Aujourd’hui, les visios préemptent les agendas de nombreux salariés : en moyenne, un employé assiste à 17,7 réunions par semaine, en virtuel ou en présentiel. 2,5 millions de dollars de perte par an seraient imputés aux réunions dites inutiles pour une entreprise de 100 collaborateurs. Le compteur grimpe à 100 millions de dollars au-delà de 5.000 salariés. Comment arrêter ce tonneau des Danaïdes ? Probablement en commençant par prendre la mesure des dégâts.

Plusieurs outils existent : le Meeting Cost Calculator proposé par la revue Harvard Business Review ou encore le Meeting-Meter, aussi dénommé Picsou, développée par Louis Vareille, réunologue et auteur de “La réunionite ça suffit !” (éditions Eyrolles), et la startup Roti.express. Autre option plus radicale : anéantir les meetings comme le promeut la culture Alan. À mettre tout de même en perspective à la lumière de la dernière enquête de Comet & Yougov : 62 % des Français plébiscitent l’utilité des réunions alors qu’ils étaient 86 % à penser l’inverse en 2022. La réunion n’est donc pas morte… mais, pour survivre, elle doit faire sa mue. Voici 6 pistes pour mener des réunions plus performantes.

Faire un état des lieux des pratiques existantes

Avant de se lancer dans une refonte des réunions, Louis Vareille insiste sur l'importance de passer par une phase de diagnostic : « J’observe d’abord les pratiques du CODIR ainsi que celles des équipes. Parallèlement, une enquête interne est lancée auprès des salariés afin de faire émerger les dysfonctionnements perçus. ». Puis une cartographie des typologies de réunion est réalisée afin d’établir un coût moyen annuel permettant d’estimer les enjeux financiers, “souvent colossaux”. Ce bilan met en évidence les premiers axes d’amélioration et de changement.

Ponctuer la réunion en différents temps forts

L’idée est de s’inscrire dans une approche séquentielle : « Une phase amont qui permet de concevoir la réunion en partant de son objectif et de sélectionner les participants nécessaires. Une fois réunies, un lancement bien rythmé mobilise et rassure les personnes présentes. Suit l’animation proprement dite et un temps de clôture pour que chacun parte en sachant ce qu’il a à faire », explique Louis Vareille. Au sein de Comet, la “Cométhode”, un recueil d’une soixantaine de conseils autour des réunions, s’articule autour de cette démarche temporelle.

Résultat ? Le temps collectif est mieux cadré avec un ordre du jour et des objectifs explicites. Certains documents sont partagés en amont sur Slack ou Teams afin que les participants puissent y contribuer. Ainsi, le temps de réunion effectif est directement consacré à un partage d’idées afin d’en faire une collaboration fructueuse. Quant au récapitulatif opérationnel, il est réalisé en séance, puis envoyé à la clôture pour une prompte mise en mouvement.

Convier le bon nombre de personnes

Les réunions à 10, 15 voire 20 personnes sont certes conviviales… mais sont-elles efficaces ? Pas selon Jeff Bezos qui suit la règle des deux pizzas : à savoir, ne jamais faire de réunion où deux pizzas ne suffisent pas à nourrir les participants. Sébastien Joarlette, Manager expert en excellence managériale au sein d’Oresys, émet une réserve sur ce “nombre d’or”, une manière trop absolue de normer les réunions : « Il est préférable de s’interroger sur la pertinence et l’utilité des personnes que l’on invite. Et faire de même lorsque l’on est convié à une réunion. ». Autre possibilité proposée par Claire Robert du Boislouveau, responsable communication au sein de Comet : « Quand cela s’y prête, j’interviens à un meeting pour un temps délimité. L’incursion évite de bloquer inutilement des créneaux trop longs.».

Responsabiliser les participants de la réunion

Pour rendre les réunions plus engageantes, la “Cométhode” promulgue un conseil : attribuer des rôles aux participants, une dynamique issue des processus délégués d'Alain Cardon, coach systémique. Si les rôles diffèrent d’une organisation à une autre, on retrouve communément un facilitateur-animateur et un gardien du temps qui limite les digressions. Également, le “pousse décision” dont le rôle est d’aider le groupe par la reformulation et il prend aussi les notes. Puis le coach conseil qui observe afin d’émettre un feedback en fin de séance. Pour encourager le déploiement et la circularité des rôles, Comet a créé un jeu de cartes : « En début de session, les rôles sont attribués de manière ludique. L’objectif est d’expliciter le périmètre de chacun », explique Claire Robert du Boislouveau.

Éviter les réunions à rallonge

Chez Oresys, la durée et le format des réunions ont été revus pour deux raisons : « D’abord, notre niveau d’attention décroît naturellement au bout de 50 minutes. Puis la loi de Parkinson nous apprend que plus nous avons de temps, plus on en prend », souligne Sébastien Joarlette. Cela se traduit notamment par des points de 30 minutes de type stand-up meetings (réunions debout).

Du côté de Comet, les invitations ont été paramétrées dans Outlook pour ne pas dépasser 45 minutes. Les équipes ont aussi éprouvé deux pratiques ludiques pour maintenir la cadence : « Si la réunion débute en retard, l’équipe choisit collectivement un gage pour le retardataire. Puis, si une personne n’est pas pleinement attentive (lecture d’emails, de sms…), n’importe qui peut mentionner le code “panda roux” : un recadrage doux qui invite la personne concernée à se re-concentrer », décrit Claire Robert du Boislouveau.

Évaluer pour progresser en continu

L’utilisation de la méthode R.O.T.I ( Return On Time Invested) permet d’évaluer le retour sur le temps investi en groupe : sur une échelle définie, chaque participant vote à main levée. « L’application Roti.express est une bonne solution digitale pour évaluer la réunion. En complément, il semble essentiel de prévoir un temps de parole individuel pour que chacun puisse communiquer son ressenti et faire part d’un axe d’amélioration concernant la session », insiste Louis Vareille. Ce “rebouclage”, inspiré de la méthode Agile, est également adopté par les équipes Oresys via l’acronyme 2AIS : « À la fin des réunions ou des ateliers, nous posons 4 questions : Qu’avez-vous aimé et appris ? Qu’est-ce qui vous interroge et qu’est-ce que vous suggérez ?», explique Sébastien Joarlette. Concernant Comet, un “lab” interne pour optimiser la réunion a été lancé : les équipes testent pendant une année une dizaine de pratiques issues de la “Cométhode”.