Début avril, la mairie de Paris a pris la décision, suite à un référendum, d’interdire les trottinettes électriques en libre-service. Jugées tour à tour trop nombreuses ou trop dangereuses, elles étaient devenues “indésirables” pour nombre d’habitants de la capitale. Mais depuis, comment se porte le marché des mobilités douces ? L’interdiction a-t-elle eu des effets dévastateurs sur les startups françaises des trottinettes ou vélos électriques ? En interrogeant des acteurs du secteur, nous nous sommes aperçus que certaines, parmi elles, se portaient bien. Peut-être même mieux que jamais.

L’interdiction des trottinettes en libre-service dans les rues parisiennes a eu un effet indéniable sur les sociétés les commercialisant. A l’époque du référendum, Challenges chiffrait les pertes à venir pour les géants du secteur comme Lime, Dott ou Tier, à 60 millions d’euros environ. Ces entreprises ont tenté de contrer le phénomène comme elles le pouvaient, et notamment en se diversifiant : "Toutes se sont immédiatement tournées vers les vélos", a pu observer Driss Ibenmansour, fondateur de la startup de location de vélos au mois Motto. "Ils ont annoncé vouloir mettre beaucoup plus de deux-roues en libre-service, pour évidemment tenter de maintenir leur chiffre d’affaires.".

Motto a elle-même “capté une partie de cette clientèle”. "Nous avions déjà des utilisateurs qui louaient nos vélos au mois, et utilisaient parfois aussi des trottinettes. Même s’il est trop tôt pour parler d’une forte hausse - l’interdiction n’ayant été appliquée qu’à partir de septembre -, ce que nous avons pu constater, c’est que le nombre d’utilisations moyennes de nos vélos avait bien augmenté depuis", précise Driss Ibenmansour.

Les trottinettes électriques , des “jouets sous stéroïdes”

Quant aux trottinettes, on a pu observer dans le secteur d’autres transformations. Le nombre de ventes aurait tendance à stagner, voire diminuer légèrement depuis quelques années (-16 % entre 2021 et 2022 selon la Fédération des professionnels de la mobilité). Mais Julien Vaney, d’Urban Native, qui commercialise une machine à mi-chemin entre la trottinette classique et le scooter électrique, remarque que cette baisse touche surtout le bas de gamme… alors que les modèles les plus techniques (et onéreux) feraient recette. "Nous sommes loin de l’effondrement du marché, au contraire, c’est le début d’une vague, avec des prix de vente moyen en hausse par rapport à ce qu’on observait il y a quelques années", avance-t-il.

Pour Julien Vaney, les trottinettes en libre-service posaient de toute façon de réels problèmes. A commencer par le manque de contrôle qui aurait transformé certaines villes en “dépotoir à trottinettes”, régulièrement repêchées dans les fleuves et canaux… et de ce fait plutôt polluantes.

Surtout, il les compare volontiers à des “jouets sous stéroïdes”. Elles seraient des machines mal industrialisées, produites en grandes quantités et très vite sans matériaux de qualité, faites de bric et de broc… qui nuiraient finalement plus qu’autre chose à l’image des trottinettes. Passionné par l’innovation technologique et le potentiel de ce mode de transport doux, il se réjouit du fait que des startups tricolores comme la sienne aient désormais plus de place pour briller au soleil, et puissent contrer la “mauvaise presse” qu’elles subissaient jusqu’alors.

Même si nos deux interlocuteurs ne nient pas l’existence des défis à venir, comme le risque de saturation du marché des vélos en libre-service, l’amélioration à prévoir de certaines voies de circulation, la cohabitation entre utilisateurs ou encore le manque regrettable de parkings, ils sont unanimes sur ce point. L’interdiction des trottinettes électriques en libre-service aurait presque eu un effet positif sur certaines startups françaises. "De gros acteurs détenaient un quasi-monopole sur le sujet, confirme Driss Ibenmansour. Désormais, les plus petits sont davantage encouragés.".