Il y a d’abord eu l’attente d’un cadre légal pour les acteurs du rétrofit. Puis, après plusieurs années de bataille, l’année 2020 a permis d’inscrire au Journal Officiel la possibilité de commercialiser des véhicules thermiques transformés en électriques. Pour autant, les démarches liées à l’homologation sont restées complexes pour les constructeurs. « En trois ans, seulement 25 véhicules rétrofités ont eu le droit de circuler en France », souligne Thomas Pinet, membre de l’association pour le rétrofit automobile. Le principal frein au développement de la filière, selon lui : des démarches d’homologation longues et complexes et un unique acteur pour s’en charger : l’Union technique de l'automobile, du motocycle et du cycle (UTAC).

Pour tenter de faciliter les procédures, les ministres Agnès Pannier-Runacher, Roland Lescure et Clément Beaune ont annoncé ce 24 octobre la publication de trois arrêtés permettant de simplifier la réglementation pour inclure de nouveaux types de véhicules. Des arrêtés pris dans le cadre du plan d'action national en faveur du rétrofit, annoncé le 26 avril dernier, qui prévoit de renforcer les dispositifs de soutien et les primes à l'acquisition de véhicules rétrofités dans le projet de loi de finances 2024. Selon Thomas Pinet, ces mesures restent toutefois insuffisantes. « Il faut que l’homologation puisse être faite par davantage d’acteurs mais également que l’on s’accorde sur un cadre légal à l’échelle européenne. Aujourd’hui, le marché est trop restreint, les véhicules ne peuvent circuler qu’au niveau national », regrette-t-il.

« Les investisseurs ont coupé le robinet depuis six mois »

Pour Sylvain Deplace, cofondateur de Tolv, qui transforme des véhicules utilitaires thermiques en électrique, ces nouveaux arrêtés ouvrent quand même la voie à plus de tests dans les laboratoires et donc, à davantage de projets mis sur le marché. « Cela permet d’élargir encore un peu le spectre des véhicules transformables. Désormais, cela va du fourgon à l’ambulance ou à la dépanneuse. » La société de 25 salariés, fondée en 2019, fait partie de celles qui ont déjà mis une dizaine de véhicules sur le marché, grâce à un kit développé pour Renault trafic. « Renault est notre partenaire stratégique, mais à l’avenir, nous prévoyons de produire des kits pour tous types de marques et de modèles », précise Wadie Maâninou, le dirigeant. Après une première levée de fonds de 3 millions d’euros en 2021, la startup a d’ailleurs réuni 6,5 millions d’euros en juillet dernier. Des financement qui devraient lui permettre de produire 9.500 kits d’ici 2027 mais qui lui ont également permis de « tenir » lors des longs processus d’homologation. « Cela a été difficile, on pensait, en 2020, pouvoir obtenir notre première homologation en 6 mois, finalement, ça a pris plus d’un an. Il a fallu que les finances tiennent », se souvient Sylvain Deplace, directeur technique.

Ces démarches, longues et complexes, ont d’ailleurs laissé quelques acteurs sur le côté« Plusieurs entreprises n’ont pas tenu. On est dans un secteur industriel qui demande beaucoup de capitaux », poursuit le directeur technique de Tolv. Les finances de la startup e-Néo, spécialisée dans la conversion des poids lourds, n’ont pas permis de patienter jusqu’aux nouvelles réglementations. En mai dernier, la société de 14 salariés a été placée en liquidation judiciaire après 4 ans d’exercice. « Les investisseurs ont coupé le robinet depuis six mois, indiquait alors le dirigeant sur Linkedin. Les fournitures de composants clés pour nos véhicules ont vu leurs coûts et leurs délais s’allonger au fil des incertitudes géopolitiques ou politiques. » Et les délais pour définir les règles d’homologation ont eu raison de sa trésorerie.

Si la simplification de l’homologation devrait désormais permettre à de nouveaux acteurs de se positionner, le directeur technique de Tolv espère également une réglementation européenne. « D’ici 2027, nous aimerions que le cadre légal soit harmonisé, pour déployer des kits industriels standards, partout en Europe. »