Créée en 2015, la startup Cerbair s’est rapidement imposée comme l’un des leaders français de la lutte anti-drone grâce à ses solutions de détection et de neutralisation par brouillage. Devenue rentable fin 2022, l’entreprise prévoit de doubler ses effectifs dans les vingt-quatre prochains mois (passant de 30 à 60 personnes) avec un grand focus sur la conquête de nouveaux marchés.

Rien ne semblait pourtant promettre Lucas Le Bell à cette trajectoire. Il n’avait d’ailleurs pas véritablement de velléité à devenir chef d’entreprise. En effet, l’homme venait de faire de la gestion de fortune pendant les deux dernières années. C’est là qu’il se frotte pour la première fois à ce monde des startups. « On gérait la fortune de beaucoup d’entrepreneurs, explique-t-il à Maddyness. On est donc amené à se rapprocher d’eux et à découvrir leurs parcours. Cela m’a fasciné. » Quand il quitte son poste, il a la certitude de vouloir se lancer dans l’entrepreneuriat et dans la tech.

Un coup de foudre professionnel à l’origine de Cerbair

Il croise alors le chemin de Olivier Le Blainvaux, directeur général du Technofounders, un startup studio spécialisé dans la Deep Tech. Lucas Le Bell décrit cette rencontre comme étant un coup de foudre professionnel, une évidence. L’entrepreneur a toujours été passionné par les sujets de défense :  « Quand on aime la technologie, que l’on est geek, un salon d’armement est un condensé d’innovation de pointe. Cela donne un avant-goût de ce que l’on verra apparaître dans le civil des années plus tard, que ce soit les exosquelettes, les drones, l’espace, etc. »

En 2015, les premiers survols intrusifs de drones au-dessus de sites sensibles ont lieu en France, que ce soit au-dessus de l’Élysée, de bases militaires ou de sites nucléaires.
Il voit soudainement une opportunité de retrouver sa passion de jeunesse pour l’univers militaire, en développant des moyens de lutte anti-drone à des fins de défense.  « On sert un objectif très noble, explique-t-il. On ne fait pas de létal, on ne blesse pas des humains et même bien au contraire lorsque l’on réussit nos missions, on vient sauver des vies. »

Cerbair était né. D’abord en mode garage pour ses balbutiements, l’entreprise va atteindre une première étape majeure en 2018 quand MBDA, le géant de l’armement de l’aérospatiale, entre à son capital. Cerbair va alors rencontrer son marché en venant collectionner les références parmi lesquelles Thales, la Police Nationale (avec notamment le RAID), le groupe ADP, Naval Group, etc. L’entreprise va pourtant connaître une récente accélération : « On a eu une année 2022 exceptionnelle où l’on a ramassé de nombreux marchés étatiques français, annonce Lucas Le Bell. Que ce soit le ministère des Armées, le ministère de la Justice, et différents clients auprès du ministère de l’Intérieur. »

Un financement non-dilutif avant un prochain tour de table

Depuis fin 2022, Cerbair peut afficher la rentabilité grâce à cette succession de nouveaux clients. L’entreprise se voit pourtant présenter un nouveau défi. Touchée de plein fouet par la crise des composants électroniques, elle doit trouver des solutions pour continuer à livrer ses clients en temps et en heure :  « Face à la menace des drones qui est aujourd’hui très présente, nos clients veulent être livrés le plus rapidement possible. Or, nous avons des délais d’approvisionnement qui dépassent un an sur certains composants. Il nous faut prendre des risques et nous pré-approvisionner pour honorer des commandes à venir. Cela fait exploser notre besoin en fonds de roulement. C’est dans ce cadre que nous avons réalisé une opération de financement non-dilutif. »

Cerbair contracte ainsi un crédit significatif auprès de la Banque Postale et de la Société Générale, le tout étant contre-garantie par Bpifrance. Un mode de financement que Lucas Le Bell ne connaissait pas avant 2020.  « Après trois opérations de financement dilutif, j’ai des contraintes. Je dois veiller à ne pas diluer de façon trop importante le capital. Nous sommes encore dans une période de tension au niveau des levées de fonds tech et je devais donc examiner des solutions alternatives. Le premier article que j’ai lu sur le sujet, c’était d’ailleurs sur Maddyness. »

Il découvre alors l’existence de la BU TECH de La Banque Postale et rencontre son équipe : « J’ai eu un très bon contact avec eux. Ils ont une sensibilité à notre industrie et la communication a été très fluide. C’était très important d’avoir des gens qui nous comprenaient véritablement puisque s’il y a une asymétrie d’information entre les deux parties pré-transaction, cela va créer une défiance qui pourrait faire capoter un deal. Ici, j’ai rencontré des personnes qui ont une expertise très pointue sur les sujets technologiques. »

« Cette opération est importante pour la BU Tech, précise son directeur Nizar Dahmane. Car la souveraineté technologique présente un intérêt stratégique pour La Banque Postale, la solidité du modèle d’affaires et du management de Cerbair est au cœur de l’ADN de la BU Tech. » Cela n’empêche pourtant pas Lucas Le Bell de préparer les modalités d’une nouvelle levée de fonds traditionnelle.

« Nous nous approchons du neuvième anniversaire de Cerbair et nous avons des investisseurs de la première heure qui veulent assurer une rotation de leur capital. C’est un nouveau chapitre qui s’ouvre devant nous, et l’on cherche donc à profiter de la sortie de ces actionnaires pour aller chercher de nouveaux actionnaires stratégiques pour nous permettre de réaliser notre roadmap de consolidation dans la guerre électronique, en allant notamment au-delà du drone, et le projet de croissance que nous menons. Cette opération financière sera donc la conséquence d’un changement stratégique. Il y a des gens qui veulent sortir, d’autres rentrer, et nous avons une mission à réaliser… le financier sera juste le moyen de catalyser tout cela.»