrirait donc des produits de haute qualité et de longue durée - critères essentiels au marché de la seconde-main - tout en étant biodégradable, contribuant ainsi à la réduction des déchets textiles.

La filière s’organise pour du 100 % tricolore

Les deux experts s’accordent à dire que l’attrait de l’industrie textile et de la mode pour le lin est croissant, tout en rappelant qu’il ne serait pas souhaitable que tout un chacun réduise sa consommation textile à cette manière. “Il s’agissait avant de marques au positionnement haut-de-gamme, désormais les marques de milieu de gamme et d’entrée de gamme s’y intéressent également. Le consommateur, quel qu’il soit, doit prendre conscience qu’il existe plein de fibres différentes. C’est avant tout le développement des alternatives au coton qui est intéressante. Et le lin en fait partie” se réjouit Pierre d’Arras.

Une aubaine pour la filière française qui, depuis quelque temps, s’organise. Dix-sept ans après avoir cessé la production en France au profit de la Pologne, le fabricant historique de fils de lin, Safilin, s’est doté en 2021 d'une filature dans les Hauts-de-France tout en rejoignant le projet Linpossible, porté par les marques 1083, Splice et Le Slip Français, et dont l'objectif est d'inciter les marques à s'engager à soutenir en retour la réapparition des filatures de lin, éléments manquants d’une chaîne de production qui désormais peut, dans certains cas, être 100 % tricolore.

Et pour celles et ceux qui qui aspirent à intégrer une approche de production textile toujours plus respectueuse de l'environnement, à Linpossible, s’ajoute la communauté du Coq Vert lancée par Bpifrance, en partenariat avec l'ADEME et le ministère de la Transition écologique, qui regroupe de nombreux dirigeants et de dirigeantes convaincus de la nécessité d'agir et déjà engagés dans la transition écologique.