Depuis Las Vegas

Il y a près de quatre mois, la Consumer Technology Association (CTA), l'entité qui organise le CES de Las Vegas, avait choisi le France Digitale Day, à Paris, pour accueillir le CES Tech Trends, l'avant-première européenne du salon américain. Il s'agissait de la concrétisation d'un partenariat qui se prolonge directement de l'autre côté de l'Atlantique alors que la grand-messe de l'innovation bat son plein dans le Nevada. Dans le cadre du CES, Maya Noël, la directrice générale de France Digitale, a fait le déplacement jusqu'à Las Vegas. Maddyness a pu échanger avec elle pour évoquer les objectifs de ce voyage, la French Tech et la concurrence du CES avec VivaTech.

MADDYNESS – C'est la première fois que France Digitale vient au CES de Las Vegas. Quel est le but de votre venue ?

MAYA NOËL – Nous sommes engagés dans un partenariat avec le CES, et la deuxième étape de celui-ci, entre guillemets, c'est de passer aux États-Unis. Jusque-là, nous n'avions pas l'habitude de venir au CES car notre rôle n'est pas de remplacer Business France. Notre mission, c'est de créer des ponts, des réseaux. Donc on peut le faire avec Business France, mais il est vrai que le faire avec le CES directement est aussi un super levier pour créer des connexions clairement business pour nos entreprises. Et c'est également un moyen supplémentaire de continuer à faire ce travail de marque employeur collective un peu globale et d'évangélisation. Vraiment, l'idée est de travailler autour de cette influence globale que peut avoir la France sur la technologie dans le monde.

En tant qu'invitée, partenaire et speaker, mon objectif est de continuer à diffuser le fait qu'on peut investir dans des startups en France et en Europe, de montrer que c'est possible et qu'il y a une véritable puissance technologique et un véritable savoir-faire technologique en France. C'est une question de marque et de confiance.

Il y a plein d'acteurs publics et privés qui ont fait ce travail de promotion. Je citais Business France mais on peut parler de la French Tech qui a également joué un rôle majeur. Mais je pense que France Digitale et plein d'autres associations aussi ont joué ce rôle-là au niveau local et international. Au final, cela a permis de faire émerger une vraie marque France qui parle aux autres pays. Ça existe, ça donne confiance, et, naturellement, cela attire de potentiels clients et de potentiels investisseurs. C'est ce qu'on cherche à faire pour nos entreprises.

Cela amène également la question de la manière dont on crée de nouveaux écosystèmes. Il est vrai que la Corée du Sud est assez impressionnante en la matière par exemple. Il y a aussi l'Afrique ou même des villes qui émergent. C'est intéressant, quand on parle de la French Tech, de voir aussi également quelles sont les régions qui créent des belles entreprises, des vrais champions. Et puis lors d'un événement comme le CES, il y a 150 nationalités qui se retrouvent au même endroit. Cela crée une forme de sérendipité naturelle et des rencontres superbes. C'est assez génial à voir.

«Nous sommes partenaires du CES pour que les étrangers s'intéressent aussi de près au continent européen, et en particulier à la France»

Cette année, la France compte 135 startups au CES, avec un pavillon très bien placé. Il s'agit de l'une des principales délégations étrangères à Las Vegas. Quelle est votre perception de la montée en puissance de la French Tech dans un tel événement ?

Pour venir au CES, il faut vraiment avoir envie. C'est quand même un exercice qui n'est pas évident. Ça demande beaucoup d'énergie et beaucoup d'investissement, y compris financier. Donc c'est déjà hyper positif d'avoir autant d'entreprises françaises. Ça montre l'envie qu'ont les Français. De plus, c'est une période où tout le monde cherche des clients. Du coup, il faut cet effort de faire des salons.

