Si les développements technologiques relatifs à l’IA ont été initiés depuis de nombreuses années, la prise de conscience mondiale du potentiel et des risques de cette technologie revient au lancement de l’agent conversationnel ChatGPT, robot basé sur un modèle fondationnel (LLM – Large Language model) permettant la génération de texte en réponse à des questions posées par les utilisateurs.

La France souhaite s’emparer du sujet l’IA dite « générative » et agir pour aller au-devant de cette révolution technologique. C’est en ce sens que la Première ministre a installé le 19 septembre, sous le pilotage de Bruno Le Maire et Jean-Noël Barrot, un conseil stratégique co-présidé par Anne Bouverot et Philippe Aghion et composé de 14 experts chargés de formuler des recommandations de politiques publiques relatives aux enjeux structurants posés par l’IA générative, à la fois au plan économique, technologique, social et sociétal. Leur éclairage sera précieux sur ces questions d’ensemble.

Sur le plan économique, la stratégie nationale pour l’IA a déjà donné lieu au développement en France de solutions compétitives dans les domaines de l’IA embarquée, de confiance et frugale ; celle-ci doit désormais s’adapter à l’émergence de l’IA générative. Nous poursuivrons pour cela, sous la direction du ministre Bruno Le Maire, quatre axes de travail dans les prochains mois afin de renforcer notre souveraineté économique.

La France doit être un hub de création pour l’IA générative

Premier axe, la France doit se positionner comme un hub de création pour l’IA générative. Le président de la République a annoncé à Vivatech en juin le lancement d’un Grand Challenge autour des modèles fondationnels, pour faire émerger et accompagner les pépites parmi les acteurs ayant développé une expertise, comme la toute récente startup Mistral – exemple de cette dynamique - qui vient d’annoncer le lancement de son propre modèle de fondation « 7B », 4 mois seulement après sa levée de fonds.

Dans cette compétition sur l’IA générative, notre pays a de réels arguments à faire valoir : le talent et les compétences de nos chercheurs et ingénieurs est reconnu, illustré par la présence de nombreux Français au sein des grands acteurs du secteur ( OpenAI, Meta ou Google ) et leur participation au lancement d’initiatives comme le projet BigScience, qui avait fait émerger le modèle de langage BLOOM avant même la sortie de ChatGPT. En outre, l’écosystème français est dynamique, comme en témoignent la création de la communauté francophone Open-LLM ou encore le lancement par l’entreprise parisienne LightOn de sa plateforme d’intégration de l’IA générative pour les entreprises, Paradigm.

Le deuxième axe consiste à disposer des moyens nécessaires et de qualité pour l’entraînement des modèles en favorisant leur mise en commun.

Tout d’abord en permettant aux entreprises d’accéder à de la capacité de calcul. Pour y arriver, il nous faut développer et augmenter nos capacités souveraines existantes, à travers la consolidation d’offres européennes – publiques et privées - de calcul haute performance spécialisées pour l’IA et la réservation de capacités pour les startups et acteurs émergents de l’Union européenne. Ensuite, en soutenant le développement de bases de données de qualité et la constitution d’espaces de données européens dans les secteurs stratégiques (santé, industrie, agriculture, finance, mobilité, green deal, énergie, administration publique, langage et compétence).

L’Etat s’est déjà engagé, avec le soutien aux projets de mises en commun de base de données francophones dans le cadre du traitement automatique du langage (TALN) portés notamment par la cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts et la mise à disposition du supercalculateur Jean Zay.

Une réglementation fondée sur le risque lié à l’utilisation de l’IA

Le troisième axe consiste à encourager le développement et l'incorporation des solutions d'IA générative au sein des modèles économiques des entreprises. Les cas d’usage des modèles génératifs permettent de nouvelles formes d’automatisation de processus jusqu’ici intellectuels avec de potentielles valorisations dans des agents conversationnels spécialisés, des modèles pour la recherche et développement biologique et médicale, le traitement automatisé de contrats ou d’analyse juridique pour les métiers du droit qui devrait permettre de consolider l’offre des « legaltech » françaises ou encore la génération d’images ou de vidéos pour les métiers créatifs.

Nous comptons ainsi soutenir le déploiement de l’IA générative dans notre tissu économique et en particulier la mise en place de démonstrateurs d’usages sur des secteurs tels que l’automobile, l’aéronautique ou l’énergie ainsi que la formation de professionnels spécialisés afin d’accompagner les entreprises dans leur intégration.

Quatrième axe, indissociable de notre politique de soutien à l’offre, nous prônons une politique de régulation équilibrée, protectrice des droits fondamentaux et de la capacité d’innovation des acteurs, notamment dans le cadre des négociations du règlement IA européen. En particulier, du fait de l’évolution rapide des technologies d’IA, nous souhaitons privilégier une réglementation fondée sur le risque lié à l’utilisation de l’IA (désinformation, scoring social, deepfakes, etc.) et non sur la technologie elle-même. Ces principes de réglementation, pour être efficaces, devront être partagés au niveau international dans le cadre des négociations en cours du G7 qui visent à approfondir les engagements déjà pris par les acteurs américains.

Les prochains mois seront déterminants pour créer cette dynamique en France et en Europe et nous positionner résolument en acteurs de la révolution de l’IA générative. Les travaux du nouveau conseil stratégique pourront capitaliser sur les travaux engagés et les atouts de notre écosystème pour soutenir cette ambition.