Ledger ne connaît pas la crise. Pendant que c’est la soupe à la grimace au sein de nombreuses entreprises de la cryptosphère, le sourire est plutôt de rigueur chez le spécialiste des portefeuilles d’actifs numériques. Et pour cause, les différents scandales qui ont touché le marché des cryptomonnaies, à commencer par la banqueroute de FTX, ont poussé les détenteurs de monnaies virtuelles à vouloir s’offrir des solutions pour sécuriser leurs crypto-actifs.

Dans ce contexte, Ledger avait vu ses ventes quadrupler en novembre 2022 dans la foulée de l’effondrement de la plateforme de Sam Bankman-Fried. «Juste après FTX, nous avons réalisé le plus gros mois de l’histoire de Ledger», se souvient Charles Guillemet, CTO de l’entreprise française, à l’occasion de l’événement Surfin’ Bitcoin qui se tient actuellement à Biarritz. «Les utilisateurs ont compris à quel point il était important de posséder son argent et de garantir une sécurité technologique et financière», ajoute-t-il. Autrement dit, l’adage «not your keys, not your coins» (pas votre portefeuille personnel, pas vos cryptos), si cher à Ledger, est en train d’être appliqué par les adeptes des cryptomonnaies. «C’est devenu encore plus clair pour tout le monde», confirme le directeur technique de la société tricolore.

«Nous sommes en train de sortir du modèle des Gafam, où l’utilisateur est le produit quand c’est gratuit»

A ses yeux, c’est un nouveau paradigme qui est en train de se dessiner dans le secteur. «En ce moment, c’est un peu comme dans les années 2000 avec la démocratisation d’Internet et l’arrivée du smartphone. La blockchain change beaucoup de choses, car il est possible de complètement posséder ses données», note Charles Guillemet. Avant d’approfondir sa pensée : «Nous sommes en train de sortir du modèle des Gafam, où l’utilisateur est le produit quand c’est gratuit. Or la gratuité implique des contreparties importantes, avec de la publicité partout et du business qui se fait sur les données des utilisateurs. Mais on commence à s’éloigner de ça et à comprendre qu’il faut payer pour accéder à du contenu sans contrepartie sur nos données. Et dans ce cadre, la blockchain et le Web3 sont des outils efficaces pour transférer de la valeur facilement.»

Mais pour que ce changement de paradigme s’amplifie, encore faut-il que l’adoption des cryptomonnaie par le grand public, aussi avancée soit-elle, s’accélère dans les prochaines années. «Le point clé, c’est l’UX, car il y a encore beaucoup de barrières à l’entrée, notamment sur la compréhension des cryptomonnaies. Améliorer l’UX est donc indispensable pour les démocratiser», estime le CTO de Ledger. Dans ce cadre, l’UX a d’ailleurs été mis au centre de l’équation dans la conception de Ledger Stax, un portefeuille pour stocker et sécuriser ses cryptomonnaies et NFT.

Apple comme source d’inspiration

Le produit, présenté en grande pompe à Paris en décembre 2022, a des allures de «crypto-iPod». Et pour cause, c’est Tony Fadell, le père de l’iPod, a supervisé le design de l’appareil qui se caractérise par un écran tactile incurvé et l’intégration de la technologie E-ink, utilisée sur les liseuses pour garantir une autonomie de plusieurs semaines aux utilisateurs. «Tony Fadell a permis de mettre le doigt sur les choses à rectifier pour rendre le produit plus attractif, tandis que les équipes tech s’attelaient évidemment à assurer le plus haut de degré de sécurité possible pour le produit. A l’arrivée, le Ledger Stax propose une bien meilleure UX que les appareils précédents. Mais ce n’est qu’une première étape. Il faut qu’on continue à améliorer l’UX pour rendre le produit plus facile d’utilisation», juge Charles Guillemet.

Plusieurs mois après sa présentation, le Ledger Stax devrait prochainement arriver dans les mains des acheteurs. «Nous avons arrêté les pré-commandes pour assurer la vague massive de livraisons, les expéditions débuteront bientôt. Nous sommes dans la phase d’industrialisation. Cela implique de pouvoir fabriquer des milliers, voire des millions d’appareils. Tout est prêt, il ne nous manque que l’écran», précise le directeur technique de l’entreprise française. En attendant, la société s’attèle à développer des services pour enrichir l’expérience de ses utilisateurs, à l’image de Ledger Recover pour récupérer son wallet.

Avec ces nouveaux outils, l’idée est de proposer «une sorte d’App Store crypto» avec Ledger Live pour connecter les utilisateurs à des services autour de la blockchain. L’occasion pour Ledger de diversifier ses sources de monétisation et d’accompagner les nouveaux cas d’usage dans la blockchain. Accélérer sur les services tout en proposant des produits au design abouti, c’est une stratégie expérimentée par Apple avec le succès que l’on connaît. Il n’est donc pas étonnant que Ledger s’appuie sur des figures clés de la marque à la pomme pour suivre une trajectoire similaire dans la cryptosphère.