Oubliez les agences de voyages classiques qui vous promettent des vacances idylliques au bout du monde. Dans l'univers des startups, c'est un autre type de séjours qui intéresse les entrepreneurs : les voyages d'affaires. Parce qu'ils représentent une importante manne financière, et parce que les entreprises seraient de plus en plus en demande sur le sujet, plusieurs jeunes pousses ont décidé de se lancer dans ce domaine.

Maddyness est allé à la rencontre de deux piliers du secteur en France : Navan, à l'origine un acteur américain qui s'est importé en Europe et dans l'Hexagone il y a deux ans, et Swile Business Travel, né du rachat par Swile d'une petite entreprise nommée Okarito. Ils nous ont expliqué pourquoi le voyage d'affaires était devenu un marché à part entière... et de quelle façon ils comptaient bien le révolutionner, année après année.

Des applis tout-en-un pour faire évoluer le voyage d'affaires

Pour Brice Huet, le co-fondateur d'Okarito devenu dirigeant de Swile Travel, tout est parti d'un constat simple. En 2018, lorsqu'il analyse le marché des voyages d'entreprises, il remarque que tout est fait pour faciliter la tâche des grandes sociétés... mais que les petites et moyennes, elles, sont plutôt laissées pour compte. "C'est un marché qui n'était pas adressé, nous raconte-t-il. Les voyageurs devaient passer par des agences de voyages traditionnelles peu digitalisées, ou des sites qui n'étaient pas adaptés à un usage professionnel. Ils se perdaient dans les notes de frais, ou devaient se battre pour obtenir une réponse satisfaisante des services clients." Du côté des RH ou de la direction, la situation n'était guère meilleure : ils n'avaient ni visibilité, ni contrôle sur la réservation des billets ou des hôtels, et devaient eux aussi se dépatouiller avec les factures, pas toujours bien claires...

C'est pour "poser un cadre" et "simplifier" l'expérience que Brice Huet décide à l'époque de créer Okarito, une application "tout-en-un" sur laquelle on peut réserver transports et logements en quelques clics seulement. "L'objectif premier était de tout centraliser, de faire en sorte qu'on n'ait qu'une seule grosse facture à la fin du mois."

Même objectif du côté de Navan, qui se définit comme une "agence de voyages d'affaires". Sur sa plateforme, les entreprises peuvent réserver leurs voyages... avec un petit "plus". Navan en effet, sert également de solution de paiement, en amont du déplacement, et sur place. "Nous avons presque tué la note de frais", se réjouit Olivier Nairey, directeur général de Navan France.

Le modèle, à en croire nos interlocuteurs, serait gagnant-gagnant. Les entreprises, pour lesquelles les voyages d'affaires représentent pas moins de 80% des dépenses professionnelles, ont plus de contrôle sur les dépenses effectuées. Elles sont en mesure de collecter facilement les notes de frais et les réconcilier avec les données obtenues, peuvent définir un budget bien précis à respecter, et même mettre en avant des thématiques RSE, en encourageant par exemple leurs salariés à utiliser des modes de transport doux, ou en évaluant de façon plus précise leur empreinte carbone. Les employés quant à eux, n'ont plus autant de mal à réserver leurs déplacements et se les faire rembourser.

Une combinaison d'humain et de technologies

Pour Brice Huet, c'est l'évolution des technologies qui a rendu possible la révolution du voyage d'affaires. "Il fallait une meilleure interopérabilité, détaille-t-il. Il n'y a certes pas eu de rupture technologique majeure, mais l'ergonomie a beaucoup évolué, et nous a permis d'apporter une solution connectée et efficace."

Il n'y a pour autant pas qu'un volet technologique. Au-delà de l'application, Swile Travel propose aussi un service client en chair et en os, ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Un atout toujours bienvenu en cas d'imprévu. Un hôtel fermé, un avion annulé, un coup de stress... Il faut toujours que quelqu'un puisse répondre au bout du fil. Quant à Navan, la startup mise là aussi sur une combinaison de technologies et d'humain. Ses conseillers voyages sont disponibles pour répondre au téléphone à n'importe quelle question ou urgence, mais la jeune pousse propose aussi des services basés sur l'IA générative.

"Nous ne voulions pas rater le coche en matière d'innovation, détaille Olivier Nairey. Dès début 2023, nous avons développé nos produits basés sur l'IA, non pas pour remplacer nos conseillers physiques, mais pour ajouter un supplément de valeur ajoutée et assurer une meilleure expérience client". L'IA va notamment être en capacité de se souvenir des voyages précédents de chaque employé : définir quel est son aéroport de prédilection, ses horaires préférés pour voyager, les hôtels les mieux notés par ses collaborateurs, etc. En fonction de tous ces éléments, elle proposera différents trajets. De quoi assurer, nous assure le directeur général de Navan France, "un grain de productivité sur l'ensemble de la chaîne" et un "confort" inégalé.

La pandémie a-t-elle tué le voyage d'affaires ?

Contrairement à ce que l'on aurait pu penser, le Covid-19 ne semble pas avoir eu d'impact négatif sur le long terme sur ces industries. Olivier Nairey nous explique que le marché reste "énorme". Avant la pandémie, il représentait dans le monde 1,3 trillion de dollars. Selon les estimations de la GBTA (Global Business Travel Association), il atteindrait 1,8 trillion en 2027.

En France, le secteur serait déjà remonté à "95% de ses capacités" d'avant pandémie. Rien qu'en 2023, Navan, qui se dit être sur la voie de la consolidation, a doublé le nombre de ses employés, et triplé ses revenus.

De son côté, Brice Huet dresse un constat tout aussi positif : "le contact humain reste quelque chose d'irremplaçable", explique-t-il. Même s'il reconnaît que les voyages ont changé... dans leur nature. "Dans l'imaginaire de beaucoup de gens, le voyage d'affaires, c'est un Paris-New York en classe business pour deux jours, s'amuse-t-il. Alors qu'en réalité, la grande majorité des voyages se font en France, par exemple pour aller visiter d'autres filiales de l'entreprise. Ce sont des déplacements souvent très réguliers, donc une application facilite vraiment l'organisation. Pour les déplacements à l'étranger, après la pandémie, on a plutôt vu un phénomène d'allongement de la durée des voyages : on y va moins souvent, mais plus longtemps."