En mars 2023, les faillites de Silicon Valley Bank (SVB) et Signature Bank ont donné des sueurs froides aux entrepreneurs des deux côtés de l’Atlantique, tant ces deux banques étaient importantes pour l’écosystème tech. Mais pas seulement : le risque de contagion a inquiété tout le système bancaire, avec une menace en Europe sur le Crédit Suisse.

Les choses sont pourtant revenues rapidement à la normale : Signature Bank, à New York, a été rachetée en quelques jours, tandis que SVB a finalement été absorbée par First Citizens Bancshares. "Aucun client n’a perdu d’argent, tous les fonds ont été garantis. Aujourd’hui, nous continuons à travailler avec l’acquéreur de Signature Bank, Flagstar Bank. SVB, par contre, n’a pas changé de nom : quand on leur en parle, les clients ne sont pas prêts", explique Laurence Ruiz, du cabinet comptable Orbiss, basé à New York.

Une situation plus complexe pour les étrangers

Malgré cette issue positive, la tâche s’est pourtant complexifiée pour les entrepreneurs étrangers qui souhaitent s’implanter outre-Atlantique : SVB et Signature Bank étaient les rares à les accepter, pour des raisons de conformité. "Nous avons fait le tour des banques américaines. Quelques-unes se sont montrées prêtes à travailler avec des étrangers, mais avec des conditions souvent compliquées pour nos clients", regrette Laurence Ruiz. Parmi celles-ci, Mercury, une néo-banque qui gère les dépôts de base, ou Wise, spécialiste du change, qui propose aussi des comptes bancaires, mais sans avoir toute la palette de services d’un SVB.

L’épisode a aussi changé la gestion des risques chez les startups implantées de l’autre côté de l’Atlantique : "quand c’est possible, nous avons pris l’habitude d’ouvrir des comptes dans plusieurs banques pour répartir les risques", explique-t-elle, alors qu’aux Etats-Unis, les fonds sont garantis par le gouvernement à hauteur de 250.000 dollars par établissement bancaire.

Une nouvelle appréhension des risques financiers

En Europe également, la prudence est de mise : "les boards ont commencé à interroger le management sur leur exposition aux risques financiers, en tout cas dans les semaines qui ont suivies la crise et des politiques de placement et de gestion des risques ont été mises en place", constate ainsi Anne-Charlotte Rivière, associée au sein du groupe Technologies et Life Sciences de Goodwin.

Une nouvelle donne que la fintech iBanFirst a bien intégrée, même si la faillite de SVB n’a eu aucun impact sur son activité : "nous sommes un PSP [Prestataire de services de paiement], ce qui signifie que l’argent de nos clients est protégé dans nos banques partenaires. C’est une information décisive, qui, en période de mer calme, n’était pas exploitée à son plein potentiel", explique le directeur communication de l’entreprise, Matthieu Chaigne. Depuis, la fintech réalise un travail de pédagogie sur ce sujet auprès de ses clients, tout en sensibilisant largement ses commerciaux sur ce point.

Un avant-goût des crises à venir ?

Finalement, les faillites de SVB et de Signature Bank ont surtout eu une portée symbolique : elles ont matérialisé très concrètement l’entrée dans une nouvelle ère pour les startups. "Avant le choc SVB, la période d’euphorie des levées de fonds semblait déjà terminée et les levées se compliquaient. Aujourd’hui, la crise est bien installée", constate Anne-Charlotte Rivière, qui ajoute : "aux Etats-Unis, l’inquiétude porte désormais sur les banques locales, qui sont particulièrement exposées sur les financements immobiliers. Les préoccupations semblent être passées d’une crise “startup” à une crise immobilière.".

À plus long terme, "cette crise a montré l’enjeu central qu’est la confiance", estime pour sa part Matthieu Chaigne. "Les boîtes de la tech comme les grands groupes sont entrés dans une nouvelle ère réputationnelle. Leur marque peut être attaquée à une vitesse fulgurante. Ce n’est qu’un début : alors que l’intelligence artificielle va encore décupler le volume des informations, la propagation des rumeurs va s’intensifier. Il faut s’y préparer.".