Les RH se trouvent au cœur des transformations multiples que les organisations expérimentent. Une ère où l'agilité, la responsabilité sociale et l'anticipation des besoins humains deviennent des impératifs stratégiques pour l'entreprise. L'innovation et l'humanisation convergent indéniablement pour forger le futur du travail. De plus, les pratiques traditionnelles cèdent la place à de nouvelles approches qui dessinent l’avenir des RH dès 2024. Caroline Diard, professeure associée au département Droit des Affaires et Management des RH à TBS Business School et Alexandre Stourbe, directeur général du Lab RH, listent les 7 tendances qui vont façonner les RH en 2024. Un éclairage indispensable face à une année riche en transformation.

Inclusion et expérience collaborateur

Caroline Diard souligne l'importance croissante de l'inclusion, au sens large, dans l’expérience collaborateur. « La crise Covid a révélé des problématiques préexistantes : notamment celles des proches aidants (handicap, maladie, senior…) et de la parentalité qui étaient peu traitées en entreprise. Aujourd'hui, le travail hybride est de plus en plus utilisé par les salariés pour résoudre ce type de problèmes personnels (garder un enfant malade par exemple, éviter de poser un arrêt maladie)... » Les employeurs doivent prendre conscience de cette porosité entre la vie personnelle et professionnelle afin de garantir la santé physique et mentale de leurs salariés, et par extension, d'optimiser la performance globale de l'entreprise. L'enjeu réside dans l'intégration des difficultés ou des vulnérabilités inhérentes à la vie des salariés, qui peuvent affecter leur expérience de travail. Comment peuvent-ils y parvenir ? En repensant les politiques RH, par exemple en offrant des jours additionnels aux aidants ou en prolongeant le congé parental. Salesforce proposait une durée de congé parental de 3 mois, bien avant l'allongement du congé légal en 2021 passé de 14 à 28 jours.

Marque Employeur : la flexibilité comme outil d’attractivité

Cette année encore, la tendance persiste : investir dans la marque employeur demeure crucial pour attirer et fidéliser des talents. Selon l'étude OpinionWay réalisée pour Slack, intitulée « Les actifs et les conditions de travail flexibles », la flexibilité émerge comme un outil d’attractivité. Près de la moitié des actifs interrogés envisagent de changer d'emploi en raison d'un manque de liberté d'organisation au sein de leur entreprise actuelle. Les résultats de cette enquête indiquent également que 86 % des jeunes actifs aspirent à plus de flexibilité dans leurs missions quotidiennes. Dans cette perspective, l'hybridation apparaît comme un outil essentiel pour renforcer l'attractivité de l'entreprise. Caroline Diard souligne à juste titre : « La quête de talents oblige les entreprises à revoir leur approche du travail pour demeurer compétitives. »

Télétravail : vers une stabilisation

L'enquête menée par l'Observatoire du Télétravail, sous l'impulsion de l'Ugict-CGT, intitulée « Télétravail, travail hybride : Quelles conséquences ? », met en lumière l'ancrage du télétravail dans le paysage professionnel français. « Le télétravail s'installe comme une réalité, avec une pérennisation attendue plutôt qu'un retour en arrière avec une stabilité autour deux jours de télétravail par semaine », explique Caroline Diard. Contrairement aux États-Unis, en France, un retour impératif au bureau semble loin d'être d'actualité. Alors que les accords de télétravail arrivent à échéance, les entreprises ne semblent pas enclines à rappeler l'ensemble de leurs collaborateurs à travailler à 100 % sur site. Et pour cause : 60 % des personnes interrogées estiment que leur efficacité est accrue en travaillant à distance par rapport au présentiel. Cette évolution reflète un changement profond dans la perception du travail, et les entreprises devront ajuster leurs pratiques en conséquence pour tirer parti de cette nouvelle dynamique.

Durabilité et défis sociaux

La dimension sociale ainsi que la transition écologique prennent de l’ampleur dans les enjeux RH. « L'évolution vers des pratiques plus durables nécessite une approche RH holistique », insiste Alexandre Stourbe. Plus spécifiquement, la réforme des retraites et son corollaire, la gestion intergénérationnelle, restent des défis sous-estimés. Comment réorganiser le travail des personnes seniors tout en prenant en compte la diversité des attentes générationnelles ? Les entreprises, par le biais RH, doivent donc imaginer des ponts intergénérationnels. La durabilité révèle un autre défi : « L'émergence de nouveaux métiers en lien avec la transition écologique exigeant des compétences vertes. » Le développement des green skills interroge les parcours de formation, la mobilité interne mais aussi le recrutement pour préparer les entreprises à maîtriser ces aspects environnementaux.

Permacrise : une santé mentale fragilisée

Nous faisons face à ce qu'Alexandre Stourbe appelle la « permacrise », un néologisme décrivant la crise permanente provoquée par une série d'épreuves telles que la pandémie de Covid-19, le terrorisme, la guerre en Ukraine, l'urgence climatique, ainsi que les difficultés économiques et financières. Cette situation engendre une anxiété généralisée qui affecte la santé psychologique de nombreux salariés. Cette préoccupation est partagée par Caroline Diard, en particulier à la lumière des derniers chiffres du 12e baromètre d'Empreinte Humaine. Les données soulignent une détérioration continue de la santé mentale des salariés depuis le début de la crise sanitaire. Avec une augmentation de 4 points par rapport à février 2023, la détresse psychologique touche désormais 48 % des salariés, dont 17 % de manière très élevée.

Intelligence artificielle : les RH garants de l’éthique

L'intégration de l'intelligence artificielle (IA) dans les ressources humaines a des répercussions immenses sur la gestion des talents, optimisant les processus de recrutement, de formation et d'évaluation. Cependant, cet avancement technologique soulève des questions sur la confidentialité des données et l'éthique. « Les RH doivent se former à l’IA pour participer à son développement et jouer un rôle de garants sur les sujets éthiques », explique Alexandre Stourbe. De manière plus macro, l’IA revêt des questions sur la transformation des organisations : les méthodes de travail, certains métiers et les processus sont en train d’évoluer à grande vitesse. « Les RH doivent s’y préparer pour être acteur de ces changements. »

ROI : vers une culture RH orientée résultat ?

Alexandre Stourbe souligne une évolution majeure dans le domaine des ressources humaines : l'adoption croissante d'une culture du retour sur investissement (ROI). Cette approche redéfinit le rôle des RH, exigeant des mesures tangibles de leurs actions et de leur impact sur la performance globale de l'entreprise. Pour atteindre cet objectif, il est impératif de prendre en compte les données RH et sociales, permettant ainsi le développement de modèles prédictifs et d'outils d'aide à la décision. En ce qui concerne les métiers RH, une tendance émerge : l'apparition d'experts en data au sein des équipes RH, occupant un rôle de plus en plus central. « Cette transformation reflète la nécessité croissante de fonder les décisions RH sur des données concrètes, contribuant ainsi à une gestion plus efficace et stratégique des ressources humaines. »