Avec ses quinze ans d’expérience en tant que VC à Londres, Martin Mignot, désormais basé à New York pour le compte du fonds Index Ventures, a épluché pléthore de dossiers d’entrepreneurs en quête de financements pour développer leur startup. Dans un écosystème technologique qui s’est transformé, notamment en France, l’investisseur a pu identifier, au fil du temps, les indicateurs qui font la force des jeunes pousses les plus prometteuses.

Durant sa carrière, Martin Mignot s’est ainsi distingué en investissant dans Deliveroo, Revolut ou encore Swile, trois entreprises qui ont un point commun : des entrepreneurs dotés d’une personnalité hors normes. "Dans le cas de Deliveroo et Revolut, il n’y avait pas encore vraiment de revenus ou de marges. Il fallait alors se baser sur l’entrepreneur", se souvient-il. Avant d’ajouter : "Je compare souvent l’entrepreneur à un laser beam. Il faut qu’il soit puissant et concentré sur quelque chose de très précis."

"Deliveroo et Revolut, c’est la rencontre entre un entrepreneur, un marché et un changement technologique"

A ses yeux, Will Shu, co-fondateur de la plateforme de livraison de repas qui s’occupait alors d’acheminer lui-même les commandes, et Nikolay Storonsky, co-fondateur de la fintech londonienne, incarnent ce concept de "rayon laser". "Will avait l’obsession de la logistique. Il avait très bien compris que la livraison était la clé chez Deliveroo. Quant à Nikolay, il avait très tôt cette vision de super-app, avec l’obsession de l’expérience client et du multi-produit. Ce sont des gens extrêmement intelligents et très charismatiques, qui attirent les talents et les investisseurs, et qui sont capables de faire parler d’eux", estime le Partner d’Index Ventures. "Ces deux entreprises, c’est la rencontre entre un entrepreneur, un marché et un changement technologique. Quand on a ces trois choses-là, cela devient évident", ajoute-t-il.

Si la tech britannique a fait émerger de nombreuses pépites au cours de la décennie écoulée, l’écosystème français s’est également illustré dans le même temps, avec une montée en puissance remarquée bien au-delà des frontières hexagonales. En France, c’est notamment Loïc Soubeyrand qui a tapé dans l’œil de Martin Mignot. "C’est un entrepreneur naturel, qui est assez intuitif et toujours en train de réfléchir au coup d’après", décrit-il. Pour Loïc Soubeyrand, ce fut Swile après Teads.

Loïc Soubeyrand, toujours un coup d’avance

Avec cette startup, l’entrepreneur tricolore s’est attaqué à un sacré morceau : les titres-restaurants sur un marché dominé par des mastodontes comme Edenred et Sodexo. "Il arrive à démonter le problème pour arriver à une solution originale intéressante, en utilisant les briques technologiques qui sont disponibles à un instant T pour résoudre ce problème. De plus, il a une capacité d’anticipation et de vision moyen terme, ainsi qu’une capacité d’exécution incroyable et de leadership. Il arrive à emmener les gens derrière sa vision et sa personnalité", analyse Martin Mignot. Pour lui, c’est d’ailleurs le rachat de Bimpli par Swile l’an passé qui a mis en lumière la vision et la capacité d’adaptation de Loïc Soubeyrand. "Bimpi, c’est un mouvement qu’il a préparé bien en amont, peut-être même des années à l’avance. Le timing était parfait", estime-t-il.

Si Swile est positionné sur un segment très différent de Revolut sur le papier, les deux entreprises sont finalement assez proches pour Martin Mignot : "Swile, c’est un Revolut appliqué à une verticale plus spécifique." De plus, la société française devient progressivement une application tout-en-un pour les salariés, comme en témoigne sa récente percée sur les voyages d’affaires. Finalement, quel est le point commun entre Loïc Soubeyrand, Nikolay Storonsky et Will Shu : "Ce sont des amoureux du produit." Est-ce l’une des caractéristiques de l’entrepreneur idéal ? A vous d’en juger.