C'est une levée de fonds record, et même la plus importante pour une startup française ! Verkor a annoncé avoir levé "au moins 850 millions d'euros" auprès d'investisseurs privés, et avoir réuni au total "plus de 2 milliards d'euros". Ce montant comprend une subvention publique d'environ 650 millions d'euros - sous réserve de la validation par la Commission européenne - ainsi qu'un prêt de 600 millions d'euros de la Banque européenne d'investissement. Avec ces fonds, la startup a franchi jeudi un pas décisif pour l'installation à Dunkerque de sa gigafactory de batteries. En subventionnant le projet, l'Etat espère faire monter en puissance l'industrie européenne de la voiture électrique face à la concurrence asiatique.

Cité dans un communiqué de l'entreprise, le président Emmanuel Macron "félicite" Verkor pour ce tour de table "historique" qui "envoie un signal fort sur notre ambition de réindustrialisation". "La France attire, se réindustrialise, décarbone son économie, crée des emplois !", a-t-il ajouté sur le réseau X (ex-Twitter). L'opération, "une étape très importante", valorise la start-up à "plus d'un milliard d'euros", a indiqué à l'AFP Benoit Lemaignan, cofondateur et président de l'entreprise.

L'Australien Macquarie Asset Management devient le principal investisseur de Verkor

Fondée en 2020, Verkor a inauguré fin juin à Grenoble son usine pilote de batteries à haute puissance et compte ouvrir d'ici 2025 son usine à Dunkerque - avec 1.200 emplois directs à la clé et une production initiale de 16 gigawattheures (GWh) par an. Les premiers travaux sont en cours. Le financement bouclé "donne une bonne visibilité" pour "construire l'usine, faire venir les machines, monter l'équipe et démarrer", détaille le responsable. Verkor est suivi de près par le gouvernement français. Erigée en un des symboles de la réindustrialisation, l'usine doit aider l'industrie automobile française à atteindre l'objectif de deux millions de voitures électriques produites en France en 2030, après de longues années de délocalisations.

Le tour de table a été large : le gestionnaire d'actifs australien Macquarie Asset Management est "principal investisseur", "avec l'appui" de Meridiam, fonds français spécialisé dans les infrastructures, qui a précisé à l'AFP avoir versé 200 millions d'euros. Ces deux entités deviendront les premiers actionnaires, selon l'Elysée. Le Fonds Stratégique de Participations (FSP), alliance de sept grandes compagnies d'assurance françaises, a également "réalisé un investissement majeur", selon un communiqué d'ISALT, la société gestionnaire du fonds. "C'est un investissement très symbolique de ce que peut être la question de la réindustrialisation en France avec une industrie de pointe", a expliqué à l'AFP Nicolas Dubourg, directeur général du FSP.

Plusieurs actionnaires existants ont contribué à nouveau, notamment le constructeur automobile Renault, qui s'était déjà engagé à acheter les trois quarts de la production de Verkor. Les batteries produites à Dunkerque seront notamment utilisées dès 2025 dans les futurs modèles Alpine "ainsi que des véhicules des segments supérieurs de la gamme Renault", a indiqué le patron du groupe, Luca de Meo, dans le communiqué. "Nous n'avons pas vocation à ne fournir que Renault", a toutefois indiqué Benoît Lemaignan. Cette "gigafactory" répond à "un besoin de marché à court terme" tout en bâtissant "un outil industriel qui va durer des dizaines d'années", assure-t-il, qualifiant les batteries de "pétrole de demain dans la mobilité".

4 usines de batteries dans le nord de la France

Actuellement, la fabrication des batteries et le raffinage des matériaux qui les composent sont dominés par des groupes asiatiques. Mais Verkor n'est pas seule à s'installer en France : le fabricant taïwanais ProLogium a obtenu une subvention de 1,5 milliard d'euros pour sa première usine, à Dunkerque également, avec une ouverture prévue pour 2026. Cent kilomètres au sud, à Douvrin (Nord), Stellantis, TotalEnergies et Mercedes ont implanté la première usine de batteries française pour voitures électriques, avec leur coentreprise Automotive Cells Company (ACC). Et Renault doit ouvrir sa propre usine avec le groupe chinois AESC-Envision en 2024, également dans le Nord, à Douai.

"On est en train de constituer une vraie vallée des batteries" avec quatre usines qui "permettront à la France d'être autonome en matière de production de batteries", s'est félicité la présidence française. En Allemagne, le géant chinois CATL a lancé la construction d'une usine en 2019. Le soutien public montre que l'Europe est "capable de soutenir cette industrie" au même titre que les Etats-Unis avec l'Inflation Reduction Act (IRA), a estimé le patron de Verkor. "On n'a pas à rougir" sur les montants, mais "la vitesse de mise en route américaine est probablement aujourd'hui significativement plus rapide", juge Benoît Lemaignan. "Le pragmatisme américain doit nous interpeler."