Maintenant, je pense qu'avoir 135 startups françaises sur ce CES est une bonne chose. Je pense qu'il y a une sélection qui a été un peu plus poussée. C'est plutôt malin, car dans un temps où chaque euro compte, il faut qu'un euro soit bien investi. Et donc, si on fait le choix d'aller à un salon comme celui-ci, il faut y être bien préparé. Par conséquent, il y a une sélection naturelle qui s'opère. Mais c'est plutôt positif d'avoir autant d'entreprises et de pouvoir les rencontrer à l'Eureka Park. Ils sont là, ils sont hyper motivés. A un moment donné, je discutais avec une startup dans l'IA, et est alors arrivé un potentiel client japonais, puis dans la foulée une connexion du Brésil. En quelques minutes, il y a le monde entier qui vient. C'est assez génial.

Maintenant, nous sommes aussi partenaires du CES pour que les étrangers s'intéressent aussi de près au continent européen, et en particulier à la France. L'idée, c'est donc de créer ce premier pont. Nous n'avons pas forcément besoin de venir à l'autre bout du monde, à Las Vegas, pour pouvoir également rencontrer un public international. Il y a aussi en Europe des événements qui émergent. En France, on a VivaTech, mais il y en a dans d'autres pays d'Europe. Il y a aussi d'autres zones du monde, notamment à Dubaï, où il y a des gros événements qui commencent à prendre de l'ampleur. Je pense que ça va commencer à un peu plus se diffuser partout dans le monde.

Au début, quand on pensait à l'écosystème tech, on avait tout de suite San Francisco et la Silicon Valley en tête. Je pense que ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Il y a plein d'autres écosystèmes très prometteurs à regarder de près. Et puis ça peut être aussi une bonne nouvelle environnementale de ne pas être obligé de venir jusqu'à Las Vegas pour devoir rencontrer du monde. Mais le CES est un bel événement, et on peut s'en inspirer car ils ont plus de 50 ans d'expérience. Ils ont connu l'époque où le Walkman était la grosse révolution technologique, tout comme le magnétoscope ou le DVD. Maintenant, c'est un peu différent. Aujourd'hui, c'est complètement futuriste. Et parmi ces inventions du futur, il y en a créées en France.

«Il faut vraiment que VivaTech reste un événement made in France et made in Europe»

Quels sont les ingrédients du CES que VivaTech pourrait reprendre à son compte pour avoir une force de frappe encore plus grande sur la scène tech mondiale ?

VivaTech commence à bien prendre. Je pense que c'est quand même beaucoup une question de temps pour continuer à grandir. Ils ont quand même réussi à attirer 150 000 visiteurs l'an passé, selon leurs chiffres. C'est déjà une vraie belle réussite pour un événement qui a sept ans d'existence et qui a connu des périodes qui ne sont pas faciles pour son développement. Je crois aussi qu'il faut vraiment que VivaTech reste un événement made in France et made in Europe. C'est très important de garder sa spécificité.

C'est effectivement hyper important de prendre en compte les individualités parce que nous sommes engagés dans une tendance à la globalisation qui est certaine. Mais il ne faut pas que ce soit une tendance à l'homogénéisation, à la conformisation de ce qu'on fait, de ce qu'on produit. On a chacun sa manière de faire de la technologie et de l'innovation. C'est la pluralité des idées et des expériences qui amènent le progrès. Donc je ne suis pas sûre que VivaTech ait besoin de piocher des idées du CES. Au contraire, je pense que VivaTech a besoin de se renforcer encore plus dans son universalité européenne. Et puis au niveau de la taille des événements, je trouve qu'on marche quand même beaucoup au CES. (Rires.) Porte de Versailles, c'est déjà très grand, même si le CES, c'est encore une autre taille.

Ce que doit travailler VivaTech, mais il le fait déjà très bien, et c'est peut-être ce qu'on peut se souhaiter en tant que Français, c'est de parvenir à attirer encore plus de profils internationaux, encore plus de nationalités. Le CES, c'est 150. S'il y a peut-être un objectif de comparaison et de succès entre les deux salons, c'est de réunir autant de nationalités.