Le potentiel maritime de la France semble encore échapper aux investisseurs installés à la capitale. Deuxième zone exclusive en mer au monde, superficie où le pays est souverain pour la pêche, la mer et l’océan représentent non seulement un enjeu économique mais aussi environnemental. « La Polynésie a elle seule possède un territoire maritime de la taille de l’Europe », souligne Romain Charraudeau, directeur du partenariat et du transfert pour l'innovation de l’IFREMER, l'institut français de recherche entièrement dédié à la connaissance de l'océan.

Entre 2019 et 2021, le nombre de startups de l’OceanTech a doublé dans le monde selon l’organisme. Pourtant, « c’est un domaine moins mature où le montant et le nombre des investissements restent inférieurs à la Fintech ou la Medtech. » Avec ses enjeux énergétique, alimentaire, environnemental et de santé globale, la Blue Tech passionne et la chaîne se structure. « Le fonds Blue Ocean de Swen Capital Partners dédie ses 170 millions d’euros à l’océan. » D’autres fonds à impact se consacrent eux aussi à l’océan comme Impact Océan Capital de Go Capital. « Eurazeo a lancé un fonds d’un milliard d’euros dédié à la décarbonation maritime », complète Alexandre Luczkiewicz, directeur du développement technologique et règlementaire et responsable des relations et des actions Outre-mer du Cluster Maritime Français qui rassemble les acteurs de l’écosystème maritime.

Tisser des ponts maritimes

En 2022, 1,2 milliards d’euros ont été levés pour le secteur contre seulement 200 millions en 2018. Pour autant, les passerelles peinent à se tisser. « Notre objectif est de permettre la rencontre de deux mondes qui s’ignorent : celui des financeurs et des startups, souvent situés sur le littoral ou Outre-Mer », explique Alexandre Luczkiewicz dont l’organisme a lancé l’index French Blue Tech en décembre. Ce dernier réunit 35 startups répartis entre sept catégories, de l’alimentation à la robotique en passant par l’environnement et la biodiversité, avec l’ambition de leur faire prendre de l’ampleur.

« Les startups manquent de temps pour aller se vendre auprès des financeurs. Elles n’ont pas toujours la culture de la recherche de financement quand elles ne sont pas à Paris », complète Alexandre Luczkiewicz, désireux d’encourager des fonds qui connaissent peu le maritime à soutenir ses startups. Observateur, il constate le décalage géographique entre les différentes parties prenantes tandis que le grand public ne mesure pas toujours l’impact de la mer sur son quotidien. « 90% des marchandises disponibles dans les magasins passent par le transport maritime. »

La connaissance de cet écosystème grâce aux datas contribue à mieux le protéger, le valoriser et l’exploiter. Pour Romain Charraudeau, il ne faut pas négliger le début de la chaine de la Blue Tech. « Nous devons lancer plus de projets dans le domaine de la Blue Tech et financer plus de seed, en amont. Les startups ne sont pas assez armées en early stage car il y a plus de risques.» De son côté Alexandre Luczkiewicz se concentre sur un autre objectif : « Nous devons faire émerger des solutions économiquement viables. Ce qui nous intéresse c’est de transformer des licornes de mer, des narvals », sourit-il. Pour lui, ces startups ont plus besoin de capital développement que de fonds d’amorçage pour se déployer à l’international tout en conservant le leadership en France.