Petit tour des principales mesures récentes à suivre et approfondir en 2024.

Sécuriser la gestion des BSPCE

Déjà, fin 2023, les bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) ont connu quelques changements. “Il y a une véritable actualité autour des BSPCE”, confirme Eric Birotheau. Pour rappel, les BSPCE peuvent être attribués aux salariés et aux dirigeants pour leur permettre d'acheter des titres de leur société dans un cadre fiscal favorable, sous réserve de respecter certaines conditions, notamment liées à l’âge et à la taille de la société.  

Tout d’abord, un débat est né autour du régime fiscal applicable lorsqu'un actionnaire souhaite apporter des titres issus de l’exercice de BSPCE à une holding soumise à l’IS. L’administration fiscale a précisé, dans un texte publié en mai 2023, que dans cette hypothèse, le gain existant au jour de l’apport devait être taxé. Un contribuable a alors saisi le Conseil d’État pour demander l’annulation de ce texte. Sur ce sujet, qui a fait débat dans l’écosystème startup, le Conseil d’Etat vient de donner raison au contribuable, dans un arrêt rendu le 5 février 2024. Cette décision précise très clairement qu’en cas d'apport à une société non contrôlée par l'apporteur de titres souscrits en exercice de tels bons, le gain résultant de cet apport n'est pas immédiatement taxable mais bénéficie du sursis d'imposition prévu par les dispositions de l'article 150-0 B du code général des impôts. Les commentaires administratifs de mai 2023 sont donc annulés.

Eric Birotheau de Banque Richelieu précise que l’exercice des BSPCE a également été revu dans un nouvel arrêt du Conseil d’Etat du 8 décembre 2023. Si, depuis la loi de finance rectificative pour 2013, il est interdit de détenir des BSPCE au sein d’un Plan d’épargne en actions (PEA), “le Conseil d’Etat a donné raison à un contribuable qui avait inscrit dans le PEA des actions issues de BSPCE ». Cette décision contredit la position prise par l’administration fiscale dans sa doctrine. « Il faudra donc également suivre les conséquences pratiques de cet arrêt, qui génère des questions sur sa portée. Il faudra notamment déterminer si tout ou une seule partie du gain pourrait bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue sous certaines conditions dans le régime du PEA ».

Favoriser l’actionnariat salarié

Plusieurs conditions d’attribution des actions gratuites (AGA) ont été assouplies dans le cadre de la loi de partage de la valeur en vigueur depuis le 1er décembre 2023, explique Eric Birotheau :

  • Les différents plafonds d’attribution des actions gratuites par rapport au capital social ont été augmentés. Dorénavant, le nombre total d’actions gratuites peut représenter 15% du capital social (contre 10% auparavant) et peut même être porté à 20% pour les petites et moyennes entreprises ou atteindre jusqu’à 40% du capital social, pour les AGA « démocratiques » qui bénéficient à l’ensemble des salariés.
  • Si l’attribution d’actions gratuites aux mandataires sociaux de sociétés filiales était uniquement destinée aux groupes cotés, elle est désormais accordée dans les sociétés non cotées.
  • Jusqu’à présent, une personne ne pouvait pas bénéficier d’actions gratuites lorsqu’elle détenait plus de 10% du capital social. “Désormais, il existe une sorte de plafond rechargeable individuel » explique Eric Birotheau. « Pour s’assurer que le plafond des 10% a été respecté, on tient uniquement compte des actions détenues depuis moins de sept ans. Un mandataire ou un salarié qui détient déjà plus de 10% du capital pourra ainsi bénéficier à nouveau d’une attribution gratuite d’actions après sept années.” 

Soutenir le financement des petites entreprises innovantes

La loi de finances pour 2024 a intégré la possibilité de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu pour la souscription au capital de jeunes entreprises innovantes. 

« Concrètement, la réduction d’impôt peut aller de 30% à 50% de la souscription au capital, selon le type de sociétés et le respect de certaines conditions. Le total de la réduction d’impôt est plafonné globalement à 50 000 € pour les souscriptions réalisées entre le 1er janvier 2024 et le 31 décembre 2028 » détaille Eric Birotheau.

Cela concerne notamment la catégorie des jeunes entreprises innovantes (JEI) qui existait déjà ou bien les jeunes entreprises innovantes de croissance (JEIC) qui en constituent une nouvelle catégorie. La qualification dépend du respect de certaines conditions, notamment du pourcentage minimum des charges affectées aux dépenses de recherche et développement (15% pour une JEI et entre 5% et 15% pour une JEIC).

Outre la réduction d’impôt dont peut bénéficier l’investisseur, la qualification de JEI ou de JEIC peut permettre à l’entreprise de bénéficier d’avantages, tels que des exonérations d’impôts locaux ou de cotisations sociales.

Ne pas mettre en péril une société

Par ailleurs, la loi de finances pour 2024 apporte également des précisions ou des confirmations concernant le pacte Dutreil. Ce dernier est un dispositif permettant de faciliter la transmission d’entreprise en prévoyant un abattement de 75% de la valeur des actions dans le cadre d’une donation ou d’une succession. 

Parmi les conditions à respecter, la loi intègre la possibilité d’appliquer un pacte Dutreil a une société exerçant des activités mixtes, qui avait déjà été retenue par la jurisprudence. Une société, qui exerce une activité civile peut donc bénéficier du pacte Dutreil, si cette activité n’est pas prépondérante.

La loi de finances pour 2024 retient également une définition de la holding animatrice, en reprenant en grande partie les éléments déjà définis par la jurisprudence.

« Des éléments plutôt rassurants pour la mise en place du pacte Dutreil qui nécessite en pratique une très grande vigilance, mais qui s’avère très efficace pour ne pas mettre en péril une société notamment lors du décès d’un actionnaire de référence » précise Eric Birotheau.

La transmission, par exemple, d’une participation de 5 millions d’euros à un enfant par son père peut coûter, selon les modalités retenues, jusqu’à près de 2 millions d’euros de droits de succession sans le pacte Dutreil. Mais avec le pacte, le coût peut baisser significativement pour atteindre environ 137 000 euros. 

Compte tenu des enjeux, l’intervention de spécialistes s’avère primordiale pour bien sécuriser le respect de toutes les conditions. L’actualité juridique et fiscale offre des réflexions et des opportunités qu’il faut savoir anticiper, en étant bien accompagné.