Malgré les vents contraires de l’économie, le tableau est loin d’être apocalyptique pour les jeunes pousses de la French Tech. C’est ce qui ressort de l’édition 2023 du baromètre sur la performance économique et sociale des startups, réalisé par France Digitale en partenariat avec le cabinet EY. Dans ce cadre, plus de 500 startups françaises ont été interrogées cet été. Un échantillon parmi les 13 000 jeunes pousses tricolores qui permet d’avoir une photographie de l’écosystème dans un contexte délicat sur fond d’inflation et de crise de financement qui frappe la tech.
La résilience des startups françaises est illustrée par un chiffre d’affaires qui a grimpé de 32 % entre 2021 et 2022 (9 points de plus qu’entre 2021 et 2020), notamment grâce à «un marché domestique solide et un développement international qui ne faiblit pas», relève France Digitale. Elles peuvent remercier les grands groupes qui représentent 60 % de leurs commandes. Cette dynamique devrait être amplifiée dans les prochains mois sous l’impulsion de l’initiative «Je choisis la French Tech», lancée en juin dernier pour flécher davantage la commande publique et privée vers les startups.
La rentabilité, une priorité pour 90 % des startups
Si avoir des revenus en hausse est évidemment une bonne nouvelle pour ces entreprises, encore faut-il qu’ils soient suffisants pour disposer d’une trésorerie assez robuste pour tenir durablement à défaut de pouvoir compter sur un robinet à cash qui ne coule plus à flot. Par conséquent, la rentabilité est désormais une priorité pour 90 % des startups tricolores, révèle le baromètre de France Digitale. 30 % des entreprises interrogées assurent même qu’elles sont d’ores et déjà rentables et 55 % espèrent atteindre la rentabilité d’ici trois ans.
Pour atteindre ce cap symbolique et décisif dans la vie d’une entreprise, les jeunes pousses doivent souvent revoir leur copie pour réduire leurs coûts et ainsi creuser leurs marges, ce qui ne passe pas nécessairement par une réduction des effectifs. En effet, 92 % des startups affirment vouloir continuer à recruter dans les douze prochains mois, quand seulement 8 % envisagent de procéder à des licenciements pour alléger leur masse salariale. Si ce pourcentage reste faible, il est cependant supérieur de 6 % par rapport à l’an passé. Au total, les startups représentent près de 1,1 million d’emplois internes (directs et indirects) en France, selon une étude de France Digitale et Actual Group.
Des levées de fonds beaucoup plus difficiles en série A
Si les licenciements ne devraient donc pas être légion dans la French Tech au cours des prochains mois, lever des fonds ne s’annonce pas cependant comme une partie de plaisir pour les startups françaises. En effet, seulement 4,2 milliards d’euros ont été levés au premier semestre 2023, soit 49 % de moins par rapport à la même période un an plus tôt. La moitié des startups ayant réussi à lever des fonds indiquent ainsi avoir rencontré des difficultés pour convaincre leurs investisseurs, au point même d’avoir envisagé d’autres leviers de financement, comme la dette. 7 % des jeunes pousses ont même carrément abandonné leur projet de levée de fonds face au marasme actuel. A noter que plus d'une startup sur trois n'a pas cherché à lever des fonds au cours des douze derniers mois.
Les startups les plus touchées par les difficultés de financement sont logiquement celles qui tentent de sortir de la phase d’amorçage. «Au cours des douze derniers mois, ce sont les startups qui ont cherché à clôturer une série A qui ont rencontré le plus de difficultés à trouver des investisseurs. Ce n’est pas étonnant : ce stade d’investissement est le plus risqué. Bien que les VC aient encore des capacités d’investissement (dry powder), ils accordent une attention plus importante aux capacités de mise sur le marché des solutions innovantes dans lesquelles ils investissent», analyse Maya Noël, directrice générale de France Digitale.
En revanche, le tableau est moins sombre pour les sociétés qui se situent à un stade de développement plus avancé. «Pour les startups plus matures (série D et +), les levées de fonds sont un peu moins difficiles, et les solutions alternatives (dette bancaire, autofinancement...) sont plus facilement envisageables. Encore faut-il qu’il y ait suffisamment d’investisseurs en capacité de s’engager. C’est pourquoi nous appelons au déploiement rapide de Tibi 2 et de Scale-Up Europe», lance Maya Noël. Ces deux initiatives doivent en effet permettre d’offrir une bouffée d’oxygène à l’écosystème pour continuer à grandir et faire émerger de potentiels champions européens de la tech.