Certains entrepreneurs se lancent sur une simple intuition ou sur une grande vision pour un marché. Ce n’est pas le cas de Julien Sylvain. Il était à la recherche d’idées de business prometteur quand il a vu que le marché du matelas était en train de bouger aux États-Unis. L’idée de sa précédente entreprise, une marque de lingerie nommée Lemon Curve créée en 2011, lui avait été soufflée par le fondateur de Spartoo qui lui indiquait que le monde de la lingerie avait les mêmes problèmes que celui de la chaussure. Lemon Curve n’a pourtant pas été le succès escompté. Tout comme Leaf Supply (2009), entreprise qui proposait des lits de camp en carton pour l’aide humanitaire, mais qui n’a jamais suffisamment décollé.

Le succès est pourtant arrivé avec Tediber, une entreprise spécialisée dans le monde du repos qui a déjà vendu plus de 200.000 matelas et réalisera 50 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023 en employant 70 personnes.

La PME du repos

Le modèle startup n’a jamais fait rêver Julien Sylvain qui voit davantage en Tediber une très belle PME : « C’est un autre paramétrage intellectuel, explique-t-il. Parce que l’on était tout de suite dans une course à la rentabilité. On avait aussi le souci d’être différent, je ne voulais pas être mainstream et vendre le plus de matelas possible. Je veux être la marque de matelas la plus désirable et que cela me permette d’avoir les moyens d’innover. ». 

Après avoir exclusivement vendu des matelas, Tediber s’est donc ouvert à d’autres produits comme les sommiers, les oreillers, les couettes, le linge de lit, mais aussi les canapés. « Notre univers, c’est celui du repos, résume Julien Sylvain. On veut faire l’éloge du sommeil et du repos parce que c’est un domaine qui est sous-valorisé et qui doit devenir le nouveau bien manger ou le bien bouger (faire du sport). ». 

Mais Tediber se caractérise aussi par des valeurs très fortes qui se sont formées dans l’adversité.
En effet, après deux années de croissance (2015-2017), la startup a eu sa traversée du désert alors que de très nombreux concurrents ont émergé avec d’importants budgets marketing. Julien Sylvain se rappelle de cette période comme d’un moment étrange : « On a eu l’impression d’être un peu bicéphale : alors que le business n’était pas forcément facile, on a eu une période d’introspection où l’on se posait de nombreuses questions existentielles. Mais c’est ce qui nous a permis de se créer des convictions vraiment fortes, aussi bien sur la fabrication en France, que sur nos engagements écologiques et solidaires. Et alors que nos concurrents se mettaient à disparaître parce qu’ils claquaient leur argent très rapidement, nous étions en train de travailler sur nos fondamentaux. ».

Puis le business a repris de manière très importante dès l’arrivée du COVID : « Notre modèle était parfaitement adapté à ce moment-là avec un produit simple à acheter en ligne, où nous n’avions pas de problèmes d’approvisionnement et un marché qui était dynamique. Et nous sommes restés depuis sur cette trajectoire. ».  Mais ce n’est pas parce que Tediber embrasse son statut de belle PME qu’elle n’a pas réalisé de levée de fonds. Julien Sylvain avait ainsi réalisé deux opérations en 2016 (1 million d’euros de seed auprès de 360 Capital) et 2018 (7,4 millions d’euros pour une série A auprès de 360 Capital et R-301 Capital) pour leur permettre d’atteindre rapidement une taille critique et trouver le point d’équilibre. « Je n’aurais pas pu réussir sans lever des fonds, reconnaît Julien Sylvain. Après j’ai eu la chance de lever auprès de fonds très bien. ». 
Des fonds qu’il cherche maintenant à faire sortir de son capital en multipliant les opérations de LBO. Cela a déjà été le cas en 2021 pour sortir un premier fonds.

« Les fonds, ce sont des partenaires financiers, résume Julien Sylvain à Maddyness. Je m’entends extrêmement bien avec eux, mais ils vont rechercher la performance financière et moi je recherche le développement long-terme de l’entreprise. Et ce n’est pas incompatible. Ils ont participé à une étape de la vie de Tediber et cette opération de LBO a permis de donner de la liquidité et de garder notre indépendance tout en permettant au fonds de prendre sa performance. ». 

Le CEO de Tediber voit très loin, la désignant comme la boîte de sa vie. Pour la suite de l’aventure, Julien Sylvain se verrait bien en Patagonia du repos, continuant d’innover pour faire les choses de manière unique. Il a d’ailleurs récemment participé à la co-création d’un collectif nommé Tricolore qui souhaite revaloriser la filière de la laine française, avec l’ambition de faire réintégrer cette matière dans la composition des matelas. Autrefois systématique, la présence de la laine n’est plus que dans 1 % du marché de la literie.