Alors, sur quels critères se baser pour faire son choix ? Éléments de réponse avec Pierre-Marie de Forville, cofondateur du multi family-office iVESTA et de sa déclinaison digitale Sapians, et David Thévenon, General Partner chez Balderton Capital, fonds de capital-risque européen spécialiste de l’early-stage et du growth.

“Notre premier critère, c’est la société de gestion : quelle est sa taille ? Son historique ? Sa structuration ? Est-ce qu’il s’agit d’une grosse plateforme généraliste qui couvre tous les types d’investissements, ou d’un spécialiste ?” explique Pierre-Marie de Forville, dont le quotidien, au sein du multi-family office iVESTA, est de sélectionner des fonds d’investissement pour le compte de ses clients. Même s’il existe des exceptions, il aura tendance à privilégier les sociétés de gestion avec une dimension plus entrepreneuriale, spécialisées sur certaines thématiques bien précises.

Savoir 'qui' investit

Vient ensuite la question de l’équipe de gestion. Quel est son “track record” ? À quel point les associés sont-ils impliqués et intéressés à la performance du fonds ? Comment sont composées les équipes ? Avec quel niveau de séniorité ? Le fonds intègre-t-il des “operating partners” ? D’anciens entrepreneurs ? Des experts du secteur ? “Il faut bien comprendre quels sont les objectifs du fonds et sa thèse d’investissement, pour pouvoir évaluer si les gestionnaires connaissent bien ce dans quoi ils investissent“, souligne David Thévenon, General Partner chez Balderton Capital.

Pour évaluer tous ces points, il convient de rencontrer les gestionnaires, de savoir leur poser les bonnes questions, mais aussi d’étudier le mode de rémunération du fonds, en analysant notamment les “management fees” ou la répartition du “carried interest”.

“Une des clés de succès d’un fonds, c’est de combiner dans leurs équipes trois types d’investisseurs qui ont des expériences complémentaires : des financiers, d’anciens opérationnels du secteur et d’ex-entrepreneurs” ajoute David Thévenon, en rappelant que le métier d’un fonds n’est pas seulement de sélectionner des entreprises dans lesquelles investir, mais aussi de les accompagner dans leur développement.

Une bonne équipe fait donc la différence à deux niveaux : par sa capacité à sélectionner - et à convaincre - les entreprises, puis par son dispositif d’accompagnement de ses participations.

Éviter le "biais du rétroviseur"

Ces différents critères sont pourtant souvent négligés, car mener une telle “due diligence” demande du temps et de l’expertise. “Le marché a tendance à se focaliser uniquement sur l’analyse des performances historiques des fonds… sans se demander si la performance passée est réplicable”, regrette ainsi Pierre-Marie de Forville, en décrivant un “biais de rétroviseur”, qui incite à privilégier les fonds qui ont bien performé par le passé. “Une grave erreur” selon lui.

Le cofondateur d’iVESTA et de Sapians cite un exemple : pour les fonds de LBO Large Cap, l’essentiel de la performance des dix dernières années peut s’expliquer par la croissance des multiples et l’effet de levier de la dette. L’existence de ce biais implique, pour le contourner, “d’être capable d’analyser la performance ligne par ligne. Dans le cas du LBO, nous estimons qu’un fonds apporte une valeur ajoutée lorsque plus de 70% de la performance provient de la croissance de l’EBITDA des entreprises”, explique-t-il.

De la même manière, un fonds positionné sur un segment particulier peut très bien avoir bénéficié de conditions de marché particulièrement porteuses, sans que ce soit nécessairement le cas dans les années à venir. Un fonds qui a un long historique - et qui a donc vécu plusieurs cycles - devrait donc, sur le papier, être plus à même de s’adapter aux conditions changeantes du marché. “Dans la tech, il y a des vagues d’innovation - les Saas, l’IA, la cybersécurité, etc. Un bon fonds doit avoir la flexibilité pour les comprendre, les anticiper et s’y adapter, en investissant dans les bonnes sociétés de chaque vague”, souligne David Thévenon.

Privilégier la diversification

Enfin, un autre critère est à prendre en compte, qui implique de se plonger dans le détail des stratégies passées et à venir des fonds étudiés : la diversification du fonds. “En général, nous préférons les fonds qui vont investir dans 20 à 25 entreprises, plutôt que dans une douzaine, qui est pourtant la moyenne”, explique Pierre-Marie de Forville. À performances équivalentes, le fonds le plus diversifié sera considéré comme “meilleur”, car présentant un meilleur équilibre risque/performance.

Pour évaluer le niveau de diversification, le “loss ratio” - c’est-à-dire le taux d’échecs parmi les investissements du fonds - est également un point à étudier de près. En effet, si la performance passée s’explique par le succès de seulement quelques entreprises du portefeuille, elle sera plus difficile à reproduire qu’une performance répartie entre de nombreuses lignes.

Et l’impact ?

En marge des critères financiers, de plus en plus d’investisseurs se préoccupent de l’impact de leurs investissements. Ce sont donc aussi des éléments pris en compte par les gestionnaires de fonds et les family offices comme Sapians. Chez Balderton Capital, “nous investissons d’abord en vue d’une performance, pour aider les entrepreneurs à créer les champions de demain. Mais nous prenons aussi en considération les critères ESG, qui peuvent nous conduire à refuser des investissements,” explique ainsi David Thévenon.

“Nous essayons au maximum de présenter des fonds à impact à nos clients, mais nous ne nous appuyons pas uniquement sur les labels, qui ont montré leurs limites. Nous regardons aussi la cohérence des investisseurs, leur engagement et la façon dont il se traduit, notamment dans leur mode de rémunération”, indique pour sa part le cofondateur de Sapians, qui regrette toutefois que l’offre à l’heure actuelle sur ce sujet soit encore inférieure à la demande, même si le marché se développe.