Le besoin des uns est devenu une opportunité pour Yacine Kabeche, CEO de Circul’Egg. Prix de l’encouragement aux ODDO BHF Young Entrepreneurs Award 2023, la startup est née de l’idée de récupérer les coquilles d’œufs rejetées par les casseries, un secteur d’activité que Yacine Kabeche rencontre au hasard de ses études. Il décide de valoriser ce déchet en séparant la coquille en carbonate de calcium et la membrane riche en collagène et acide hyaluronique. « Nous avons breveté un procédé totalement mécanique pour le milieu cosmétique en demande de produits n’ayant pas recours à un procédé chimique. » Seul au monde à disposer de ce concept et ne rencontrant pas de concurrence en France, le CEO ne s’est pas longtemps inquiété de la présence d’autres acteurs à l’international. « S’il y a de la concurrence, c’est qu’il y a un marché donc on nous a encouragé à nous démarquer ! »

De son côté, ClearSpace, la startup soucieuse de désengorger l’espace et récompensée du prix de l’innovation, a quant à elle écouté un marché qui s’annonçait. « Tous les grands changements viennent de tendances lentes et sous-jacentes qui arrivent à un point de basculement. Nous avions prédit des changements majeurs dans l’aérospatial pour 2026. Nous sommes tous dépendants de cet environnement de satellites », explique Luc Piguet, le CEO. Quand l’agence spatiale européenne lance un appel d’offre, plus tôt qu’envisagé, la jeune pousse choisit d’oser et de répondre face à des mastodontes du secteur comme Airbus, Thales, Avio ou MDA. Une décision qui lui vaut aujourd’hui d’être mandatée pour une mission aérospatiale à 100 millions d’euros. « Le mode opératoire d’une startup diffère par son agilité, une structure de coût plus légère et sa capacité à se poser les questions fondamentales », affirme Luc Piguet.

Pour d’autres, il faut se lancer, quitte à commencer petit. Fullsoon, prix de l’impact sociétal et prix du public, propose un outil de gestion prédictive pour les restaurants afin de réduire les déchets alimentaires. « Nous sommes issus d’une famille modeste de la banlieue parisienne, sans réseau. J’ai commencé par rencontrer une amie de ma sœur qui avait une pizzeria où nous allions souvent. Pour se faire une place, il faut parler de son idée au maximum car les gens adorent aider et il y a toujours quelqu’un qui connait quelqu’un » conseille le fondateur Hassan Chaudhary. Désormais lui et ses deux sœurs collaborent avec 23 marques et groupes parmi lesquelles Accor ou Marie Blachère. « Il faut être transparent et ne pas avoir peur de l’échec. »

Savoir s’entourer

Chez Nelson Mobility, la startup qui accompagne les entreprises dans l’électrification stratégique de
leur flotte de véhicules, l’amitié prévaut. « Nous sommes quatre murs porteurs. Nous avons même vécu trois mois en colocation avant de nous lancer et nous avons mis en place un système de binôme avec un leader et un soutien. Chacun intervient là où il s’épanouit et s’éclate le plus. Nous n’avons pas voulu calquer un schéma mais faire ce qui marche pour nous », détaille Alfred Richard, fier d’avoir reçu le prix du jury ODDO BHF Young Entrepreneurs Award 2023.

S’il est essentiel de bien s’entourer pour réussir, il y a autant de parcours que de startups. La fratrie de Fullsoon, Hassan, Misba et Tayeba Chaudhary n’ont pas hésité à collaborer. « Quand on s’associe à sa famille, c’est souvent qu’il n’y a qu’elle qui croit au projet. Bien que l’on nous l’ait déconseillé, pour nous, ça reste un atout si l’on sait bien choisir le membre de la famille. A trois, il y en a toujours un qui fait le pont entre les deux autres. » Hassan Chaudhary insiste sur l’importance de communiquer. « Nous avons listé toutes les situations possibles et tout mis par écrit pour donner la direction et assainir les relations. »

Si Luc Piguet a d’abord échangé avec son associée Muriel Richard et construit avec elle le business model avant de créer ensemble ClearSpace, Yacine Kabeche a lui senti le besoin de s’entourer de deux associés pour faire avancer son projet. « Seul, c’est un chemin de croix. J’avais besoin de compétences complémentaires. Avec Justine, issue d’école de commerce, créative comme moi, nous avons fait un test et ça a matché. Samuel vient comme moi d’AgroParisTech, c’est la rigueur et la force tranquille », raconte-t-il.

Des valeurs affichées

Pour tous, l’humain reste une valeur essentielle pour s’entourer au mieux. « Quand on recrute quelqu’un, j’essaie de creuser la personne, sa capacité à sortir de sa zone de confort et son empathie. C’est beaucoup de feeling », sourit Yacine Kabeche. Pour Nelson Mobility, l’unanimité est essentielle. « Dans le doute, pas de doute ! Si l’un de nous n’est pas partant, on passe. » Par manque de moyens financiers à leurs débuts, Luc Piguet et Muriel Richard ont quant à eux mis en place un club des amoureux de l’espace réunissant des profils pertinents et intéressés. « Ils nous ont challengé de façon constructive. On voit les bons qui posent les bonnes questions et les mauvais qui décrochent. Les premiers ont rejoint le projet et ont investi dans l’entreprise. » Les deux associés ont par ailleurs pris l’engagement d’eux-même de se retirer s’ils n’étaient plus les meilleures personnes pour porter le projet de ClearSpace. « On élimine l’égo de l’équation. »

D’autres valeurs portent ces startups prometteuses. Circul’Egg prévoit de rétribuer ses partenaires pour sécuriser ses approvisionnements tout en apportant sa pierre à l’édifice d’une production avicole alternative. « Il faut donner au maximum pour recevoir des choses en retour », conclue Yacine Kabeche alors qu’Hassan Chaudhary espère contribuer à ramener un équilibre entre les deux milliards de tonnes de nourriture jetés chaque année et les personnes en insécurité alimentaire. Les copains de Nelson Mobility entendent quant à eux participer de façon pragmatique à la décarbonation pour prendre leur responsabilité et encourager les propriétaires de flottes à en faire autant.