Nature4Climate et MRV Collective, deux consortiums qui rassemblent des organisations du secteur de la protection de l’environnement et de la biodiversité, publient aujourd’hui un nouveau rapport en collaboration avec Serena sur la Naturetech. Ce rapport vise à sensibiliser le monde du VC aux enjeux liés à la crise de la biodiversité, étroitement liée à la crise climatique. Alors que la Climatetech se concentre principalement sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'atténuation des effets du changement climatique, la Naturetech s'attaque à un plus large éventail de problèmes environnementaux, notamment la destruction des habitats, la déforestation, la dégradation des sols, la pollution de l'eau et la disparition d'espèces.

« La Naturetech ne peut plus être considérée comme un sous-secteur ou une verticale de la Climatetech. Elle émerge désormais en tant que catégorie d’investissement à part entière », affirme Xavier Lorphelin, l’un des co-fondateurs de Serena qui s’intéresse de près au sujet. L’innovation, la recherche, mais aussi la réglementation imposée aux entreprises poussent les investisseurs à se pencher de plus en plus sur la Naturetech. D’après le rapport, qui se base sur des données Crunchbase, entre 2018 et 2022, plus de 7,5 milliards de dollars d’investissements de VC ont afflué vers les startups de la Naturetech. Des montants qui restent néanmoins bien inférieurs à ceux de la Climatetech, qui pesait plus de 41 milliards de dollars en 2022.

« Il faut relativiser, on l’oublie vite, mais il y a 10 ans, la Climatetech ne pesait pas grand chose, quelques centaines de millions de dollars contre plusieurs dizaines de milliards aujourd’hui. Le secteur a grossi très vite, poussé par des enjeux économiques et réglementaires forts et a été mis sur le devant de la scène par la COP et l’Accord de Paris sur le climat en 2015 », commente Xavier Lorphelin.

La Naturetech pourrait bénéficier d’un effet de rattrapage

Le sujet de la biodiversité, lui, est arrivé bien plus tard. Si le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) est un acronyme qui résonne aujourd’hui auprès du plus grand nombre, peu sont ceux qui connaissent l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques). Mais, pour Xavier Lorphelin, on ne peut pas regarder l’un sans regarder l’autre. « Certes, l’empreinte sur la biodiversité est plus difficile à mesurer que l’empreinte carbone. Mais les deux sont très liés, des crédits carbone de qualité devront prendre en compte la biodiversité. On ne peut pas adresser la crise du climat sans résoudre la crise de la biodiversité, quand on sait que les principaux puits de carbone sont les forêts, les océans et même les animaux », explique Xavier Lorphelin.

Sept ans après l’Accord de Paris, lors de la COP 15 sur la biodiversité qui s’est tenue en 2022 à Montréal, des accords forts ont été pris concernant la protection de la biodiversité. « L’accélération peut être encore plus rapide que sur la Climatetech, il y a une vraie prise de conscience et la régulation va dans ce sens. Les investissements des VC dans les startups de la Naturetech ont connu un développement rapide au cours des trois dernières années : les opérations de financement, de l’amorçage à la Série B ont progressé de 130 % entre 2020 et 2022 et les tailles moyennes des tours ont augmenté de 70%, démontrant la maturité croissante de l’industrie de la Naturetech », commente Xavier Lorphelin.

La Naturetech tirée par l’agriculture régénératrice et les investissements américains

D’après le rapport, la part belle des investissements va à la catégorie "alimentation et agriculture". Cette catégorie, qui comprend l'agriculture régénérative, les biofertilisants, la surveillance de la santé des sols, la gestion durable des nuisibles et du bétail, a attiré 5,31 milliards de dollars de financement VC entre 2018 et 2022, soit l'équivalent de 71 % du total cumulé au cours des cinq dernières années. En parallèle, le rapport établit que le marché américain a attiré 78 % des financements de capital-risque entre 2018 et 2022, pour un total de 5,80 milliards de dollars.

« Une partie importante des capitaux investis dans la Naturetech depuis cinq ans vient des investissements américains dans l’agriculture régénératrice. Ce sont aussi des investissements plus conséquents en termes de taille, qui peuvent fausser la lecture. Si l’on regarde les investissements en nombre de deals, cela se rééquilibre entre les États-Unis et l’Europe », observe Xavier Lorphelin. Afin de pousser l’analyse, les équipes de Serena ont donc regardé les investissements hors growth (Série C et plus). « On a constaté une augmentation très forte des deals early stage sur les deux dernières années, mieux répartis géographiquement. Beaucoup de startups émergent en Europe, en particulier sur les MRV », poursuit Xavier Lorphelin.

Les MRV (Measurement, Reporting et Verification), une catégorie que Serena regarde de près, arrivent en effet en seconde position avec un total de 1,23 milliard de dollars au cours des cinq dernières années. « Savoir mesurer l’impact sur la biodiversité est une dimension clé pour l’évolution du secteur et la préservation de la biodiversité », souligne Xavier Lorphelin.