21 décembre 2023
21 décembre 2023
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
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En immersion chez… Iktos, la startup qui mise sur l’IA pour accélérer la découverte de nouveaux médicaments

En mêlant IA et robotique, Iktos veut faire franchir un cap à l'industrie pharmaceutique pour dénicher plus rapidement des molécules à fort potentiel thérapeutique. Maddyness a visité le laboratoire de l'entreprise française, tout près du plateau de Saclay.
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Si Rome ne s’est pas faite en un jour, que dire du processus de création d’un nouveau médicament ? Et pour cause, trouver de nouveaux remèdes aux maux du corps humain prend du temps, beaucoup de temps. Ainsi, le processus dure entre 5 et 20 ans : 2 à 5 ans pour trouver de nouvelles cibles thérapeutiques, 5 ans pour découvrir de nouvelles molécules qui ont un effet positif, et enfin 8 à 10 ans pour les tests cliniques.

Devant ce processus extrêmement long, Quentin Perron, Nicolas Do Huu et Yann Gaston-Mathé ont décidé d’agir pour tenter d’accélérer les choses. En créant Iktos en octobre 2016, ils ont souhaité se concentrer sur la découverte de nouvelles molécules en s’appuyant sur l’intelligence artificielle. «On fait du ChatGPT depuis 2016», s’amuse Quentin Perron, co-fondateur d’Iktos. Avant d’ajouter : «Plutôt que d’utiliser français ou anglais, pourquoi ne pas utiliser le langage des molécules ?»

Réduire un processus extrêmement long

Dans ce cadre, l’IA est utilisée comme un outil pour trouver plus facilement la combinaison moléculaire qui permettra d’avoir l’effet escompté dans l’organisme du patient. «Le médicament est la clé pour déverrouiller la serrure qu’est la protéine. L’objectif est de changer la forme de la protéine pour instiller le petit grain de sable dans l’engrenage qui va déclencher une cascade de réactions biologiques pour éliminer la cellule problématique», explique Quentin Perron à Maddyness. «La partie chimique dans le processus de découverte d’un médicament est très chère et chronophage : chaque projet a besoin d’entre 1 500 et 2 500 molécules pour aller jusqu’aux essais pré-cliniques. Or créer une molécule peut prendre entre une semaine et quelques mois, c’est très long. Iktos essaie de diviser cela par deux», ajoute-t-il.

Pour faire de cette ambition une réalité, la société tricolore élabore sa formule secrète dans son laboratoire de Villebon-sur-Yvette, à proximité du plateau de Saclay, dans l’Essonne. Dans cet espace où se mêlent chimie, logiciels et robotique, Iktos cherche à tirer profit du potentiel de l’IA générative pour accélérer l’identification de molécules prometteuses dans le but de développer de nouveaux médicaments. Maddyness s’y est rendu pour comprendre cette approche innovante qui pourrait avoir un impact colossal sur la santé de millions de personnes d’ici quelques années.

3 logiciels pour simplifier le travail des chimistes

Pour rendre autonome le processus de création d’un candidat-médicament à fort potentiel thérapeutique, Iktos s’appuie sur trois logiciels : Makya pour imaginer des molécules en construisant des modèles prédictifs permettant d’analyser le potentiel des molécules, Spaya pour comprendre les réactions chimiques des molécules pour créer de nouvelles recettes, et Ilaka pour piloter le robot qui donne vie aux molécules les plus prometteuses. «Makya produit un listing de molécules idéales, Spaya donne le tutoriel pour créer le produit souhaité, et Ilaka est l’interface qui permet de transposer le langage chimique pour un usage robotique», résume Quentin Perron. Avec son approche, Iktos affirme que son robot, entouré de cinq chimistes, équivaut à une équipe classique d’une trentaine de chimistes.

Une fois que Makya et Spaya ont fait leur travail, c’est donc au robot, acheté auprès de l’entreprise Chemspeed, d’entrer en action sous l’égide du logiciel Ilaka. Plutôt que de s’activer derrière des paillasses, le chimiste s’en remet à un ordinateur pour l’épauler dans sa tâche. Soudain, la chimie s’apparente presque à faire de la cuisine, à en croire Franck Le Vaillant, responsable adjoint du laboratoire d’Iktos. «Sur Ilaka, on peut demander la recette souhaitée en fonction des éléments disponibles dans le laboratoire. Le logiciel va proposer une solution pour exécuter les différente recettes en même temps et un temps de cuisson idéal pour tout cuire en même temps», explique-t-il. Avant d’ajouter : «L’interface est très visuelle pour un chimiste et il est possible de concevoir 96 produits différents. De plus, le robot vérifie tout ce qui est nécessaire à la réaction chimique.» Mais cette nouvelle approche en laboratoire ne risque-t-elle pas de menacer le rôle du chimiste ? Yann Gaston-Mathé, co-fondateur et PDG d'Iktos, tempère une telle crainte : «Un laboratoire sans humain, cela reste un mythe. L’humain reste à la source de la créativité. Comme un pilote dans l’avion, il reste aux manettes.»

100 réactions chimiques par jour à partir de janvier 2024

Ainsi, en l’espace de quelques heures, c’est un ballet robotique qui s’enchaîne pour réaliser des centaines de réactions chimiques. Et si un peu plus de 500 réactions ont été effectuées depuis six mois par ce robot, qui coûte «quelques centaines de milliers d’euros», l’objectif d’Iktos est de le faire monter en puissance pour atteindre les 100 réactions par jour dès le mois de janvier.

Cela devrait permettre à la société de franchir un nouveau cap alors qu’elle espère boucler une nouvelle levée de fonds d’ici 15 à 18 mois. Celle-ci s’ajouterait à celle de 15,5 millions d’euros bouclée en début d’année. Avec un tel investissement, la société estime qu’elle va apporter sa pierre à l’édifice dans la révolution de l’industrie pharmaceutique par l’intelligence artificielle. «Les médicaments créés par l’IA générative, il n’y en a pas encore car cela prend au moins 10 ans à voir le jour. Dans 5 ans, toutes les petites molécules en essais cliniques auront été créées à l’aide de l’IA générative», assure Yann Gaston-Mathé. La nouvelle ère de la recherche pharmaceutique n'en est donc encore qu'à ses balbutiements, avant un décollage majeur attendu autour de 2030.

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Quentin Perron et Yann Gaston-Mathé, fondateurs d'Iktos, dans le laboratoire de leur entreprise. Crédit : Maxence Fabrion/Maddyness.