Les métiers de l’IT toujours très recherchés

Après deux années post-covid porteuses pour les métiers de l’IT, la vague de licenciements qui a suivi au sein des GAFAM interroge : l’âge d’or des métiers de l'informatique serait-il terminé ? En effet, bénéficiant d’un véritable déséquilibre entre l’offre et la demande, les candidats aux postes n’ont pas hésité ces dernières années à négocier à la hausse leurs salaires. La nouvelle étude de Michael Page Technology permet de bénéficier d’un prisme de lecture de la réalité du terrain. 

« Certains métiers de l’IT sont en très forte tension. D’autres le sont aujourd’hui un peu moins : le marché s’est normalisé sur certains métiers. » affirme Sacha Kalusevic, Directeur Senior Michael Page Technology. « Il s’agit notamment des métiers de premiers niveaux, tels que les techniciens ou encore le support IT. Mais de façon générale, surtout en cybersécurité, il existe une vraie pénurie de compétences. En effet, le nombre d’experts formés est encore insuffisant, et ceux qui suivent aujourd’hui des formations mettront encore quelques années à être opérationnels sur le marché du travail,  augmentant le risque d’obsolescence des compétences qui est déjà fort sur ce marché. ».

« Chez les GAFAM, on sort d’une période euphorique pendant laquelle ils ont trop recruté. Il s’agit d’une correction pour revenir à un niveau opérationnel plus cohérent.» affirme Claire Lecocq, DG Epita Paris et DGA de l’Epita. « Nous restons en tension sur les technologies les plus avancées et les plus disruptives (arrivée des modèles d’IA, LLM). Mais la maturation progressive des outils d’IA permettra certainement de remplacer, à moyen terme, les métiers de cols blancs dont les tâches et les conversations sont simples, décomposables et automatisables. Il est donc stratégique de faire émerger de nouveaux métiers, plus complexes, demandant plus d’expertise (maths, maîtrise techno, architecture), mieux rémunérés, moins accessibles. »

Du fait de la transformation numérique, et de son impact persistant, les entreprises ont cependant toujours besoin de nouveaux profils tech au sein de leurs équipes. Ainsi, les développeurs web et applicatifs, les Chefs de Projet SAP/Salesforce, les Ingénieurs Cloud, les Ingénieurs Data & Machine Learning ainsi que les Ingénieurs Cybersécurité tirent leur épingle du jeu. 

« Il est intéressant de voir apparaître dans cette liste le poste de Chef de Projet SAP/Salesforce. » affirme Maya Noel, Directrice Générale de France Digitale. « SAP et Salesforce sont des outils qui ont su devenir tellement incontournables qu’ils ont développé autour d’eux tout un écosystème d’entreprises et d’experts » . 

« En ce qui concerne les ingénieurs data et machine learning, ces métiers abordent les conceptions des architectures et la façon d’analyser les données qui sont nouvelles. Ils nécessitent des capacités de compréhension de besoin métier, de mathématiques, de statistiques, de design d’architecture à fort volume de très haut niveau. » complète Claire Lecocq, DG Epita Paris et DGA de l’Epita. « La dimension fertile de la donnée est extrêmement puissante : on la réutilise pour apprendre des choses sur l’utilisateur, comprendre des éléments sur l’entreprise et alimenter l'amélioration continue, augmenter la performance, affirmer la compétitivité. Tous les secteurs [vont bénéficier de ses usages] ».

Un contexte économique incertain freinant les hausses de salaires

Selon l’étude de Michael Page Technology, les profils qui devraient bénéficier du contexte de pénurie, et des hausses de salaires inhérentes, sont les ingénieurs cloud, les ingénieurs devOps et les pentesters. Elle constate néanmoins que les hausses de salaires ralentissent, voire pourraient stagner en 2024, du fait d’un climat économique incitant à la prudence financière (incertitudes économiques, inflation, hausse des taux d’emprunt, …). 

« La pénurie crée l’inflation sur les salaires. » résume Sacha Kalusevic, Directeur Senior Michael Page Technology. « Cependant, cette situation était très vraie en 2022, elle est vraie en 2023, mais le sera-t-elle en 2024 ? Il est possible que l’on arrive sur une stabilité, sans grande inflation ».

L’étude rappelle que le salaire n’est, cependant, pas le seul élément qui intéresse les futurs collaborateurs de l’entreprise. En effet, les sociétés font face à une demande de full remote de plus en plus importante. De même, la quête de sens, la formation, les certifications et la flexibilité reviennent généralement dans les exigences des candidats.

Enfin, en termes de féminisation, il convient de constater que les équipes restent encore peu paritaires. Du fait de ce déficit, l’étude constate qu’à compétences égales, sur des postes d’expert et de manager, les femmes peuvent envisager d’être mieux payées que les hommes, preuve d’une volonté des organisations d’attirer des candidates.

« Nous observons de la part de nos clients une volonté de féminiser leurs équipes. » affirme Sacha Kalusevic, Directeur Senior Michael Page Technology. « Dans les grands groupes, dès qu’une femme a les compétences IT qu’ils recherchent, les entreprises vont aller à la surenchère, voire dépasser leur grille de salaire pour attirer ce profil et ainsi répondre à leurs enjeux de parité. Notre rôle, à ce titre, n’est pas de faire une distinction sur le genre, mais sur la compétence. Mais la demande est bien présente ». 

« Aujourd’hui 1 poste sur 3 est occupé par une femme en startup. Si on s’arrête aux métiers de l’IT, on compte seulement 20% de data scientists, 12% de développeurs, 6% d’AI researchers, 3% des devOps et 1% d’architectes IA. Les femmes sont donc présentes … mais pas assez. » rappelle Maya Noel, Directrice Générale de France Digitale. « Aujourd’hui il y a seulement 30% de femmes dans les écoles d’ingénieur et cette statistique descend à 11% pour la filière numérique, le problème se situe bien en amont du monde professionnel. ».  

2024 s’annonce donc comme une année contrastée, avec des profils IT toujours aussi demandés mais des entreprises plus pragmatiques, moins favorables aux hausses de salaires. La formation pourrait jouer, à ce titre, un rôle essentiel, tant pour amener à une féminisation de l’IT que pour conjurer la pénurie généralisée sur ce marché.

« Pour lutter contre cette pénurie, il est nécessaire d’augmenter l’offre de profils à travers la formation initiale et continue, de sensibiliser et de former au plus tôt dans aux compétences numériques, mais aussi permettre à des personnes plus expérimentées de se reconvertir en étendant par exemple la limite d'âge de l’apprentissage. » conclut Maya Noel. « A l’échelle internationale, la compétition est rude et il faut faire preuve d’ingéniosité pour attirer et retenir les meilleurs profils. Avec France Digitale nous avons beaucoup milité pour un visa French Tech et continuons de pousser pour une initiative similaire à l’échelle européenne. ».