Pour Luko, tout est bien qui finit bien, écrivions-nous en juin dernier. Du moins, croyait-on… A l’époque, les fondateurs de l’assurtech pensaient en effet avoir sauvé les meubles en annonçant le rachat de l’entreprise par l’assureur britannique Admiral Group. Avec un accord avoisinant les 14 millions d’euros pour sauver les activités françaises de Luko, l’essentiel de la tempête financière dans laquelle était plongée la startup tricolore semblait derrière elle.

Cependant, un coup de théâtre retentissant s’est produit cette semaine, puisque le repreneur Admiral Group aurait tout simplement décidé de renoncer à mettre la main sur Luko, selon les révélations de L’Argus de l’assurance. Un revirement de situation qui tombe au pire moment pour le spécialiste de l’assurance habitation en ligne puisque sa procédure de sauvegarde s’achèvera le 7 novembre prochain devant le tribunal de commerce de Bobigny. Il reste donc une grosse dizaine de jours aux fondateurs de Luko pour trouver un autre repreneur, faute de quoi elle risquerait d’être confrontée à un placement en liquidation judiciaire qui pourrait mettre sur le carreau ses 180 salariés.

Un retournement de marché fatal en 2022

Pour comprendre comment Luko s’est retrouvé si près du précipice, il faut remonter un peu dans le temps. Revenons notamment au mois de décembre 2020 lorsque l’entreprise annonce un tour de table de 50 millions d’euros qui aiguise son appétit pour partir à la conquête de l’Europe, un an après avoir déjà levé 20 millions d’euros. L’assurtech tricolore, qui a levé 72 millions d’euros au total depuis sa création en 2016, semble alors avoir les coudées franches pour poursuivre une montée en puissance qui se matérialise en 2022 avec le rachat de son concurrent allemand Coya qui lui a permis d’obtenir officiellement le statut d’assureur, puis l’acquisition d’Unkle, une startup française qui s’attèle à protéger les propriétaires face aux loyers impayés.

Mais après ce premier trimestre 2022 prolifique, le scénario de rêve s’est transformé en cauchemar au fil des mois. Et pour cause, le climat macro-économique s’est fortement dégradé et les banques centrales n’ont pas hésité à brutalement augmenter les taux d’intérêt pour contrer une inflation galopante. Résultat des courses : c’est la fin de l’argent «gratuit et illimité» dans la tech. Par conséquent, les investisseurs ont demandé aux startups de leur portefeuille de réduire leurs dépenses pour faire le dos rond dans cette période difficile.

L’échec de la série C a mis Luko au pied du mur

Pour se donner de l’air, Luko a tenté de boucler une série C d’environ 100 millions d’euros fin 2022, mais l’opération est tombée à l’eau, indique L’Argus de l’assurance. Or l’échec de cette opération a déclenché une clause qui devait contraindre Luko à verser 12 millions d’euros aux actionnaires d’Unkle dans le cadre de l’acquisition de la société. Mais problème, Luko étant déficitaire et ayant largement pioché dans sa trésorerie pour financer sa croissance externe, l’assurtech française s’est retrouvée dans l’incapacité de rembourser les actionnaires d’Unkle.

Face à cette situation qui devenait intenable, Luko étant endetté à hauteur de 45 millions d’euros, la société a fini par rééchelonner ses échéances auprès de ses actionnaires et créanciers dans le cadre d’une procédure de sauvegarde accélérée devant le tribunal de commerce de Bobigny. Et lorsque l’assureur britannique Admiral Group s’est présenté pour reprendre la société en juin dernier, les fondateurs de Luko pensaient avoir fait le plus dur pour éviter une sortie de piste dramatique.

BNP Paribas et le prêt de la discorde

Cependant, il y a un petit détail qui a tout fait dérailler dans ce schéma bien huilé. Et pour cause, BNP Paribas avait accordé un prêt d’environ 1 million d’euros à Luko en avril 2022. Or cet emprunt serait à l’origine du retrait d’Admiral Group du processus de reprise, assure L’Argus de l’assurance. En effet, le média spécialisé indique que la banque aurait contesté en septembre la procédure de sauvegarde engagée, en faisant valoir qu’elle devait être remboursée en priorité devant d’autres actionnaires majeurs, comme Triple Point Capital.

Ce point de blocage aurait ainsi conduit à faire échouer la validation d’un nouveau plan de rééchelonnement de la dette de Luko que la société espérait obtenir le 4 octobre dernier. Par conséquent, les fondateurs de Luko se retrouvent dos au mur et sont engagés dans une course contre la montre pour trouver un nouveau repreneur en urgence d’ici le 7 novembre. Selon L’Argus de l’assurance, des assureurs comme Axa, Allianz, Generali ou encore Wakam auraient été approchés dans ce sens. Mais ces derniers pourraient être tentés d’attendre une éventuelle liquidation judiciaire pour récupérer à moindre coût les 500 000 contrats d’assurance habitation dans la balance. Toujours est-il que le sort final de Luko devrait être suivi avec une grande attention dans l'écosystème, alors que la société avait su se positionner comme l'un des fers de lance de la digitalisation de l'assurance habitation.