Fondé en 2017 par Jean-Sébastien Decaux, Terre & Fils est une structure philanthropique hybride qui œuvre à la revitalisation des savoir-faire dans les territoires ruraux. Agissant depuis ses débuts à travers un fonds de dotation, Terre & Fils s’est doté en 2019 d’une société d’investissement. Un système qui lui permet d’agir de manière complémentaire auprès des associations et des entreprises. À la même période, Laure Lignon a rejoint l’aventure en tant que directrice générale. Maddyness l’a rencontrée.

La céramique en Bourgogne, le jouet en bois dans le Jura, la filière du bois dans le Morvan, celle du lin en Normandie... Tous ces savoir-faire sont les produits de l’histoire et de la géographie de nos territoires. « C’est pour protéger cela et créer un fil entre le passé, le présent et le futur, que Jean-Sébastien Decaux a créé Terre & fils », commente Laure Lignon.

Terre & fils, un écosystème vertueux qui mêle mécénat et investissement

Le fils de Jean-Claude Decaux, avait à cœur de mettre son action sous le sceau de l’intérêt général, et a donc initié son activité en créant un fonds de dotation. « La particularité de ce patrimoine, en comparaison au patrimoine bâti par exemple, est qu’il est majoritairement détenu par des entreprises », souligne Laure Lignon. Le fonds de dotation étant tourné vers le soutien aux associations d’intérêt général, la création de la société d’investissement evergreen s’est alors imposée. Un détail qui a son importance, la société d’investissement est détenue par le fonds de dotation. Une particularité qui, aux yeux de Laure Lignon, donne de la crédibilité à l’engagement de Terre & Fils.

Pour la directrice générale, les deux activités sont complémentaires : le fonds de dotation Terre & Fils fédère des acteurs de l’intérêt général et soutient des initiatives qui valorisent et développent les savoir-faire locaux ; la société d’investissement Terre & Fils Investissement accompagne des PME françaises qui placent le savoir-faire local et l’impact territorial au cœur de leur activité et reverse ses bénéfices au fonds de dotation. « Cette alliance singulière conjuguant mécénat et investissement vise à créer un écosystème vertueux au service d’un développement soutenable des territoires », commente Laure Lignon, qui partage son temps entre la direction du fonds de dotation et celle de la société d’investissement.

À ce jour, Jean-Sébastien Decaux est l’unique mécène et financeur de Terre & Fils. « À terme, nous avons envie d’ouvrir notre capital à d’autres investisseurs pour répondre à nos ambitions », confie Laure Lignon.

Mettre en valeur les savoir-faire

« Notre thèse d’investissement est bâtie sur deux convictions. Tout d’abord, les savoir-faire locaux ne doivent pas uniquement être conservés dans des musées, ils doivent évoluer pour répondre aux enjeux contemporains. Ensuite, ils doivent s’inscrire dans une logique de filière, il faut un effet de masse pour que les initiatives fonctionnent », partage Laure Lignon.

Terre & fils Investissement se concentre sur deux types d’entreprises : les productives, celles qui détiennent le savoir-faire, et les catalyseurs, celles qui peuvent avoir un effet d’accélération sur la coopération et la transformation d’une filière. On retrouve par exemple La Racine, un studio de marketing spécialisé dans le développement des savoir-faire. La société d’investissement se concentre sur les savoir-faire manufacturiers ou exploitant des ressources naturelles locales.

Terre & Fils investissement accompagne des entreprises en phase de développement en investissant en minoritaire des tickets d’environ 500.000 euros. « Nous avons des entreprises d’âges très différents. Certaines sont jeunes, et d’autres, comme la manufacture de Couleuvre dans l’Allier, datent du XVIIIᵉ siècle ! », indique Laure Lignon. À ce jour, le portefeuille compte sept participations, dont la première est 1083, une marque de jeans fabriqués en France.

Un impact économique, environnemental et social

Terre & fils Investissement s’attache à ce que les sociétés qu’elle accompagne aient leur propre outil de production et développent le savoir-faire sur leur territoire d’origine. « C’est de cette manière que nous aurons un impact sur la culture locale et la cohésion sociale », commente Laure Lignon. « L’impact socioculturel est trop souvent l’angle mort des démarches d’impact, car il est difficile à mesurer », ajoute-t-elle.

« Nous avons également un impact économique sur le territoire, mais aussi un impact environnemental grâce à la relocalisation. En changeant le regard sur la fabrication, nous pourrons avoir un impact sur les modes de consommation et aller vers des objets plus durables », partage Laure Lignon. « La rentabilité reste bien sûr un objectif que nous cherchons à approcher, car elle est pour nous synonyme de pérennité », confie-t-elle.