Pour accélérer leur décarbonation, de plus en plus d’entreprises s’interrogent sur l’opportunité d’électrifier leur flotte de véhicules – et certaines sont déjà passées à l’acte. Champion en la matière, EDF a déjà électrifié 30 % de son parc de 40.000 véhicules légers, pour une conversion totale prévue en 2030. Une stratégie qui donne lieu à un pilotage très fin, que l’énergéticien propose d’ailleurs également à ses clients. « Nous avons débuté par une cartographie des profils des automobilistes et de leurs usages. Nous planifions leur passage au véhicule électrique en fonction du “total cost of ownership”, et la recharge constitue un poste important dans ce coût total », explique Olivier-Gérard Dubois, Directeur Mobilité électrique Groupe chez EDF.

En effet, selon qu’il se fasse sur le site de l’entreprise, au domicile, ou en itinérance, le coût de la recharge peut être multiplié par 5, explique Alfred Richard, cofondateur et CEO de Nelson Mobility, qui aide les sociétés à planifier l’électrification de leur flotte. « Si elle est mal pilotée, cette transition peut être coûteuse pour l’entreprise. La gestion de la flotte électrique ne devrait jamais être dissociée d’une bonne stratégie de déploiement d'infrastructures sur site, afin de prendre en compte tous les coûts de la recharge. » Pas la peine donc de précipiter un changement de flotte si les conditions de recharge ne sont pas dans le même temps optimisées.

Solutions de charge : toujours plus de flexibilité

Installation d’une borne à domicile, prise en charge totale ou partielle du coût de la recharge… Il n’existe pas de règle sur ce qu’une entreprise doit prendre à son compte lorsqu’elle confie un véhicule électrique à ses collaborateurs. « Les tarifs de recharge varient beaucoup et le modèle de tarification en itinérance est encore instable ; il faut favoriser la recharge à domicile et sur le site de l’entreprise, financièrement plus intéressante », alerte Alfred Richard. Et ce d’autant plus que les solutions pour simplifier ces recharges se multiplient.

Au domicile du salarié, IZI by EDF installe des bornes qui peuvent être connectées au compteur Linky. À la clé, la possibilité de monitorer et planifier les horaires de recharge. « L’objectif est de permettre de charger au moment où le foyer consomme le moins, autant pour ne pas surcharger le réseau que pour ne pas alourdir la facture », explique Olivier-Gérard Dubois. Sans compter que de nouveaux services, comme le split billing, permettent d’identifier le véhicule qui charge et ainsi de faciliter la facturation. Le salarié reçoit en effet une facture « fractionnée », spécifiant les recharges effectuées pour le véhicule du foyer et celles effectuées pour le véhicule de l’entreprise, cette dernière pouvant ensuite rembourser les frais de recharge réels à son salarié. Un moyen de s’assurer que les coûts de recharge professionnelle n’incombent pas au salarié, même quand il charge son véhicule chez lui.

Penser l’infrastructure de charge sur le site de la société est également un enjeu majeur. Là encore, les infrastructures adéquates feront baisser les coûts. La solution développée par Dreev, filiale du groupe EDF, permet ainsi de décider des moments et des intensités des charges sur le site, car rien ne sert de charger à pleine puissance et aux horaires de pic de consommation les véhicules stationnés toute la journée. « De plus en plus de sociétés travaillent sur des solutions d’optimisation de la recharge sur les parkings. Mob-Energy, par exemple, a conçu des bornes de recharge utilisant des batteries de seconde vie pour limiter les travaux de raccordement, et dispose d'un robot de charge qui se déplace automatiquement pour aller d’un véhicule à un autre », illustre Mathias Flattin, cofondateur du fonds TXO.

Pour les entreprises, outre la réduction des coûts de charge, l’installation d’infrastructures de recharge pourrait aussi se transformer en bon plan. Alfred Richard met en avant l’attrait que peut représenter l’intérêt pour les clients de venir s’y raccorder, tout comme la possibilité d’en tirer des revenus complémentaires.

Vers des échanges VE-bâtiment

« Les possibilités d’interaction entre les véhicules électriques et les bâtiments ne vont faire que croître, à mesure que plusieurs innovations vont se déployer », poursuit Olivier-Gérard Dubois. En connectant le véhicule au réseau électrique, celui-ci va en effet pouvoir jouer un rôle de batterie à part entière. « La voiture va constituer un gisement d’énergie et de flexibilité, surtout si l’utilisateur parvient à coupler cette capacité de stockage avec de l'autoconsommation, voire des panneaux solaires », complète Alfred Richard. Ce système, appelé V2X (vehicule to anything) promet donc d’être générateur de sobriété énergétique, contributeur de flexibilité pour le réseau électrique et facteur d’économies pour les utilisateurs. À condition donc que l’électrification des véhicules soit pensée de concert avec l’équipement des bâtiments.