Lorsqu’il s’agit de prendre un avion ou un train, le voyage peut vite tourner au parcours du combattant en raison de bagages encombrants et lourds, et par conséquent difficiles à transporter. Pour enlever ce talon d’Achille dans l’expérience des voyageurs, la startup Alltheway a vu le jour l’an passé. En effet, elle propose depuis juin un service permettant d’enregistrer ses bagages depuis le centre de Paris et de les acheminer jusqu’à destination.

Dans un premier temps, la société vise les aéroports, où l’enregistrement des bagages peut faire perdre plusieurs dizaines de minutes à des passagers stressés à l’idée de rater leur vol. Pour y remédier, la jeune pousse tricolore a mis sur pied un dispositif qui permet de tracker en temps réel le bagage doté d’un QR code, en partenariat avec SITA, spécialiste des services informatiques dans l’industrie aéronautique. Par sécurité, les bagages sont scellés et suivent les mêmes contrôles aéroportuaires. Le système a reçu la bénédiction de la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC), ce qui a permis à l’entreprise de décoller à Roissy-Charles de Gaulle (Paris-CDG).

Une mission de conseil chez Air France à l’origine du projet

En effet, c’est dans le plus grand aéroport français qu’Alltheway a noué un partenariat avec Air France. Dans ce cadre, les passagers de la compagnie aérienne peuvent enregistrer leurs bagages entre 30 et 4 heures avant leur vol, directement depuis un hôtel ou un site touristique de Paris. «On crée des mini-aéroports dans Paris», résume Émilie Gazeau, co-fondatrice et CEO de la startup française. Des «mini-Roissy» qui coûtent au client 25 euros pour le premier bagage, puis 10 euros par bagage supplémentaire.

Si Air France a choisi de faire confiance à Alltheway, ce n’est pas le fruit du hasard. Et pour cause, Émilie Gazeau, qui a travaillé 12 ans au sein du groupe L’Oréal, a mené une mission de conseil pour la compagnie aérienne en 2019. «Le projet est né chez Air France. Je me suis très vite rendu compte qu’il y avait une énorme demande du côté B2B, notamment avec les gros hôtels et les tours-opérateurs. Vu qu’il n’y avait aucune exécution pour la prise en charge des bagages en centre-ville, j’ai appliqué au secteur ma connaissance du retail», se souvient Émilie Gazeau. «Le vrai problème, c’était l’équation économique. Je me suis donc dit qu’il fallait créer des drives pour les bagages, en essayant d’écraser les coûts», ajoute-t-elle.

Au fil des mois passés avec Air France, l’entrepreneuse esquisse les contours de ce qui deviendra Alltheway. Initialement, elle songeait à lancer son entreprise en 2020, mais la pandémie de Covid-19 a contrarié ses ambitions, en clouant brutalement au sol tous les avions du monde entier. Mais qu’importe, elle a mis à profit les confinements pour affiner son projet. «J’ai changé plusieurs choses : le focus sur la tech et la data plutôt qu'un focus limité seulement à la logistique. Et j’ai aussi intégré le projet dans l’enjeu de l’intermodalité. L’idée était ainsi d’appliquer ce que j’avais compris dans l’aérien, secteur très mature au niveau des bagages contrairement au ferroviaire, pour le développer dans l’aérien, puis le transposer dans le ferroviaire», explique Émilie Gazeau.

Un marché potentiel de 4 millions de personnes avec ADP

En effet, le partenariat avec Air France n’est que la première brique d’une ambition plus large qui vise à décharger les voyageurs de leurs bagages peu importe leur moyen de transport. Soutenue également par Google, la RATP, ADP ou encore le groupe Accor, la startup française a noué des partenariats avec la SNCF, La Poste, Disneyland ou encore Volocopter, l’entreprise allemande à l’origine des taxis volants qui devraient envahir le ciel parisien lors des JO 2024. Un événement planétaire qui va attirer des millions de visiteurs à Paris et auquel pense donc logiquement Alltheway. «Accor, Air France et ADP sont partenaires des JO, donc nous sommes impliqués dans les discussions concernant les bagages des JO. Le CEO d’ADP a même annoncé son partenariat avec Alltheway dans le cadre des JO à VivaTech», précise Émilie Gazeau qui voit dans les Olympiades parisiennes un tremplin pour sa société.

Si les partenariats se multiplient, reste cependant à savoir si la demande sera au rendez-vous pour un tel service, qui n’est pas à la portée de toutes les bourses, sur le long terme ? La co-fondatrice de la société se montre plutôt confiante pour l’avenir : «ADP a besoin de faire de l’enregistrement déporté pour 20 % des passagers, soit 4 millions de personnes. Si on ne prend que les voyages longue-distance, 78 % des bagages vont en soute. Avec à peine 20 % du marché et une croissance de 5 % sur un an, c’est déjà une taille de marché significative rien qu’à à Paris.»

«Créer l’Amazon du bagage»

Elle estime également qu’en permettant aux voyageurs d’avoir les mains libres, cela va les encourager à davantage se tourner vers les transports en commun pour se rendre à l’aéroport, notamment avec la mise en service du CDG Express, espérée en 2027. Dans le même temps, le réseau de points d’enregistrement de la société va se développer, notamment à Gare du Nord dans les prochains mois. Il sera également possible de procéder à un enregistrement à domicile à partir de fin septembre, tandis que la livraison des bagages dans un point relais sera possible dès octobre. «Notre concurrent, c’est la perte de temps. Des familles, des personnes handicapées, des digital nomads en déplacement long ou encore des business travelers ont besoin de beaucoup de bagages. Peut-être que les gens vont moins voyager mais ils vont vouloir mieux voyager», analyse Émilie Gazeau.

Dans ce contexte, l’ex-General Manager de L’Oréal pour la zone Benelux estime que le marché à conquérir est colossal. Des discussions sont engagées avec Skyteam (alliance de compagnies aériennes, qui comprend notamment Air France) et Alltheway espère bien convaincre rapidement de nombreuses compagnies, notamment à l’occasion du World Aviation Festival qui se tiendra à Lisbonne fin septembre. En plus de remplir son carnet de commandes, la jeune pousse, qui a déjà 1 million d’euros pour se financer, est en quête d’investisseurs pour boucler un tour de table de 10 millions d’euros d’ici la fin de l’année. Une manière pour la société d’accélérer son développement pour atteindre son objectif : «créer l’Amazon du bagage.»